Un mois d’octobre bien complet pour la démocratie participative

Un mois d’octobre bien complet pour la démocratie participative

La démocratie participative a été rythmé en ce mois d’octobre par un ensemble d’interventions de l’équipe OSP en France et en Espagne ! Entre Madrid, Barcelone, Marseille, Poitiers, Paris les destinations ont été nombreuses et les occasions n’ont pas manqué pour présenter notre expérience du logiciel Decidim.

Virgile Deville au colloque de l’Association des Maires d’Île-de-France à Paris

Virgile intervient au colloque de l'Association des Maires d'Île-de-France au sujet à la table ronde "Les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ?"

Retrouvez ici notre article sur l’intervention de Virgile

Léo Cochin à l’événement « Innovations sociales : notre meilleur investissement » de Paris-Bercy

Léo Cochin s’est rendu le 14 octobre à Bercy dans le cadre de l’évènement « Innovation sociale, notre meilleur investissement » organisé par la Direction des achats de l’Etat (DAE), le LIBERTÉ LIVING-LAB et Le French Impact .

Plusieurs acteurs publics ont exprimé leur volonté d’orienter l’achat public vers une recherche permanente d’efficience économique mais aussi sociale. Utilisé aujourd’hui par plus de 150 institutions, le logiciel libre DECIDIM s’inscrit dans une logique durable de l’investissement public. Chaque investissement destiné à l’amélioration de ce bien commun permet à une large communauté internationale d’explorer sereinement l’innovation démocratique et sociale. L’investissement dans un logiciel open source permet en effet aux acteurs publics de ne pas être dans une situation de dépendance vis à vis de leur prestataire.

Eloïse Gabadou à l’Europeanlab de Madrid

Eloïse représentait Decidim et OSP lors de l’Europeanlab de Madrid, le 18 et 19 octobre 2019. Ce laboratoire d’idées rassemble chaque année 250 acteurs européens pour éclairer, soutenir et accompagner les initiatives qui feront la culture de demain.
Au programme de ces deux jours de réflexion et de rencontres : débats, rencontres, bibliothèque vivante, musique, plateau radio, ateliers pour enfants, workshop..
Eloïse a présenté Decidim et Open Source Politics lors d’une table ronde au sur la citoyenneté numérique, la smartcity, et les communes digitales

Valentin Chaput à Marseille pour l’événement « Faire ensemble » de Numérique En Commun(s)

Le 18 octobre 2019, OSP s’est rendu à Marseille à l’événement « Faire Ensemble ». Cette rencontre nationale organisée par Numérique en commun[s] rassemble pendant deux jours les partie-prenantes de la construction de la société numérique.

En parallèle des enjeux d’inclusion numérique largement débattus dans le cadre de Numérique en Commun(s) , Valentin Chaput a présenté la dimension européenne du projet Decidim lors d’un échange avec Louise Guillot de la 27e Région à propos des communs. En quoi faire société autour des communs permet d’assurer la pérennité et le développement de ressources relevant de l’intérêt général ? Cette question nous a fait vivre un débat passionnant au Mars Medialab.

Antoine Gaboriau aux rencontres, citoyenneté numérique 2019 à Poitiers

Antoine Gaboriau est intervenu le 7 octobre au sujet des outils numériques open source durant l’événement « Rencontres, citoyenneté numérique » organisé en partenariat avec le Conseil de développement de Grand Poitiers. Il était accompagné de

Ensemble, ils abordaient le sujet de la civic tech, et discutaient des initiatives menées via la société civile à travers le numérique. À tour de rôle, ils listaient des méthodes existantes permettant aux citoyens de s’impliquer dans les institutions et dans l’élaboration des politiques publiques.

Virgile Deville au Decidim Fest de Barcelone

Démocratie participative: Decidim Fest de Barcelone

Lors du Decidim Fest 2019, le 29, 30 et 31 octobre, Virgile Deville représentera OSP lors d’un workshop : « Participation en pratique : Processus participatifs et budgets« .

Il parlera de l’expérience d’Open Source Politics dans la mise en place de budgets participatifs en utilisant Decidim. Open Source Politics a aujourd’hui installé une vingtaine de budgets participatifs pour des collectivités, ce qui permet de tirer des enseignements, que Virgile détaillera lors de son intervention.

À sa table ronde, Virgile sera accompagné de :

  • Alberto Labarga (Université publique de Navarra, Open Knowledge Foundation)
  • Sílvia Luque (Fondation Ferrer i Guàrdia)
  • Óscar Pretel Ramírez (ancien conseiller en participation, et transparence de la mairie de Saragosse)
La technopolitique pour repenser les réseaux numériques

La technopolitique pour repenser les réseaux numériques

En 2011, des centaines de milliers d’Espagnol.es, manifestent dans les rues pour protester contre l’inaction politique face à la crise économique qui secoue le pays. Les syndicats et les partis politiques restent paralysés face à ce mouvement d’une ampleur inédite. Pendant des semaines, les Indignés campent et organisent seul.es une contestation de masse.

Dans ce moment d’effervescence, une réflexion inédite naît, renouvelant les rapports entre politique et technologie. L’organisation des multiples actions des Indignés via des outils numériques nourrit cette réflexion en fondant un argument désormais presque classique : les technologies numériques autorisent les citoyen.nes à s’organiser eux-mêmes, à prendre leurs propres décisions et à fixer seul.es leurs objectifs

En dehors des instances classiques de représentation et d’expression des intérêts des citoyen.nes, les différents outils développés par les activistes du 15M leur ont permis de coordonner d’innombrables manifestations et actions coup-de-poing. Ils ont créé des structures de fonctionnement horizontales ; ils ont réussi à penser l’engagement des citoyen.nes par la co-construction de réseaux numériques.

Ce point était cardinal dans le développement de ces technologies ; il fallait inclure tous et toutes les citoyen.nes dès la conception d’un outil. Donner le maximum de garanties de transparence, d’égalité et de redevabilité était donc dans toutes les têtes. L’intégration de ces principes démocratiques au commencement de l’élaboration technique a directement favorisé l’utilisation critique et stratégique des outils numériques au service d’une action politique collective ; ce que les activistes appellent encore aujourd’hui la technopolitique.

Decidim, fer de lance de la technopolitique

C’est cet esprit qui préside, en 2016, à la création du projet Decidim. Les instigateur.trices de ce projet, pour beaucoup des chercheur.es et ancien.nes activistes du 15M, avaient la volonté de relier les citoyen.nes via un outil dédié à la prise de décision collaborative. L’enjeu n’était pas de reproduire le 15M à l’intérieur des institutions plus que d’introduire les citoyen.nes à ces débats ; en somme, il fallait créer un outil pédagogique facilitant l’engagement des citoyen.nes et leur donnant envie d’aller plus loin dans la quête de leur propre autonomie politique.

Dans ce contexte intellectuel militant, Decidim s’est présenté comme  l’outil numérique qui traduit en pratique la technopolitique en visant la responsabilisation progressive des citoyen.nes, à travers un Contrat social strict et des principes profondément démocratiques inscrits dans le code même de la plateforme

Pour Open Source Politics, l’enjeu est de taille ; il s’agit de conserver et diffuser l’état d’esprit profondément pédagogique qui fonde la création du logiciel tout en permettant son appropriation par des acteurs qui peuvent avoir des objectifs différents des activistes du 15M. Nous travaillons donc au quotidien pour que les plateformes numériques que nous lançons introduisent les gens à la technopolitique en offrant des espaces favorisant l’expression et la discussion, médiées par un cadre et des objectifs concertationnels ou laissées libres.

Diffuser une nouvelle culture du numérique

C’est précisément ce que nous avons voulu illustrer lors du Decidim Day le 12 septembre dernier. Cette journée d’ateliers, de plénières et de tables rondes organisée par notre équipe fut une belle occasion d’expliquer le terme de technopolitique à des oreilles françaises peu habituées, ainsi que d’illustrer notre propre conception de cette idée. 

Nous avons donc cherché à faire infuser les différentes réflexions soulevées par la technopolitique dans notre propre événement. La plénière d’inauguration devait permettre d’aborder deux approches différentes du rapport entre technologie et politique ; l’une à visée régulatrice développée à l’intérieur de l’Assemblée Nationale par Paula Forteza, l’autre construite patiemment et de manière décentralisée par Santiago Siri et l’équipe de Democracy Earth. 

Trois parcours ont ensuite orienté les échanges dans différentes directions. Nous avons eu l’occasion de questionner la place de l’Etat et des collectivités dans la construction et le soutien aux communs numériques mais également la pertinence de la diffusion de la technopolitique dans le secteur de l’entreprise et de l’émergence de nouveaux modes de gouvernance industrielle. Une table ronde dédiée s’est également demandée s’il était possible d’identifier les différents rôles que les citoyen.nes occupent et incarnent pendant les processus de participation. Fondamentalement technopolitique, cette discussion a pu entrer dans le vif du sujet. Quelle pédagogie, quel accompagnement pour amener les citoyen.nes à s’emparer des questions politiques via la technologie ?

Tout cela nous a encouragé à discuter également de l’émergence d’un réseau français des communs généraliste, afin d’ouvrir la réflexion technopolitique à d’autres acteurs issus d’autres milieux. L’élargissement de la discussion à des exemples d’outils numériques internationaux a aussi largement contribué à l’exhaustivité des points de vue sur le sujet. Enfin, la pédagogie devant se penser comme inclusive et destinée au plus large public possible, Open Source Politics souhaitait proposer des ateliers sur le thème de l’accessibilité, de l’inclusion numérique, de la synthèse et de l’auto-gouvernance.  

Enjeux technopolitiques Chantiers Decidim et OSP
Traitement de jeux de données massifs et synthèse des consultations Depuis 2017 nous investigons sur l'application du traitement automatique de la langue aux corpus de texte et de données issus des consultations. Relire nos articles à ce sujet sur Medium partie I et II.
Inclusion numérique et accessibilité Open Source Politics est sociétaire de la Mednum, la coopérative de l'inclusion numérique
Identité numérique - OSP développe un connecteur France Connect pour Decidim qui sera disponible cet automne 2019. - Decidim permet mettre en place des systèmes de vérification  d'identité contextuelle à l'action réalisée par l'utilisateur (vote sur une budget participatif) personnalisé.
Représentativité Decidim est l'une des seules plateforme à proposer un module de tirage au sort.
Décentralisation et sécurité de la donnée Decidim propose déjà un certain nombre de garanties pour la donnée que la plateforme génère (API, empreinte cryptographique des propositions etc.). Dans le cadre du projet Européen Decode, Decidim a pu experimenter avec la technologie blockchain pour effectuer des signatures électroniques.

Le positionnement critique de la technopolitique nous permet de penser et construire nos stratégies de participation et le développement de Decidim en fonction des enjeux actuels (inclusion, prise de décision décentralisée…). Il nous encourage également au quotidien à réfléchir à des questions de pointe sur le sujet de la participation citoyenne et à nous remettre continuellement en cause sur la finalité de Decidim tel qu’il est conçu et développé par OSP. Le Decidim Day fut une réussite, en partie car il a été l’occasion de démontrer notre méthode et d’inviter nos partenaires (présents et futurs) à prendre toute leur part dans cette méthode, en constante évolution.

Les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ?

Les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ?

Virgile Deville, co-fondateur d’Open Source Politics (OSP), est intervenu le jeudi 19 septembre 2019 à l’occasion du colloque sur la concertation citoyenne : « Au lendemain du grand débat national, quelle perspectives pour la démocratie participative à l’échelle locale? » organisé par l’Association des Maires d’Ile de France (AMIF). OSP répondait à la question « les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ? »

Virgile Deville intervient à la table ronde "Les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ?"  lors du Colloque sur la concertation citoyenne organisé par l'AMIF (Association des Maires d'Île de France)

Ce colloque était l’occasion pour OSP de présenter le rôle des plateformes numériques comme Decidim dans le cadre de concertations citoyennes et de partager notre expérience quant à la mise en place de ces plateformes au sein des collectivités territoriales.

Le logiciel libre Decidim s’adapte aux besoins de ces institutions et propose un système d’information complet et transparent pour la démocratie numérique, permettant de modéliser n’importe quel processus participatif.

En dehors de l’excellente formule de Mathieu MonotMaire-Adjoint de Pantin, référent de la commission participation citoyenne de l’AMIF, sur l’évolution du rôle du maire : 

Nous avons successivement admiré les maires gestionnaires et bâtisseurs maintenant j’ai la conviction que c’est au tour des maires concerteurs !

nous retenons 3 points de cette expérience :

Des biens communs numériques pour propulser les concertations publiques, une évidence

Pourquoi ? Les biens communs numériques sont porteurs de valeurs telles que la transparence et l’intégrité des données, la protection des données personnelles, l’égalité des participants et la reddition des comptes. Le modèle proposé par Decidim combinant licence libre (AGPLv3) et contrat social pose les garanties démocratiques nécessaire à toute démarche de démocratie numérique. 

Pour aller plus loin sur ce sujet, nous vous recommandons l’article de @calimaq (Lionel Maurel) qui aborde le concept de Logiciel Libre à mission en prenant Decidim comme exemple.

L’hybridation numérique / présentiel est essentielle

Les outils numériques ne sont pas magiques et la participation active est le fruit d’un apprentissage progressif. Des gages de transparence sont nécessaires pour donner confiance aux citoyens et ceux-ci ne peuvent être transmis que par des interactions humaines. Il est par conséquent nécessaire de garantir une hybridation d’espaces de participation numérique et présentiel.

Le travail d’OSP avec les institutions pousse aujourd’hui à avoir un usage critique et stratégique des outils numériques au service d’une action politique, collective et souveraine.

Des usages de plus en plus avancés, des plateformes toujours plus complètes

Une plateforme pour les municipalités c’est avant tout une plateforme modulaire et configurable.

Les démarches participatives au sein des municipalités doivent considérer les différents degrés d’engagement (cf. schéma ci-dessous). Pour ce faire, l’outil en question doit permettre de modéliser tout type de démarche participative. Decidim est particulièrement efficace face à cet enjeu avec son architecture modulaire et profondément configurable. C’est un véritable Lego de la participation où les institutions définissent l’architecture de leur espaces de participation sur mesure en activant et configurant des fonctionnalités participatives.

Schéma de l'évolution du degrés d'implication des citoyens à travers les usages

Les enjeux technopolitiques que la civic tech doit encore relever

Nous avons conclu notre intervention en rappelant que la participation numérique n’en est encore qu’à ses débuts. La mise en plateforme comme Decidim soulève des questions passionnantes :

Enjeux technopolitiques Chantiers Decidim et OSP
Traitement de jeux de données massifs et synthèse des consultations Depuis 2017 nous investigons sur l’application du traitement automatique de la langue aux corpus de texte et de données issus des consultations. Relire nos articles à ce sujet sur Medium partie I et II.
Inclusion numérique et accessibilité Open Source Politics est sociétaire de la Mednum, la coopérative de l’inclusion numérique
Identité numérique – OSP développe un connecteur France Connect pour Decidim qui sera disponible cet automne 2019.
– Decidim permet mettre en place des systèmes de vérification  d’identité contextuelle à l’action réalisée par l’utilisateur (vote sur une budget participatif) personnalisé.
Représentativité Decidim est l’une des seules plateforme à proposer un module de tirage au sort.
Décentralisation et sécurité de la donnée Decidim propose déjà un certain nombre de garanties pour la donnée que la plateforme génère (API, empreinte cryptographique des propositions etc.).
Dans le cadre du projet Européen Decode, Decidim a pu experimenter avec la technologie blockchain pour effectuer des signatures électroniques.

Autant de défis qu’il nous est possible de relever collectivement grâce au modèle ouvert à la collboration proposé par Decidim qui réunit déjà une multitudes d’acteurs complémentaires (universitaires, développeurs, sociologues, politistes, designers…). Un cadre de travail qui permet de les relever en réseau en mutualisant les efforts, les investissements et les apprentissages.

Nous tenions à remercier l’AMIF à cette occasion pour l’organisation du colloque et pour l’invitation à la table ronde.

Pour plus de détails, vous pouvez contacter notre équipe ici : contact@opensourcepolitics.eu
Pour en connaître plus sur Open Source Politics cliquez ici
Retrouvez la présentation de Virgile ici :

La participation citoyenne dans une société en réseaux

La participation citoyenne dans une société en réseaux

La participation citoyenne dans une société en réseaux

Cet article sur la participation citoyenne est la traduction de l’introduction du guide d’administration de Decidim, publié en mars 2010 à l’occasion de la sortie de la version 0.10 de la plateforme (téléchargeable ici).

Cette introduction présente un intérêt tout particulier puisqu’elle explicite la vision qu’ont les fondateurs et fondatrices de Decidim. Vous pourrez y trouver les ressources théoriques mobilisées pour construire le cadre de Decidim. Celles-ci inscrivent la plateforme comme héritière d’une longue tradition intellectuelle ; vous pourrez toutefois constater que Decidim renouvelle profondément cette tradition et la réactualise en considérant les nouveaux enjeux du XXIè siècle.

Photo by Marc Sendra martorell on Unsplash

Le devenir d’une société en réseaux

Les technologies de l’information et de la communication (ci-après TIC) et les pratiques qui leur sont associées sont en train de provoquer des transformations irréversibles dans le monde social et politique. De la petite association de résidents jusqu’aux campagnes électorales les plus intenses, d’une organisation ou d’un rassemblement de quartier à l’Union Européenne, les relations politiques sont de plus en plus déterminées par l’utilisation d’outils et de technologies numériques. Il semble que le futur de la participation démocratique et de l’action collective se fera à travers le développement de plateformes numériques et de processus hybrides, qui rénovent les pratiques traditionnelles et les combinent avec des pratiques numériques (Fuchs, 2007).

Cette transition coïncide avec le déclin des systèmes représentatifs ces dernières décennies (Norris, 1999 ; Pharr & Putnam, 2000 ; Tormey, 2015), qui a contribué à la remise en cause de la légitimité et du sens de la démocratie elle-même, réduite et souvent identifiée à ce système (Crouch, 2004 ; Keane, 2009 ; Streeck, 2016). Plusieurs auteurs ont utilisé le terme « post-démocratie » pour se référer à la diminution du pouvoir et du sens des institutions représentatives qui va de la mondialisation à la désaffection et à la désertion politiques des citoyens (Brito Vieira and Runciman, 2008 ; Keane, 2009 ; Rosanvallon, 2011 ; Tormey, 2015). Les différentes tentatives d’amélioration de la participation ne sont pas parvenues à renverser cette tendance (Keane, 2011 ; Tormey, 2015).

Photo by Avel Chuklanov on Unsplash

 

Cette crise politique de long terme s’est révélée après la crise économique et financière de 2008, et lui est directement liée. Ainsi, des millions de gens mobilisés contre cette crise n’ont pas simplement demandé une vraie démocratie, ils l’expérimentent et la construisent réellement. L’étape-clé de ce processus est le mouvement-réseau du 15M. C’est dans un contexte d’hypermédiation technologique que les TIC, utilisées dans les années 80 et 90 pour l’accélération des flux financiers et de la mondialisation (Castells, 1996), sont devenues des espaces et des outils cruciaux en faveur d’une réappropriation multipolaire de la politique ainsi que de l’expérimentation démocratique (Martinet Ros et al., 2015).

 

Après quatre ans de nombreux succès et échecs, de nouvelles initiatives politiques citoyennes ont réussi en mai 2015 à prendre le pouvoir dans les principales villes espagnoles, dont Barcelone. De fait, elles se plaçaient dans la continuité de pays comme l’Islande, où la crise économique a entraîné une période de réappropriation citoyenne des institutions et d’innovation démocratie fertile, basées sur une utilisation intensive et créative des TIC.

 

Depuis le 15M, la plupart des expérimentations visant à l’introduction de nouvelles formes de démocratie participative et délibérative (Barber, 1984 ; Habermas, 1994, 1996 ; Della Porta 2013) ont utilisé la technologie comme intermédiaire. Comme on peut le constater à partir du cas islandais (et d’autres, comme l’exemple finlandais), les processus de démocratisation tels que la mobilisation citoyenne et la prise de pouvoir demande une coordination techno-politique (Rodotà 1997 ; Martinet Ros et al., 2015) pour atteindre une profondeur et une diversité maximales. La technopolitique émerge de la politisation de technologies et du ré-assemblage technologique de la politique aussi bien que du co-développement et de la co-production des technologies.

 

La forme que revêtent ces délibérations et participations techno-politiques diffère ; les pratiques numériques et présentielles, les espaces et les processus se connectent et se nourrissent mutuellement sur plusieurs niveaux. Ces dispositifs participatifs visent à l’augmentation du nombre, de la variété et de la parité des individus qui prennent part au gouvernement commun de la ville, étendant et enrichissant du même coup les zones, formes et périodes dans lesquelles ils se produisent et aidant ainsi à l’amélioration de l’intelligence collective (Levy, 1997), capable de se confronter à la complexité de la vie urbaine contemporaine. La technopolitique doit pallier les nombreuses limites de ce qui a été appelé la « démocratie numérique » (Hindman, 2008) en commençant par se libérer elle-même des récits « techno-centrés » et « techno-optimistes » autour de la participation aidée par le numérique.

 

De nouveaux dispositifs participatifs sont en cours de construction dans un contexte plein d’opportunités quoique périlleux. Le programme de gouvernement de 2015 et le Plan d’Action Municipal (PAM) 2016–2019 établis pour la ville de Barcelone donnent la part belle à la participation et plus spécifiquement à l’innovation et au développement de nouveaux modèles de participation. Le PAM, dont la construction a rassemblé des milliers de personnes, correspond à une demande sociale équivoque appelant à une profonde remise en cause du système démocratique et des mécanismes de participation.

 

Cependant, cette dynamique survient dans un contexte défini par : a) l’exclusion sociale, politique et économique de larges parts de la population ; b) des difficultés d’accès à la participation de plus en plus importantes, résultant de la situation de crise économique ; c) la crise de légitimité et d’efficacité du régime de démocratie représentative et des autorités publiques ; d) l’immense dépendance technologique vis-à-vis d’infrastructures et de services privés ; e) un contexte politique et législatif d’opposition à la démocratie directe, à l’indépendance sociale et à la souveraineté territoriale ; f) un désavantage institutionnel abyssal quant à la compréhension des complexités sociales à l’aide de techniques d’analyse des données comportementales et de modèles que les grandes entreprises technologiques et les services numériques possèdent.

 

Contrôle des données et infrastructures numériques pour la démocratie et la participation citoyenne

 

Dans un contexte de nouvelles configurations du capitalisme informationnel (Castells, 1996), souvent appelé « capitalisme de la donnée » (Lohr, 2015 ; Morozov, 2015) ou « capitalisme de surveillance » (Zuboff, 2015), les nouvelles infrastructures numériques de la démocratie courent le risque de contribuer à des dynamiques contraires aux principes de vie privée et de souveraineté technologique.

 

Photo by Randy Colas on Unsplash

Les plateformes propriétaires, fermées et opaques tournées vers l’exploitation de l’activité sociale pour le profit agissent de manière non-démocratique et occupent de plus en plus la vie sociale. Ce modèle est particulièrement dangereux en regard des nouvelles infrastructures et dispositifs démocratiques que nous appelons de nos vœux.

Comparé au modèle d’infrastructure privé et propriétaire, le modèle des communs publics, duquel nous pensons que le développement de decidim.barcelona doit s’inspirer, est tourné vers le développement de plateformes dont le design, la propriété et l’organisation sont libres, ouverts, participatifs, partagés entre agents publics et citoyens (organisés ou non). Par ce modèle, le code de la plateforme mais également les données qu’elle génère sont gérés et mis à disposition de manière commune et publique. L’ouverture de tous les secteurs à la participation, l’instauration des communs comme principe politique (en opposition à la sphère privée et même à la sphère publique-étatique — Laval & Dardot, 2015) semble être une condition sine qua non afin que les dispositifs participatifs soient réellement fonctionnels.

La participation se doit ainsi d’être récurrente : elle doit aider à définir et établir les conditions structurelles de sa propre existence et peser sur le design, le développement et la gestion des plateformes participatives, des concertations et des résultats (c’est-à-dire les données) générées dans ce cadre.

Mis entre les mains de grandes entreprises de services numériques, l’organisation algorithmique de la vie sociale et du thème qui nous concerne, la participation politique, fait courir un risque à la démocratie et à la souveraineté technologique que seul un effort de production de communs publics dans le secteur des infrastructures numériques peut contrer. Seules des plateformes basées sur des logiciels libres, ouverts, transparents, sécurisés et communs offrent suffisamment de garanties dès lors que l’on souhaite construire des démocraties de meilleure qualité. La démocratie du futur doit donc être construite avec des infrastructures démocratiques.

Cette conclusion raisonne parfaitement avec la philosophie adoptée par Open Source Politics depuis sa création. L’utilisation des logiciels libres, dont nous avons fait le principe fondamental de notre activité, met en pratique notre volonté de développer des communs numériques au service de la démocratie. Nous avons longuement expliqué ce choix dans un article précédent, accessible ici.

Le Contrat Social de Decidim, un texte fondateur

Le Contrat Social de Decidim, un texte fondateur

Nous reproduisons ici, pour la première fois en français, le « Contrat Social » de la plateforme Decidim, traduit du catalan en passant par l’anglais. Toute traduction implique nécessairement des choix, qui peuvent par endroit altérer l’intention initiale de la phrase, mais nous avons tenté de restituer au mieux l’esprit de l’original.

Le choix d’intituler ce document « Contrat social » est lourd de sens puisque ce concept est l’un des plus connus de la philosophie politique. Initialement théorisé par Grotius au 17ème siècle avant d’être popularisé par Hobbes, Locke et Rousseau, le contrat social constitue une hypothèse de réponse à plusieurs questions philosophiques fondamentales. L’objectif est en effet de fournir un cadre conceptuel permettant d’expliquer la fondation de la société et de comprendre pourquoi l’être humain se soumet à des règles auxquelles il n’a pas choisi explicitement de se soumettre.

L’idée derrière la reprise de cette notion par les fondateurs de Decidim est donc d’assumer le développement d’un nouveau fonctionnement politique à travers l’adoption de cette plateforme. C’est donc la marque d’un renouvellement de la compréhension de notre participation, en tant qu’individus politiques, à la société. Cette conception renouvelée du poids politique du citoyen est issue directement, dans le cas de Decidim, de la relation étroite des leaders du projet avec le mouvement des Indignés, qui souhaitait explicitement refonder l’organisation du pouvoir politique pour obtenir une démocratie plus ouverte.

Contrat Social

Charte valorisant les garanties démocratiques et la collaboration ouverte.

Ce texte est le contrat social que tous les membres du projet Decidim s’engagent sur l’honneur à respecter.

L’utilisation et le développement de la plateforme Decidim, par une institution ou un groupe de quelque nature que ce soit, implique l’entier accord et l’engagement pour ce Contrat Social.

Logiciel libre et contenu ouvert

Le code de la plateforme, ainsi que celui des modules, des bibliothèques logicielles ou de tout autre code développé pour son fonctionnement et son déploiement sera toujours un logiciel libre et gratuit, sous licence Affero GPLv3 ou une version plus récente [https://www.gnu.org/licenses/agpl-3.0.en.html] lorsque le code est neuf et sous une licence compatible avec celle citée ci-dessus lorsque le code est réutilisé.

De même, le contenu, les données, les APIs et/ou toute autre interface déployée dans un but d’interaction avec n’importe quel type d’utilisateur doit suivre des standards ouverts et interopérables (ex : OpenID, RSS, Ostatus, etc.), toujours en ayant pour objectif de tendre à leur compatibilité avec les standards ouverts les plus utilisés.

Dans le but d’assurer la transparence et la collaboration citoyenne au sein des processus participatifs, les contenus, textes, graphiques, polices, éléments audio, vidéo, ou tout autres éléments de design seront publiés sous une licence Creative Commons By-SA [https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/legalcode].

Les données disponibles sur la plateforme, particulièrement toutes les données pouvant être collectées de manière systématique à l’aide de scrappers ou d’autres techniques de consultation massive, seront publiées sous licence Open Data Commons Open Database License [http://opendatacommons.org/licenses/odbl], en formats standardisés et accessibles (tels que CSV, JSON, etc.) et, dès que possible, avec des outils qui facilitent l’analyse et la visualisation de données.

Transparence, traçabilité et intégrité

La plateforme et ses configuration, développement, déploiement et utilisation actuels et futurs doivent nécessairement assurer et optimiser la transparence, la traçabilité et l’intégrité des documents, propositions, débats, décisions et tout autre objet, mécanisme ou processus participatifs.

Par transparence nous entendons que toute donnée liée à ces processus et mécanismes participatifs est disponible au téléchargement, à l’analyse et au traitement, toujours sous les standards et formats les plus utilisés pour partager l’information (accessibilité, multi-format, etc.).

Le principe de transparence est une condition nécessaire au contrôle des mécanismes et processus participatifs, mais il ne doit en aucun cas être étendu au traitement des données personnelles ou servir des attaques contre la vie privée des participant.e.s à la plateforme.

Nous entendons par traçabilité la capacité de trouver facilement et dans le détail l’histoire (passée comme future) de l’élaboration des propositions, plans, régulations ou quelqu’autre objet de participation ou décision compris dans un mécanisme ou un processus. La plateforme doit à tout moment montrer comment, pourquoi, par qui et avec quelles garanties un morceau d’un processus participatif a été rejeté, approuvé ou bloqué.

Nous entendons par intégrité l’authenticité d’un contenu spécifique, et l’assurance qu’il n’a pas été manipulé ou altéré sans que cette modification ait clairement été enregistrée et qu’elle soit visible et accessible. L’exigence d’intégrité revient à la non-manipulation des propositions et résultats des processus ou mécanismes participatifs.

Égalité d’opportunité et indicateurs qualitatifs

Conjointement aux garanties définies précédemment, la plateforme promet de fournir des opportunités identiques pour toute personne, aussi bien concernant les propositions que toute autre contribution que la plateforme accueille. Celle-ci offre des possibilités égales de participation à tous les processus (propositions, débats, etc.) : toute personne peut les voir, les discuter, les commenter, les évaluer, les traiter, sans discrimination d’aucune sorte. L’identité numérique des utilisateur.trice.s de la plateforme sera ainsi toujours personnelle et non-transférable. Le processus de vérification qui confère les droits à la décision sur la plateforme sera également unique, et la responsabilité incombe à l’entité administrative en charge de la plateforme d’éviter l’usurpation d’identité d’une personne ou d’une entité.

La plateforme doit promouvoir, avec l’objectif d’en assurer le caractère démocratique, l’utilisation d’indicateurs qualitatifs développés sur la base des données obtenues par les différents processus et mécanismes participatifs et par l’activité des utilisateur.trice.s. Le partage des réglages des différents modules ainsi que l’open data seront mis en avant dans le choix de ces indicateurs.

L’égalité de participation des citoyen.ne.s est un des principes fondamentaux de tout système démocratique ; la plateforme doit non seulement assurer une égalité d’opportunité concernant les usages et les fonctions mais également les droits d’accès. Ainsi, l’organisation en charge de la plateforme s’engage à agir pour favoriser l’accès à, et le soutien de, la plateforme pour tou.te.s les citoyen.ne.s de la même manière. Les outils et ressources appropriées pour la plateforme sont disponibles à tous sans distinction.

Confidentialité des données

La confidentialité et le caractère privé des données personnelles que les individus pourraient fournir pour participer à n’importe quelle fonctionnalité et/ou possibilité de participation que la plateforme offre doivent être garantis à tout moment. En aucun cas des données personnelles ne doivent être transmises à un tiers. Les données personnelles ne seront pas utilisées plus que ce qui est strictement nécessaire dans le cadre de l’enregistrement des utilisateur.trice.s et des améliorations de la navigation sur la plateforme.

Dès que la technologie de la plateforme le rend possible, l’expression de préférences politiques ou de volontés au cours de processus de décision devra rester inaccessible même à l’administrateur de la plateforme ou le(s) serveur(s) l’hébergeant.

Responsabilité et suivi

Répondre à toute demande et à toutes les contributions le plus rapidement possible doit être un engagement pris envers les citoyen.ne.s. Un autre se situe dans le suivi des résultats des processus participatifs et la réponse à celles et ceux qui les demandent. Enfin, le dernier engagement consiste en l’étude de l’intégration d’indicateurs pour contrôler le processus participatif une fois terminé, afin d’en évaluer systématiquement le déroulé.

Amélioration permanente et collaboration inter-institutionnelle

Des mécanismes d’évaluation périodiques seront mis en place afin de faciliter l’amélioration de la plateforme.

La priorité sera donnée à la collaboration et à l’échange d’expériences entre les institutions incluses dans le projet, dans l’objectif d’améliorer, réparer et construire de nouveaux développements visant à améliorer sans cesse la plateforme.

Dans ce but, une atmosphère de collaboration sera mise en valeur pour le développement d’améliorations qui visent à bénéficier à l’ensemble de la plateforme, ce qui permet la coordination entre différents acteurs si nécessaire.

Conditions d’utilisation

Tous les points de cette charte doivent être reproduits dans le texte du contrat de licence que chaque organisation qui intègre Decidim à ses services établit avec les utilisateur.trice.s et ne doivent jamais être contredits.

Open Source Politics est une entreprise qui développe des plateformes de démocratie participative pour des acteurs publics, privés et associatifs. Contactez-nous si vous souhaitez vous engager dans un dispositif de concertation ou un budget participatif utilisant des outils civic-tech !