Une assemblée citoyenne nancéienne

Une assemblée citoyenne nancéienne

Début 2023, la ville de Nancy organisait la seconde édition de son assemblée citoyenne. Cette année la thématique principale était l’espace public. Pendant 4 mois, des réunions, ateliers et formations ont rythmé la vie citoyenne des participant·es qui ont finalement délivré un rapport au conseil municipal et amendé la constitution municipale sur la participation. Retour sur cette démarche ambitieuse et prometteuse. 

Une assemblée citoyenne, qu’est-ce que c’est ?

Avant de se plonger dans le cas d’étude de la ville de Nancy, voici une présentation succincte de ce qu’est une assemblée citoyenne.

Une assemblée citoyenne est un dispositif participatif réunissant un panel représentatif d’un groupe donné et qui conduit à une délibération. C’est en alternant des phases de formation à des sujets précis et des phases de délibération en groupes que les citoyen·nes restituent collectivement des recommandations aux organismes de gestion en place. Les citoyen·nes sont, de fait, considéré·es comme légitimes à la réalisation à la fois d’un diagnostic mais aussi de recommandations tant ces personnes sont directement impactées par l’issue des décisions.

L’assemblée citoyenne de Nancy

La ville de Nancy a organisé en 2020, déjà avec la contribution d’Open Source Politics, sa première assemblée citoyenne. Elle avait pour mission de : 

  • Définir les nouveaux conseils de quartier.
  • Concevoir le fonctionnement du budget participatif (BP).
  • Réfléchir à de nouvelles méthodes et de nouveaux outils de participation citoyenne.

À l’issue de ces différents travaux de réflexion, l’assemblée a rédigé la constitution municipale qui offre une orientation sur la réglementation de la démocratie participative à Nancy. Suite à cette première édition, le 19 avril 2021, un conseil municipal extraordinaire a adopté cette constitution et voté en faveur de la pérennisation et du renouvellement de l’assemblée citoyenne.

Retour sur cette deuxième édition

C’est dans la continuité de la décision du conseil municipal que s’est tenue la seconde édition de l’assemblée citoyenne de Nancy (ACN), portant cette fois sur l’espace public de la ville. L’assemblée avait pour objectif de délivrer un rapport au conseil municipal. Une thématique secondaire proposait aussi une réflexion sur les instances de participation nancéiennes – ACN, Ateliers de Vie de Quartier (AVQ) et BP – afin d’aboutir à un amendement de la constitution municipale sur les instances démocratiques. 

Cette assemblée était composée de trois collèges différents de participant·es :

  • un premier collège composé de volontaires ayant répondu à l’appel à participation ;
  • un second constitué de personnes tirées au sort sur les listes électorales ;
  • et un troisième regroupant les représentant·es des AVQ. 

Soit pour ces trois collèges un total de 130 personnes. 

À ce stade, il est important de souligner que dans le cadre de ce type de démarche participative, l’engagement des personnes participantes est difficile à solliciter et maintenir sur la durée. Cela, pour différentes raisons dont la disponibilité, la légitimité, le coût d’opportunité sont les facteurs principaux. Pour aller plus loin sur cette thématique, la première édition de la revue OSP Explore rend compte de ces différents défis.

À la lumière de ces risques de faible mobilisation et répondant à un besoin alors largement discuté dans les sphères académique et pratique de la participation citoyenne, la municipalité de Nancy avait mis en place une indemnisation de déplacement pour les participant·es. Après attestation d’émargement, les participant·es recevaient une indemnisation, à hauteur de 20€, pour chacune des réunions auxquelles ces personnes avaient assisté. Bien que cette indemnisation ait été mise en place, il a été constaté à l’issue de cette deuxième édition que le nombre de participant·es avait diminué au fil des sessions. En effet, lors de la dernière séance, seule une cinquantaine de personnes étaient présentes. Il semble alors que l’indemnisation financière n’a pas été un facteur unique et décisif pour garantir une mobilisation sur la durée. Il est à noter que parmi les personnes les plus régulièrement présentes, il y ait eu une certaine supériorité des personnes issues des collèges de volontaires et des représentant·es des AVQ. Ce qui a favorisé des discussions autour de sujets très spécifiques relatifs aux AVQ. Cela pose donc la question du format d’une assemblée citoyenne et de la manière dont il est possible d’articuler la présence de différentes entités pour favoriser une parité dans les échanges et la mobilisation.

Le rôle d’Open Source Politics

L’ACN s’est déroulée entre mars et juin 2023. Toutefois, un travail préparatoire en amont a été nécessaire pour définir et mettre en place le dispositif. Pour cela notre équipe a mobilisé trois consultant·es : Adrien Rogissart, Bertille Mazari et Giulia Cibrario pour la conduite, la gestion et l’animation de ce projet. Dès le mois de janvier, notre équipe en collaboration avec le comité de pilotage de la ville de Nancy a travaillé sur l’élaboration de l’ACN, en affinant les différents objectifs globaux respectifs aux deux thématiques, en définissant le calendrier des réunions et en amorçant le travail d’idéation des réunions et ateliers. 

C’est alors en s’adaptant au cahier des charges formalisé par la ville de Nancy qu’Open Source Politics a construit cette démarche participative en prenant en compte les caractéristiques théoriques et matérielles propres à cette assemblée citoyenne. Après avoir défini le déroulé des réunions avec la municipalité, cette dernière nous a indiqué les différents lieux au sein desquels se tiendraient les différentes réunions en présentiel. Il s’agissait alors pour notre équipe de composer et d’adapter au mieux les différents rythmes et formes de travail aux configurations des salles par exemple. En effet, la manière dont nous envisageons la tenue d’une ACN est un processus qui se décompose en plusieurs étapes clés. Les différentes configurations des lieux de réunion favorisent différents formats d’ateliers, d’échanges, ou de plénières. Il s’agit donc de trouver un juste équilibre entre les conditions matérielles et les ressources humaines mises à disposition et un processus établi.

Le déroulé de l’assemblée citoyenne de Nancy

Le 4 mars 2023, la première réunion a réuni l’ensemble des participant·es en visioconférence. Ce choix a été motivé par la volonté de ne pas solliciter une présence physique alors qu’il s’agissait tout d’abord d’une présentation des différentes temporalités, acteurs et objectifs de l’ACN. Toutefois, cela est resté exceptionnel puisque l’ensemble des 7 autres réunions se sont tenues en présentiel dont une en hybride. 

Le 18 mars 2023 a marqué le début des échanges et une phase d’acculturation aux modèles de discussion et d’interaction qui allaient rythmer la démarche. Après une courte synthèse des résultats liés au questionnaire sur les instances de participation de Nancy diffusée aux membres de l’assemblée, le travail a pu commencer. Pendant trois heures, l’assemblée était répartie aléatoirement en plusieurs groupes de travail qui ont partagé, discuté, délibéré et rapporté leurs différentes propositions au reste de l’assemblée. Un vote de confiance a alors été effectué pour chacune des propositions qui seront étudiées ultérieurement pour un amendement de la constitution municipale.  

Les sessions du 1er et 15 avril ont amorcé la réflexion autour de la thématique de l’espace public. Les objectifs de ces deux sessions étaient de donner les moyens à l’assemblée de se saisir de la notion d’­« espace public ».

La complexité et les dimensions multiples que recouvre cette notion induisait une séquence d’acculturation. Il s’agissait donc de structurer un parcours de formation et de réaliser un travail de définition des enjeux associés à Nancy. Un partage d’expérience entre personnes expertes, praticiennes, élues et agentes de la municipalité et de la métropole a alors permis à l’assemblée de formuler des propositions sur les enjeux liés à l’espace public nancéien. Au terme de ces formations, échanges et travaux, les différents groupes de l’ACN ont proposé différentes résolutions et zones afférentes qui ont ensuite été votées en plénière. 

Le 13 mai était dédié à un travail d’approfondissement et de précision des trois résolutions et cinq zones votées lors de la séance précédente. Aussi, après une courte phase de formation aux outils de la démocratie participative, les différents groupes de travail ont également été invités à apposer à leur résolution un outil de concertation à mettre en place auprès de la population de Nancy.

Les 2, 3 et 15 juin ont ensuite permis de clôturer les travaux de l’assemblée citoyenne de Nancy, notamment en constituant et en votant le rapport sur l’espace public qui sera présenté à l’automne 2023 au conseil municipal, puis en amendant la constitution municipale sur la participation citoyenne. 

Et après ?

Cette deuxième édition de l’ACN a confirmé la complexité de mener deux thématiques de travail de front. Néanmoins, la participation est restée constante avec en moyenne 70 personnes présentes à chacune des réunions. Ce qui montre un certain engagement sur la durée de la part des participant·es volontaires tout en soulignant l’enjeu d’une mobilisation plus assidue d’un public plus large. De plus, lors de la dernière session, un comité de suivi s’est constitué et présentera un rapport au conseil municipal plus tard dans l’année. Dans la continuité de la constitution municipale, le comité de suivi s’assurera de la pérennisation de cette instance de participation. 

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Conversation avec le professeur Yascha Mounk sur le fonctionnement des démocraties diverses…

Conversation avec le professeur Yascha Mounk sur le fonctionnement des démocraties diverses…

et la place (le cas échéant) des mécanismes participatifs et délibératifs

Nous avons interviewé le professeur Yascha Mounk à propos de son livre « La grande expérience : les démocraties à l’épreuve de la diversité », qui réfléchit sur les conditions qui permettent à la démocratie de s’adapter aux sociétés dont la diversité culturelle est en augmentation. Notre objectif était de comprendre si, selon lui, les formats de démocratie participative et délibérative peuvent faciliter cette adaptation. Sa réponse est mitigée : les nouvelles pratiques démocratiques peuvent jouer un rôle positif, mais uniquement si d’abord des efforts sont faits pour augmenter la cohésion sociale.

Pourquoi les démocraties diverses s’effondrent et comment elles peuvent perdurer

Il y a quelques mois, deux membres de l’équipe de Open Source Politics, Simonas et Giulia, ont lu The great experiment: why diverse democracies fall apart and how they can endure (en français « L’expérience grandiose : pourquoi les démocraties diverses s’effondrent et comment elles peuvent perdurer »), écrit par le professeur Yascha Mounk. Dans ce livre, il décrit les défis que la diversité culturelle représente pour les sociétés et propose des perspectives sur la manière dont les démocraties peuvent relever ces défis non seulement pour s’adapter aux changements inévitables qu’elles traversent, mais aussi pour prospérer.

Chez Open Source Politics, nous croyons fermement que les mécanismes de démocratie participative et délibérative sont essentiels pour donner la parole à une plus grande partie de la population, en particulier à ceux qui sont laissés pour compte par les débats publics traditionnels et la démocratie représentative, tels que les minorités et les communautés marginalisées. Cependant, notre expérience ainsi que plusieurs recherches ont montré que les formats délibératifs et participatifs sont sujets à des biais de surreprésentation de certaines parties de la société et d’autocensure d’autres parties. Par conséquent, il arrive parfois que les initiatives participatives reflètent les biais et les exclusions déjà présents dans la politique traditionnelle.

Pour aller plus loin : OSP explore : les données de participation et les motivations de l’engagement citoyen + Qui sont les absent·es de la participation ? 

Pour ces raisons, nous avons lu le livre du professeur Mounk avec un grand intérêt, cherchant à savoir quelle pourrait être, selon lui, la place de la démocratie délibérative et participative dans la création d’un espace civique plus inclusif, adapté à la diversité de notre société contemporaine. Notre point de départ était le suivant : les institutions et les mécanismes qui régissent nos démocraties ont été conçus à une époque où la société était assez homogène sur le plan culturel. Maintenant que ce n’est plus le cas, ces institutions ne sont peut-être plus en mesure de représenter la société dans son ensemble, et elles doivent donc évoluer et se tourner vers quelque chose de nouveau, un paradigme qui, selon notre vision, inclut la démocratie délibérative et participative.

À notre grande surprise, il n’y avait aucune référence à la nécessité de faire évoluer les institutions et les formats de la démocratie. En ce qui concerne les recommandations politiques permettant aux démocraties diverses de prospérer, le professeur Mounk insiste sur les conditions sociales qui favorisent et facilitent la coexistence, le partage et la coopération au sein et entre les différentes communautés, sous l’égide d’un État où tous les citoyens peuvent se sentir appartenir. Ces conditions sont la croissance économique, de forts efforts pour mettre en œuvre l’égalité des chances, des politiques de redistribution, la liberté vis-à-vis de l’État mais aussi de sa communauté d’origine. Il résume efficacement ce scénario dans la métaphore d’un parc public : un endroit sûr et agréable où les gens peuvent venir pour diverses raisons, seuls ou en groupe, et où ils peuvent à la fois rester avec leur groupe et interagir avec les autres.
Lorsque le professeur Mounk a présenté son livre pendant une lectio magistralis à Sciences Po en octobre 2022, nous avons saisi l’occasion et lui avons demandé de l’interviewer pour approfondir nos réflexions : il a gentiment accepté notre demande.

Yascha, Simonas et Giulia en pleine interview.

Une question préliminaire : avez-vous une opinion sur la démocratie participative et délibérative ?

« Je suis partagé à propos de la démocratie participative et délibérative. J’ai fait mon doctorat en théorie politique à une époque où les notions de démocratie délibérative étaient souvent un peu naïves, cette idée de rassembler les gens, de s’asseoir autour d’une table et de discuter les uns avec les autres, et que le résultat de ces délibérations aurait abouti à la préférence normale exacte de la population. Je trouvais cela irréaliste. À l’ère du populisme, nous avons commencé à réaliser que la délibération publique est beaucoup plus chaotique et conduirait souvent à des résultats qui peuvent être assez inconfortables pour ceux qui ont tendance à promouvoir l’idée de la démocratie délibérative.

D’autre part, l’une des promesses fondamentales de notre système politique est de traduire les opinions populaires en politiques publiques, et je pense que l’une des raisons pour lesquelles les populistes ont prospéré ces dernières années est qu’il existe un véritable déficit démocratique, nous avons échoué à écouter ce que veulent les gens. De plus, plus j’ai passé de temps à écouter des groupes de discussion et à examiner des sondages d’opinion, plus je suis devenu optimiste, notamment en ce qui concerne les attitudes des citoyens dans les pays européens et en Amérique du Nord (qui sont l’objet de mes recherches). Le résultat n’était pas toujours en accord avec mes préférences, mais la plupart des citoyens sont des êtres humains décents. Ils veulent le meilleur pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs concitoyens. C’est pourquoi je suis totalement en faveur de la création de nouvelles formes de démocratie participative et délibérative, en commençant par le niveau local et régional. »

« Je suis partagé à propos de la démocratie participative et délibérative […] je pense que l’une des raisons pour lesquelles les populistes ont prospéré ces dernières années est qu’il existe un véritable déficit démocratique, nous avons échoué à écouter ce que veulent les gens. »

Yascha Mounk

Dans votre livre, vous utilisez une métaphore des parcs publics. Dans notre vision, la démocratie délibérative est une version institutionnalisée des parcs publics. Ce sont des endroits où l’on essaie de rassembler de nombreuses personnes différentes, et même si votre image repose sur la spontanéité et la liberté de participer, pensez-vous qu’il y ait une place pour cette institutionnalisation et pensez-vous que les gens accepteraient ?

« Je pense que la clé réside avant de parler d’institutionnalisation, dans la confiance publique et la cohésion sociale. Ma métaphore des parcs publics met l’accent sur cet aspect : il y a une énorme différence entre les parcs publics et la délibération politique. Les gens viennent dans les parcs publics pour différentes raisons, comme promener leur chien, se promener avec leur partenaire, faire de l’exercice. En revanche, la délibération politique présuppose que les gens veulent parler de politique, ce qui est vrai pour un petit nombre de personnes, mais pas pour beaucoup d’autres qui ne s’intéressent pas autant à la politique. La démocratie délibérative doit être attentive au danger d’être capturée par cette minorité de personnes vraiment désireuses de parler de politique. »

Dans un passage du livre, vous avez souligné l’importance des initiatives de la société civile visant à rassembler les gens et à les encourager à sortir de leurs groupes ou tribus.

Pensez-vous que ce type d’initiative devrait uniquement viser à sensibiliser les citoyens ou que les citoyens, qui sont plus conscients grâce à ces formats, devraient également avoir davantage leur mot à dire dans les décisions qui les concernent ?

« Les citoyens devraient avoir leur mot à dire dans les décisions qui les concernent, chaque fois que cela est possible. C’est le cœur même des valeurs démocratiques. Mais lorsque je parle du rôle de la société civile et de l’importance de créer des ponts entre les communautés, je parle principalement de se connecter avec les autres de manière générale, que ce soit par le biais de clubs de football, d’églises, de journées entre voisins, car ce sont des espaces où les gens se font des amis et construisent des réseaux sociaux. La condition préalable à une forme de solidarité politique est, avant tout, la confiance mutuelle. Souvent, les gens ne s’intéressent pas autant à la politique qu’à d’autres choses. Bien sûr, je pense que lorsque cela existe et que cela prospère, cela peut être combiné avec des formes plus explicites d’engagement politique. Je ne suis pas sûr que vous souhaitiez réunir des personnes de croyances et de milieux très différents et leur dire : « asseyez-vous ensemble et parlez de politique », cela conduirait rapidement à des conflits, des reproches mutuels, et ainsi de suite. Mais si vous les amenez à coopérer autour d’un objectif commun, ce travail commun fournira la base pour partager leurs préoccupations, leurs peurs, leurs espoirs, et construire une forme de solidarité politique. En d’autres termes, la coopération précède la délibération politique. »

Selon vous, à quoi devrait ressembler un format de démocratie délibérative et participative pour être efficace dans des démocraties diverses ?

« Le principal problème de presque tous les formats de démocratie délibérative est qu’ils n’ont pas d’autorité formelle, et donc ils finissent par être purement consultatifs. Lorsque leurs résultats sont en quelque sorte alignés sur les pouvoirs de décision hiérarchiques et légaux, ils sont écoutés, mais lorsqu’ils vont à l’encontre de ces pouvoirs, ils peuvent être ignorés, ce qui crée bien sûr des frustrations et montre à quel point ces formats peuvent être une illusion d’efficacité. Afin de donner plus d’autorité formelle à ce type de mécanisme, il faudrait s’assurer au moins qu’ils représentent l’ensemble de la population. C’est quelque chose qui s’est produit, par exemple, avec l’assemblée citoyenne sur le référendum sur l’avortement en Irlande en 2018.

Je réfléchis toujours au problème politique fondamental des États-Unis, qui est l’un des problèmes politiques fondamentaux du monde démocratique, à savoir le système des primaires américaines. Une énorme majorité d’Américains n’aime pas Donald Trump, mais environ 15 % l’apprécient vraiment, et cela suffit pour qu’il exerce un contrôle très ferme sur le Parti républicain. Il y a donc quelque chose de vraiment dangereux dans les mécanismes de participation démocratique dans lesquels 10 à 15 % de la population peuvent l’emporter sur le reste. Les primaires ne reflètent pas nécessairement mieux les opinions réelles du public que ce que les mécanismes traditionnels peuvent faire, comme les délégués des partis politiques européens qui impliquent en réalité 0,1 % de la population. Pourtant, depuis leur institutionnalisation dans les années 1960, elles sont perçues comme assez représentatives parce que pratiquement tout le monde peut s’inscrire pour voter.

J’aimerais avoir des systèmes de démocratie participative et délibérative dans lesquels 50, 60, voire 70 % de la population participe. Je suis suffisamment démocrate pour croire que la plupart des gens sont dignes de confiance et raisonnables, et que s’ils sont placés dans de bonnes conditions de dialogue et d’échange, ils peuvent en réalité aboutir à de très bons résultats et décisions. Cependant, je suis très sceptique à l’égard des mécanismes de démocratie participative qui se félicitent de la participation de 10, 5, voire 3 % de la population, car ceux-ci ne représentent pas l’opinion publique dans son ensemble. Ils reflètent souvent les souhaits de divers types de militants ou d’extrémistes idéologiques qui utilisent ces formats pour prétendre que leur vision est partagée par la grande majorité de la population. »

Une dernière question concerne la technologie. Vous n’abordez pas ce sujet dans votre livre, mais la présence de la technologie est si profondément ancrée dans notre vie quotidienne qu’elle façonne inévitablement notre expérience de l’espace civique.

Quel rôle la technologie doit-elle jouer dans une transition vers un nouveau paradigme démocratique où plus de personnes sont impliquées ? Aujourd’hui, nous avons les moyens d’écouter davantage les gens, de recueillir leurs commentaires et d’agir en conséquence dans une certaine mesure. La technologie ne doit pas seulement être une économie de données qui s’approprie les données des gens et favorise la polarisation, elle peut être un moyen puissant de responsabiliser réellement les individus. Pensez-vous qu’il devrait y avoir un effort plus important de la part des institutions pour faciliter les échanges d’informations et d’opinions numériques afin de construire une société plus constructive ?

« Bien sûr, la technologie joue un rôle majeur. Je pense que ce rôle s’étale sur trois niveaux d’action.

  • Digitalisation des services publics → Les États font certainement de grands efforts en matière de numérisation, et ils continueront à le faire. Cela inclut les services aux citoyens, en étant plus réceptifs aux besoins des citoyens.
  • Internet en tant que forum public pour débattre des idées → Cela existe déjà de manière très puissante, mais cela se présente souvent sous une forme profondément dysfonctionnelle (Tiktok, contrôlé par un pays non démocratique, Twitter, dont l’algorithme encourage les formes conflictuelles d’échange et transforme les discussions sur des questions publiques importantes en une sorte de conflit de gladiateurs entre des adversaires qui s’insultent). Je ne pense pas que l’État puisse ou doive remplacer ces forums. Imaginez que la France lance un concurrent de Facebook : même si c’était possible et que la plupart des gens s’y inscriraient, il n’est pas clair pour moi que ce soit une très bonne idée de laisser un gouvernement avoir autant de pouvoir et de contrôle sur l’environnement virtuel où nous échangeons des idées. Dans ce domaine, il est nécessaire d’apporter un certain nombre de changements, introduits par ces entreprises privées et peut-être soutenus par des formes de réglementation, mais réellement demandés par les utilisateurs. Je pense que ce n’est que lorsque les gens commenceront à se déconnecter en masse des plateformes de médias sociaux conflictuelles que les choses vont changer. J’espère voir ce que Elon Musk a promis mais n’a pas encore réalisé, à savoir maximiser les minutes d’utilisation non regrettées sur les plateformes, c’est-à-dire le jour où gens ne regretteront pas d’avoir passé des heures à faire défiler leur fil d’actualités seulement pour s’énerver contre des inconnus.
  • Technologies pour les délibérations publiques → Il existe en effet une question de savoir quels outils choisir pour soutenir les processus délibératifs et participatifs qui ont réellement l’autorité de consulter et de décider, par exemple dans le cas du budget participatif ou du plan de développement local. Mais à mon avis, cela reste un élément secondaire par rapport aux questions plus générales sur la façon dont les dynamiques du discours public sont déterminées par la forme des plateformes de médias sociaux.

Nous continuons de croire que la démocratie participative et délibérative peut jouer un rôle important dans la transformation de notre société en un espace plus serein, plus émancipateur et plus inclusif pour tous les citoyens. Cependant, le professeur Mounk était très convaincant en transmettant l’idée que la construction de nouvelles formes de cohésion sociale et de confiance mutuelle, non nécessairement au sein du débat politique, mais dans un sens plus large qui englobe la vie quotidienne des gens, est un objectif prioritaire pour faire prospérer nos démocraties à l’ère de la diversité culturelle et de l’hyperconnexion technologique. »


Yascha Mounk a grandi en Allemagne et est maintenant un citoyen américain naturalisé. Il est titulaire d’un doctorat en théorie politique de l’université de Harvard et enseigne en tant que professeur associé à l’université Johns Hopkins. Son livre « Le peuple contre la démocratie », publié en 2018, l’a rendu célèbre dans le monde entier. Son dernier livre, abordé dans cette interview, « La grande expérience », a été publié en 2022. Nous recommandons vivement ce livre pour son analyse efficace et ses recommandations politiques claires mais très perspicaces. Nous tenons à remercier le professeur Mounk pour le temps qu’il nous a accordé.


Un article écrit par Giulia Cibrario (consultante) et Simonas Zilinskas (chef de produit).

Numériser le droit d’interpellation c’est possible : l’exemple du CESE

Numériser le droit d’interpellation c’est possible : l’exemple du CESE

Le droit de pétition – ou droit d’interpellation – a fait un retour en force depuis un peu plus de 20 ans avec des plateformes numériques dédiées, comme Avaaz ou Change.org. Depuis la fin des années 1990, le recueil de pétitions est devenu le premier usage participatif en ligne en volume, mais aujourd’hui, Decidim permet d’aller plus loin. Ce logiciel open source permet de mettre en pratique le droit d’interpellation à toutes les échelles grâce à un module intégré dont la robustesse a été éprouvée par de grandes institutions comme le Sénat et l’Assemblée nationale et, depuis peu, par le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Droit d’interpellation, de quoi parle-t-on ? 

Le droit d’interpellation est un mécanisme politique et/ou institutionnel qui désigne la possibilité de faire valoir une demande ou une revendication à une autorité ou une institution, la plupart du temps à travers un texte, comme la pétition, mais également à travers d’autres types de communications. Ce droit ne suppose pas le devoir de l’autorité ou de l’institution d’y répondre, mais y incite fortement dans une démocratie moderne. En outre, son intérêt réside dans le fait qu’il constitue un cadre permettant une sollicitation des représentés vers les représentants, alors que les démarches participatives classiques sont mises en œuvre par les représentants pour les représentés. Il peut s’exercer à deux niveaux. 

Le premier niveau est institutionnel

Au Parlement, où les parlementaires peuvent interpeller le Gouvernement. Dans ce cadre, l’interpellation est souvent suivie d’un débat et d’un vote. 

Le second niveau est civique

Les citoyens et citoyennes peuvent interpeller les responsables des institutions politiques. Ce dernier cadre, dans un régime démocratique, induit que les responsables s’engagent à répondre à l’interpellation que leur ont adressée les populations, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, sous certaines conditions, comme par exemple le nombre de signatures, le plus souvent recueillies dans un délai imparti. A ce titre, ce droit apparaît comme un mécanisme appartenant à la « boîte à outils » de la démocratie directe.

Le droit d’interpellation en France, un droit qui vient de loin 

Bien que la période de la Révolution française foisonne de pétitions, l’interpellation apparaît sous la Monarchie de Juillet (1830 – 1848). Le personnage principal de ce progrès politique est le député François Mauguin, aux orientations libérales et considéré comme le « père de l’interpellation », s’inspirant lui-même d’une tradition britannique très ancienne. Codifié par le règlement de l’Assemblée nationale en 1848, aboli puis rétabli par Napoléon III, le droit d’interpellation a connu des fortunes diverses selon les régimes au XIXe siècle. Sous la IIIe République, le droit d’interpellation s’ancre dans le droit français, laissant la possibilité aux parlementaires d’interpeller le gouvernement ou un membre du gouvernement. On le voit, c’est donc uniquement dans le cadre parlementaire que le droit d’interpellation est codifié et mis en œuvre. Le régime actuel de la Ve République, à la coloration présidentialiste, prévoit néanmoins des possibilités pour les parlementaires comme les Questions au Gouvernement ou le dépôt de propositions de loi sur des temps dédiés du calendrier parlementaire. 

RIC ET RIP, déclinaisons du droit d’interpellation ? 

En 2018, le mouvement des Gilets Jaunes, à travers la revendication du RIC – référendum d’initiative citoyenne porté par Priscilla Ludosky – peut être considéré comme une déclinaison du droit d’interpellation. A l’occasion des élections municipales de 2020, plusieurs majorités locales ont mis en œuvre ce type de dispositifs dans toute la France, en appelant en renfort les outils numériques.

Le RIP – Référendum d’Initiative Partagée – quant à lui, est un mécanisme encadré par la loi et qui relève également du droit d’interpellation. Il a été activé en 2019, dans le cadre du projet de privatisation de l’entreprise Aéroport de Paris, sans pour autant donner lieu à un référendum. Le Conseil Constitutionnel a émis de nombreuses critiques à propos du RIP, dont les contraintes (ergonomie du site web, seuil de signatures,…) lui semblent trop importantes pour aboutir.  

Grâce à ces nouveaux outils justement, nombreux sont  les citoyennes et citoyens qui souhaitent exercer ou pouvoir exercer leur droit d’interpellation. Les institutions parlementaires se sont saisies des possibilités. L’Assemblée nationale et le Sénat sont aujourd’hui tous les deux équipés de plateformes de pétitions à destination des citoyens souhaitant interpeller les parlementaires sur tous les sujets. Le CESE fait de même et nous l’accompagnons dans la mise en ligne d’une plateforme d’interpellation citoyenne qui verra le jour en avril 2023.

Pour aller plus loin : Open Source Politics déploie une plateforme pétitions pour le Sénat

Exemple contemporain du droit d’interpellation – le cas du Conseil économique, social et environnemental

Après avoir évoqué le projet à plusieurs reprises au cours des dernières années, le Conseil économique, social et environnemental se dote d’une plateforme numérique simplifiée de pétitions citoyennes. Car de 2008 à 2021, le CESE pouvait déjà être saisi par voie de pétition citoyenne pour toute question à caractère économique, social ou environnemental, mais les chances de voir sa pétition recueillir le nombre de signatures suffisantes étaient minces. Le seuil à atteindre était de 500 000 signatures… sous format papier !

Pensé pour être un « acteur de premier plan de la vie démocratique française », le Conseil économique, social et environnemental a vu son champ d’action en matière de participation citoyenne être étendu par la loi organique de 2021. Depuis cette date, le seuil des signatures est ramené à 150 000 noms, l’âge minimum pour initier ou signer une pétition est abaissé à 16 ans et le format numérique est désormais recevable.

Pour permettre la digitalisation de ce droit, le CESE a fait appel une nouvelle fois à Open Source Politics pour l’accompagner dans la mise en place d’une plateforme participative. Depuis le 12 mai 2023, la plateforme d’e-pétition du Conseil est officiellement ouverte au public. Toute l’équipe d’Open Source Politics est ravie de vous présenter l’instance www.lecese.fr/participation-citoyenne sur laquelle nous avons travaillé ces dernières semaines.

L’organisateur de la Convention Citoyenne pour le Climat est habitué aux démarches participatives. Depuis 2018, il a adopté six travaux issus d’une méthodologie de travail qui intègre à la fois l’expertise de la société civile organisée et la parole citoyenne. En outre, il a mis en place un dispositif de veille active des pétitions sur les plateformes en ligne. Si le Conseil économique, social et environnemental (CESE) observe l’émergence d’un sujet relevant de ses responsabilités fondamentales, il peut s’auto-saisir de la problématique soulevée par la ou les pétitions identifiées sur ce sujet.

« Avec l’association de citoyens à ses travaux, la constitution de conventions citoyennes, et maintenant la possibilité d’être saisi par voie de pétition, le CESE dispose de l’expertise, l’expérience et des outils pour faire résonner la parole citoyenne utilement aux côtés de celle des organisations de la société civile. »

Thierry Beaudet, Président du CESE

Et au niveau local, pourquoi est-il aussi important de favoriser la mise en place du droit d’interpellation ?

Plusieurs arguments en faveur de la mise en place du droit d’interpellation s’ancrent aujourd’hui dans le débat public, retenons en trois.  

1 Pour participer à l’équilibre institutionnel local

Il s’agit d’un dispositif participant à l’équilibre institutionnel local. En effet, les dispositifs participatifs, numériques ou non, sont proposés et déployés par les collectivités, de l’institution vers les populations. Un droit d’interpellation local permet de contrebalancer le rapport de force, des citoyens vers l’institution. 

2 Pour développer le pouvoir d’agir des populations

Le droit d’interpellation peut améliorer la visibilité accordée à des problématiques mal ou pas identifiées par les élus locaux et les agents des collectivités. Des dérives sont possibles comme le nymbisme, de l’expression anglaise « Not In My BackYard » (pas dans mon jardin), mais la possibilité pour les citoyens et citoyennes de participer à l’établissement des priorités politiques s’avère une piste intéressante pour renforcer le tissu démocratique local.

3 Pour ouvrir la participation à la vie publique locale

Enfin, la simplicité des formats autorisés par l’interpellation, en acceptant le principe d’une expression « directe », élargit potentiellement le nombre de personnes qui peuvent s’inscrire dans la vie publique locale et engager le dialogue avec les élu·e·s et les fonctionnaires.

Pour aller plus loin : « La saisine du Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition citoyenne : gage d’une Ve République « plus démocratique » ? », DE CAZALS Marie pour la Revue française de droit constitutionnel, 2010/2 (n° 82). « L’interpellation, une forme d’expression citoyenne », La Gazette des communes.

Qui sont les absent·es de la participation ? 

Qui sont les absent·es de la participation ? 

Un pan de la recherche sur la participation citoyenne a tendance à se concentrer sur les participant·es et vise à comprendre et définir une sociologie de la participation. Mais quand est-il de celles et ceux qui ne participent pas ? Nous allons ici mettre en lumière la recherche sur la non-participation citoyenne en proposant un focus sur le chercheur Vincent Jacquet qui concentre sa recherche sur les non-participant·es.


Le 8 février 2023, nous recevions Vincent Jacquet à l’occasion d’un événement de médiation scientifique interne à notre équipe : OSP Explore.

Lors du précédent évènement OSP explore, notre consultante Bertille Mazari présentait les origines et impacts de la participation des hyper-utilisateur·rices. Vincent Jacquet propose au contraire de comprendre qui sont ceux qui ne participent pas. Vincent Jacquet adopte une démarche de recherche novatrice et originale en menant une série d’entretiens sociologiques avec des non-participant·es. Son étude qualitative vise à identifier les motifs d’action des non—participant·es à des dispositifs de participation de types “mini-publics”.

Afin de mieux comprendre la non-participation dans les mini-publics, Vincent Jacquet prend comme objet de recherche trois dispositifs de participation belges : 

Vincent Jacquet est docteur en sciences politiques et chercheur qualifié F.R.S.-FNRS à l’Université de Namur. 
  1. Le Parlement Climat Citoyen (PCC) a réuni 45 citoyen·nes tiré·es au sort pour débattre de l’environnement et proposer des solutions concrètes au conseil provincial de la province du Luxembourg en Belgique.
  2. Le G1000 est un sommet organisé en Belgique en 2011 dans un contexte de crise politique due à l’absence de gouvernement fédéral. 1000 citoyen·nes tiré·es au sort se sont réuni·es pour réfléchir et formuler des recommandations aux représentant·es politiques. 
  3. Le G100, qui est inspiré du G1000, organise les discussions à l’échelle locale de 100 participant·es tiré·es au sort dans la commune de Grez-Doiceau.

Bien que ces dispositifs aient des objectifs distincts, des échelles différentes, et proviennent d’initiatives diverses, le taux de participation est le même : 3 %. Ce faible taux de participation correspond aux études menées sur le sujet, qui révèlent qu’au mieux, 70 % des personnes sélectionnées ne participent pas (Jacquet, 2017). 

Il est important de noter que les raisons de la non-participation peuvent être multiples et complexes, impliquant des facteurs individuels, institutionnels, culturels et sociaux. Par conséquent, l’analyse de la non-participation ne peut se limiter à une simple question de motivation individuelle, mais doit prendre en compte l’ensemble des facteurs qui peuvent influencer l’engagement des citoyen·nes.  

Les quatre profils des non participant·es

Vincent Jacquet a identifié quatre profils sociologiques différents qui caractérisent les non- participant·es en fonction de leur relation à la politique. Chacun des profils présentent des raisons distinctes et spécifiques permettant de comprendre les raisons pour lesquelles ces personnes ne participent pas.

Les familier·es 🖐

Ce profil de participant·e regroupe les personnes se déclarant politisées et qui s’intéressent à la participation (la personne militante syndicale, ou la personne militante d’un parti politique par exemple). Cette population peut être désignée par l’acronyme TLM (toujours les mêmes). Les dispositifs appelés « mini-publics » utilisant le tirage au sort ont pour avantage de réunir des militant·es qui ont des convictions, voire des opinions, opposées et qui ne se croisent pas habituellement dans les autres dispositifs de participation car ils évoluent dans des cercles différents et isolés les uns des autres. 

Les défiant·es 🫸

Les défiant·es ne participent que très rarement car ces personnes sont en marge du système politique. Elles ne votent plus et éprouvent une défiance à l’égard de  l’ensemble des processus de participation. Il y a des exceptions, c’est le cas notamment d’une participante que Vincent Jacquet a rencontré dans le cadre de ses entretiens. Le motif de participation de cette personne est moins l’enjeu de l’impact sur les politiques publiques que le fait de nouer des relations sociales avec les autres participant·es du dispositif. 

Les délégant·es 🫵

Les déléguant·es sont méfiant·es mais restent confiant·es dans la représentation : une personne ou un parti politique sert leurs intérêts. Ces personnes délèguent donc leur pouvoir aux élu·es ou à un parti dont elles se sentent proches mais ne considèrent pas que leur parole soit vouée à impacter les politiques publiques. Lorsque les individus délégant participent, c’est davantage dans une logique d’interaction sociale que de transformation de l’action publique.

Les concerné·es désenchanté·es 🫥

Les concerné·es désenchanté·es ont été initialement enthousiasmé·es par la démocratie électorale, mais ont finalement été déçu·es et ont changé d’opinion. Ces personnes ne croient plus en la politique et ne participent que très rarement. Lorsqu’elles donnent une chance aux mécanismes de participation, c’est très souvent afin de mettre le pouvoir en place à l’épreuve.

La non-participation prend des sens très différents en fonction des différents profils. Les personnes déléguant·es ne participent pas car elles ont une relative confiance dans le groupe qui les représente. Autrement dit, elles ne se sentent pas capables et ne prennent pas le temps de le faire car elles ont assez confiance dans leurs représentant·es pour servir leurs intérêts. Au contraire, les personnes défiant·es ne participent pas car elles n’ont pas confiance dans leurs représentant·es. 

Conseils de lecture 

Nouvelle fonctionnalité Decidim by OSP, l’assistant de participation

Nouvelle fonctionnalité Decidim by OSP, l’assistant de participation

🔎 Zoom sur la nouvelle fonctionnalité développée par Open Source Politics, l’assistant de participation, notre nouvel atout pour vous accompagner dans la prise en main de l’administration de vos plateformes Decidim.

Dans le cadre du développement de notre Decidim_app, nous avons intégré depuis peu une nouvelle fonctionnalité, l’assistant de participation, qui vise à accompagner les administrateurs et administratrices de Decidim dans la prise en main du back-office de leur plateforme participative. 

Decidim_app par Open Source Politics

Cette fonctionnalité a pour principal objectif de rendre plus accessible et plus ludique l’administration Decidim (qui peut s’avérer parfois complexe, on vous l’accorde 😉). Pour ce faire, nous nous sommes penchés sur la conception d’un nouvel outil qui emprunte son fonctionnement à des logiques ludiques, appelée gamification, terme forgé à partir du mot game, jeu en anglais. 

La gamification, un outil au service de l’engagement des internautes 

La gamification, ou ludification, consiste à utiliser des éléments de jeu et de divertissement dans des domaines qui ne sont pas directement liés au jeu. L’utilisation de ces éléments vise à rendre une activité plus engageante, amusante et motivante. 

Les méthodes issues de la gamification ont aujourd’hui investi de nombreuses sphères de notre vie et sont de plus en plus utilisées dans des domaines tels que la formation, la santé, la productivité au travail, la culture et même la participation citoyenne. Dans ces différents domaines, elle est utilisée avant tout pour encourager les comportements souhaités, améliorer l’expérience des participant·es et renforcer la motivation et l’engagement des personnes concernées. 

Appliquée au numérique, la gamification fait appel à des mécaniques incitatives telles que des défis, des récompenses, des niveaux, des badges, des avatars ou encore des scénarios. Ces éléments sont souvent conçus pour stimuler l’intérêt des internautes, leur donner un sentiment d’accomplissement et favoriser leur implication.

Face à l’essor de ces pratiques, nous nous sommes demandés chez Open Source Politics si ces logiques pouvaient être intégrées aux outils numériques de participation citoyenne. Les logiques de la gamification permettraient-elles d’encourager la participation et de favoriser l’implication à long terme des citoyennes et citoyens sur les plateformes de démocratie participative ?

Ludifier le logiciel de participation citoyenne Decidim 

Chez Open Source Politics, nous nous sommes donnés pour mission de faire progresser la participation citoyenne. C’est pourquoi, dans notre travail d’amélioration continue de l’expérience des utilisateurs et utilisatrices de nos plateformes Decidim, nous avons entrepris d’intégrer des mécaniques de gamification au sein du système de participation de la plateforme.

Dans le contexte de la participation citoyenne, la gamification peut être utilisée pour encourager la participation en rendant le processus de consultation et de prise de décision plus ludique et en fournissant une rétroaction immédiate aux citoyen·nes sur leur contribution. En réfléchissant bien à son usage, il est donc possible de faire appel à la gamification afin de susciter l’intérêt et l’engagement des citoyen·nes et de les encourager à participer de manière active et responsable à la prise de décision politique.

Ludification, attention

Cependant, nous sommes bien conscient·es que la gamification et ses techniques doivent être utilisées avec prudence et de manière appropriée. Si elle peut s’avérer être une stratégie particulièrement efficace pour encourager l’engagement et la motivation dans plusieurs contextes, elle comporte des risques et des limites dont il faut tenir compte et ce, impérativement lorsqu’il s’agit de dispositifs de participation citoyenne.

Accompagner ≠ manipuler

Les récompenses et les incitations doivent être conçues de manière à accompagner les participant·es et ne doivent en aucun cas être utilisées pour manipuler leurs comportements et leurs choix. Ce serait sinon prendre le risque de les conduire à des choix irrationnels et des comportements à court terme plutôt que des décisions éclairées et réfléchies. 

Encourager ≠ récompenser

Le recours à des logiques de récompenses et de gratifications des participant·es peut aussi impacter négativement la participation en les incitant à se concentrer sur les récompenses plutôt que sur l’activité elle-même : il faut donc veiller à ce que ces techniques encouragent les utilisateur·rices à se concentrer avant tout sur les objectifs profonds et significatifs d’une démarche participative.

Complexifier = exclure

Enfin, les mécaniques de la gamification peuvent tendre à exclure certains groupes de personnes, en particulier celles qui ne sont pas à l’aise avec le numérique ou non sensibles aux logiques de celle-ci. Faire appel à la gamification ne doit donc pas complexifier l’expérience des participant·es lors de leur initiation à une plateforme de participation. 

Ainsi, il faut s’assurer de concevoir judicieusement des mécanismes dérivés de la gamification afin que ces derniers soient au service de l’expérience des participant·es et répondent aux objectifs majeurs des démarches participatives. 

Des fonctionnalités en adéquation avec le contrat social de Decidim ?

Par ailleurs, en cherchant à développer un système s’inspirant des logiques de la gamification, nous avons été confronté·es à une contrainte de taille : celle de concevoir un système conforme au contrat social de Decidim. En effet, le bien commun numérique repose sur un contrat social que l’ensemble des membres de la communauté se doivent de respecter. Ce texte fondateur du logiciel promeut des principes de transparence, de traçabilité, d’intégrité mais aussi d’égalité d’opportunités entre citoyen·nes sur la plateforme. En cherchant à intégrer de nouvelles logiques à la participation en ligne sur Decidim, basées sur l’incitation et la ludification, il faut s’assurer que les nouvelles fonctionnalités soient en adéquation avec le contrat social. Or, ce dernier met en avant le principe d’égalité stricte entre l’ensemble des utilisateurs et utilisatrices de la plateforme. Les logiques de la gamification, qui reposent en grande partie sur la récompense et l’octroi de privilèges entre utilisateur·rices, peuvent donc paraître en contradiction avec ce principe d’égalité. 

Ces différentes réflexions nous ont amenées de nous orienter vers la conception d’un système de ludification de l’administration de Decidim plutôt que de la participation des citoyen·nes. Ce nouveau système nous semble particulièrement pertinent puisque pour que les internautes exploitent au maximum une plateforme, il faut que celle-ci soit la mieux administrée possible. En effet, la réussite d’une démarche de participation en ligne repose en grande partie sur la capacité à interfacer judicieusement la démarche au format numérique. 

→ Pour aller plus loin : Les bonnes pratiques d’une démarche de participation en ligne

L’assistant de participation pour vous accompagner dans la prise en main de l’administration Decidim 

Capture écran de l'assistant de participation.

C’est ainsi que nous avons pris le parti de développer intégralement un assistant participatif et personnalisé ludique à destination des administrateur·rices de la plateforme. Celui-ci vient accompagner de manière simple et divertissante les personnes qui apprennent à paramétrer une plateforme Decidim via le back-office. 

Comment marche l’assistant de participation ? 

Vue détaillée des 5 niveaux de jeu de l'assistant de participation développer par Open Source Politics pour Decidim.

Tout simplement, lorsque celui-ci est activé sur une plateforme, les personnes avec droit d’administration disposent d’une barre de progression qui tient compte des actions réalisées sur la plateforme. 

Les actions sont regroupées par difficulté en 5 niveaux, qu’il faut passer en réalisant des actions spécifiques sur la plateforme. Ces actions sont de 4 types : 

  • Édition : lorsque j’ajoute ou édite du contenu sur la plateforme ; 
  • Configuration : lorsque je configure des espaces et fonctionnalités ; 
  • Interaction : lorsque j’interagis avec les participant·es ; 
  • Collaboration : lorsque j’invite d’autres personnes à administrer ou participer sur la plateforme. 

Pour passer d’un niveau à un autre, il faut réaliser des actions qui rapportent des points en fonction de leur difficulté. Par exemple pour atteindre le niveau 1 de l’administration, il faut réunir 17 points pouvant correspondre à : 

  • Publier une concertation ou assemblée (1 pt) ; 
  • Ajouter une fonctionnalité (1 pt) ; 
  • Créer une rencontre (1 pt) ; 
  • Publier une réponse à une proposition (3 pts) ; 
  • Créer un article (4 pts)
  • etc.
Capture écran du badge de niveau 1 de l'assistant de participation Decidim.

Des liens vers notre documentation sont disponibles depuis le tableau de bord pour vous orienter plus aisément vers les articles correspondants et vous assister dans vos étapes de configuration. Des actions vous sont également suggérées par l’assistant de participation afin de vous faire progresser et de passer au niveau supérieur. Le petit plus : une petite animation vous attend à chaque changement de niveau (on ne va pas vous gâcher la surprise 😉). 

Pour l’essayer si vous êtes déjà client·e chez nous, contactez votre consultant·e afin de l’activer sur votre plateforme ! Pour les autre, planifiez une démo avec notre responsable commercial Paul Poinsot.

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