Le budget participatif numérique : configurations et dilemmes

Le budget participatif numérique : configurations et dilemmes

Les configurations existantes en matière de budget participatif numérique

Un article récent publié dans la revue « ACM Transactions on Computer-Human Interaction » par Victoria Palacin, Samantha McDonald, Pablo Aragón et Matti Nelimarkka explore les configurations du budget participatif numérique.

L’équipe de recherche s’intéresse à l’impact des plateformes numériques sur ce processus démocratique, soulignant que leur conception n’est pas neutre et peut influencer le comportement des participants.

En analysant 31 cas de budgets participatifs numériques en Espagne, en France et en Finlande, basés sur le logiciel libre Decidim, les chercheurs ont identifié 25 configurations techniques et 15 configurations de budget participatif.

Ces configurations révèlent des hypothèses différentes sur les interactions entre l’État, la société et les différentes approches du budget participatif.

L’un des principaux dilemmes soulevés par l’étude est le suivant : dans quelle mesure les plateformes de budget participatif numérique doivent-elles être ouvertes à la configuration et à la personnalisation ? Et quelles valeurs politiques devraient être renforcées par leur conception ?

Cet article soulève des questions importantes pour l’avenir de la démocratie numérique. L’équipe de chercheurs invite donc les praticiens et les décideurs politiques à réfléchir aux implications de ces résultats pour la conception et la mise en œuvre des plateformes de budget participatif numérique.

Pour en savoir plus, consultez l’article complet en anglais sur la plateforme de l’ACM Digital Library.

Le budget participatif (BP) : origines et évolution vers le numérique

Né à Porto Alegre au Brésil à la fin des années 1980, le budget participatif visait alors à instaurer une démocratie directe et universelle (alors qu’aujourd’hui il s’inscrit davantage dans une démocratie participative). Son objectif premier était de permettre aux citoyens de débattre et de décider des budgets et des politiques publiques, devenant ainsi des acteurs permanents de l’administration.

Le succès de l’expérience brésilienne a inspiré de nombreuses villes et États à travers le monde, avec plus de 2 700 gouvernements ayant mis en place des processus similaires. En Europe, le nombre d’initiatives a été multiplié par plus de 20 entre 2005 et 2012.

Depuis 2001, le budget participatif s’est également développé sur le plan numérique, avec des propositions, des discussions et des votes se déroulant en ligne. Cette évolution présente plusieurs avantages :

  • Réduction des obstacles géographiques: La participation en ligne permet à un plus grand nombre de personnes de s’impliquer dans le processus, quelle que soit leur localisation.
  • Facilitation de l’organisation: Les plateformes numériques simplifient la gestion des budgets participatifs, en particulier pour les processus à grande échelle.
  • Réduction des coûts: Les plateformes numériques s’avèrent plus économiques que les événements en présentiel, qui nécessitent une logistique importante.
  • Amélioration de la flexibilité: Les plateformes numériques permettent aux participants de s’impliquer à leur rythme et selon leurs disponibilités.

Le budget participatif numérique représente une évolution prometteuse de la démocratie, en offrant de nouvelles possibilités d’inclusion et de participation citoyenne.

La configuration des plateformes de budget participatif : un enjeu crucial pour la démocratie numérique

Lors de la mise en place d’une plateforme de budget participatif, la configuration est une étape cruciale qui va déterminer son fonctionnement et son impact sur le processus démocratique.

Au-delà des choix triviaux tels que le nom, l’URL ou l’identité visuelle, la configuration peut avoir des implications importantes sur la participation des citoyens. Par exemple, la possibilité de commenter ou non les propositions peut être activée ou désactivée par les administrateurs.

En réalité, la configuration est une forme d’adaptation du logiciel qui permet de l’adapter aux pratiques sociopolitiques locales. Si elle ne nécessite pas de compétences en développement logiciel, elle peut néanmoins s’avérer complexe et nécessiter une coordination active de la part des citoyens.

L’exploration des différentes configurations possibles est donc essentielle pour comprendre le fonctionnement du budget participatif numérique et son impact sur la démocratie.

La démocratie est un processus qui s’invente

La participation du public et les modèles de démocratie numérique

La participation du public est essentielle pour garantir que les citoyens ont leur mot à dire dans les décisions qui les affectent. Le numérique offre de nouvelles opportunités pour la participation du public, mais il est important de choisir le bon modèle de démocratie numérique.

Il existe deux modèles principaux de démocratie numérique :

  • La démocratie référendaire: les citoyens votent directement sur les décisions.
  • La démocratie d’assemblée: les citoyens discutent et débattent des décisions avant qu’elles ne soient prises.

Chaque modèle a ses avantages et ses inconvénients. La démocratie référendaire est plus directe, mais elle peut être sujette à la manipulation et à l’ignorance. La démocratie d’assemblée est plus inclusive, mais elle peut être lente et inefficace.

Le choix du modèle de démocratie numérique dépend du contexte et des objectifs spécifiques. Il est important de s’assurer que le modèle choisi est inclusif, transparent et responsable.

Les outils numériques et la démocratie

Les outils numériques peuvent être utilisés pour soutenir ces deux modèles de démocratie numérique. Les plateformes de vote en ligne peuvent faciliter la participation des citoyens aux référendums tandis que les forums de discussion en ligne permettent aux citoyens de discuter et de débattre des décisions.

Cependant, il est important de noter que les outils numériques ne sont pas neutres. Ils peuvent influencer la manière dont les décisions sont prises. Il est important de choisir des outils numériques qui sont conçus pour être inclusifs, transparents et responsables. Winner et Nissenbaum, parmi d’autres chercheurs, soutiennent que la conception technologique est intrinsèquement politique et imprégnée de valeurs, rejetant l’idée de plateformes numériques dépourvues de valeurs. Les recherches montrent de manière constante que les choix de conception influencent profondément la manière dont les individus interagissent avec les technologies numériques, notamment dans des contextes tels que le discours politique. Les chercheurs en conception participative examinent de plus en plus la conception des plateformes, mettant au jour des pratiques tokenistes et pseudo-participatives. Bien que des études sur les civic tech explorent leurs implications politiques et les valeurs intégrées dans les processus démocratiques, il existe une lacune dans la compréhension de la configuration technologique – le déploiement et la personnalisation des fonctionnalités des plateformes. Comprendre le lien entre les configurations technologiques et les valeurs politiques est crucial pour la participation citoyenne, compte tenu de la nature contestée de la démocratie elle-même.

La participation du public est essentielle pour une démocratie saine. Le numérique offre de nouvelles opportunités pour la participation du public, mais il est important de choisir le bon modèle de démocratie numérique et d’utiliser des outils numériques qui sont conçus pour être inclusifs, transparents et responsables.

Cas, données et méthodes

Decidim

L’équipe de recherche a choisi de se concentrer sur la plateforme Decidim pour son étude des configurations de budget participatif. Ce choix s’explique par plusieurs raisons :

  • Large adoption : Decidim est une plateforme largement utilisée, avec des instances dans le monde entier.
  • Configurabilité : La plateforme offre une grande flexibilité aux administrateurs, qui peuvent choisir les composants à utiliser pour définir les processus participatifs.
  • Logiciel unique : Toutes les instances de Decidim utilisent le même logiciel, ce qui permet d’exclure les différences de fonctionnalités et de conception comme facteurs de variation.

L’équipe a étudié les différentes configurations de Decidim en analysant plusieurs cas de budget participatif. Elle a examiné comment les administrateurs avaient défini les processus participatifs, en s’intéressant notamment aux éléments suivants :

  • Le calendrier du processus (définition des différentes étapes, comme le brainstorming, la co-création, le vote et la mise en œuvre).
Fig. 1. Calendrier défini par l’organisateur du processus de budget participatif dans l’instance Decidim du conseil municipal de la ville d’Helsinki. Dans Decidim, les processus sont définis comme des séquences d’étapes, dans le cas présent : idéation, co-création, vote et mise en œuvre.
  • Les types de participation citoyenne autorisés (par exemple, la soumission de propositions, le vote, le commentaire).
  • Les outils de communication et de collaboration mis à disposition (forums de discussion, outils de vote, etc.).

En comparant les différentes configurations, l’équipe a pu identifier des liens entre les choix de configuration et les types de participation citoyenne favorisés.

Fig. 2. Processus participatif standard sur Decidim et ses composants à différentes étapes. Il s’agit de la configuration canonique proposée dans le livre “Decidim: Political and Technopolitical Networks for Participatory Democracy”, mais les administrateurs d’une instance sont en mesure de personnaliser les étapes et les composants.

La plateforme Decidim propose un large choix de composants qui permettent aux administrateurs de configurer les processus participatifs. Le choix des composants utilisés est crucial car il détermine les types de participation citoyenne possibles.

Par exemple, si le composant « budget » n’est pas activé, les citoyens ne pourront pas soumettre de propositions impliquant des financements. De même, si le composant « vote » n’est pas activé, les citoyens ne pourront pas participer aux votes sur les propositions.

Les administrateurs peuvent ajouter, supprimer et configurer les composants via une interface d’administration dédiée. Ils peuvent également modifier le nom des composants, le contenu visible par les citoyens, etc.

Le tableau suivant résume les composants disponibles dans Decidim et leur impact sur la participation citoyenne :

ComposantFonctionImpact sur la participation citoyenne
BudgetPermet aux citoyens de soumettre des propositions impliquant des financementsPermet aux citoyens de contribuer à l’allocation des ressources
VotePermet aux citoyens de voter sur les propositionsPermet aux citoyens de faire entendre leur voix et de prioriser les projets
DébatPermet aux citoyens de discuter des propositionsEncourage la collaboration et l’échange d’idées entre les citoyens
SondagePermet aux citoyens de donner leur avis sur des questions spécifiquesPermet aux administrateurs de recueillir l’avis des citoyens sur des sujets importants

Données

Il existe actuellement des centaines de plateformes de démocratie participatives fonctionnant avec Decidim. L’étude s’est basée sur un échantillon de 31 plateformes ayant hébergé des budgets participatifs entre 2016 et 2020 en Europe (24 en Espagne, 6 en France, 1 en Finlande). Les données ont été collectées via l’API GraphQL et incluaient les configurations des composants et les métadonnées associées. Seules les instances dont l’étape finale s’est achevée avant janvier 2021 ont été prises en compte pour garantir l’analyse de budgets participatifs complets.

Méthodes

L’objectif principal de l’étude était d’explorer les implications des configurations des budgets participatifs numériques. Pour ce faire, l’équipe de recherche a opté pour une approche exploratoire inductive, impliquant l’observation, la reconnaissance de modèles et la construction d’une théorie explicative. Deux développeurs indépendants ont réalisé deux séries d’analyses qualitatives (classification thématique et codage axial) sur les 31 budgets participatifs sélectionnés.

Phase 1 : Décryptage des configurations techniques

L’équipe de recherche a tout d’abord examiner la configuration technique et le déploiement des composants de Decidim (voir le tableau plus haut) sur la base des données observées dans toutes les instances. Pour explorer l’approche diversifiée du déploiement, elle a utilisé une carte thermique pour visualiser le nombre de composants de chaque type déployés dans chaque instance de budget participatif.

Carte thermique des configurations techniques dans les 31 cas en examinant le nombre de chaque type de composant utilisé dans chaque cas de budget participatif (plus la cellule est foncée, plus le nombre de composants du type indiqué dans la ligne du cas indiqué dans la colonne est élevé). L’hétérogénéité observée entre les colonnes exprime la diversité existante des types de composants parmi les cas de budget participatif.

Contrairement aux composants spécifiques, le composant Pages peut être utilisé pour afficher n’importe quel contenu. Par conséquent, les chercheurs n’ont pas pu déterminer son objectif de la même manière que nous avons pu comprendre les objectifs de ces composants. Au lieu de cela, nous avons traduit 48 titres de pages en anglais (les membres de l’équipe de recherche parlent couramment l’espagnol, le catalan, le français, le finnois et l’anglais, ce qui permet la traduction des données.). Ensuite, nous avons procédé à une classification thématique inductive de ces titres afin d’identifier des fonctions similaires. Par exemple, les pages intitulées Final Results, Execution state, ou Evaluations ont été considérées comme indiquant un objectif de la page. Cela nous a permis de déterminer les fonctions des pages.

Phase 2 : Comprendre le rôle des étapes

Pour comprendre le fonctionnement des étapes, l’équipe a examiné de manière inductive les étapes procédurales limitées dans le temps (c’est-à-dire, la sensibilisation au processus ou le vote; voir toutes les étapes dans le Tableau 2) dans le cadre du budget participatif. Elle a analysé ces étapes de manière inductive en suivant une classification thématique.

DescriptionCode axialExemplesDécompte
1.Sensibilisation au processus, annonce publique du processus de budget participatif à travers des événements virtuels et physiquesNeutreIntroduction, propositions, lancement du budget participatif14
2. Préparation de propositions participatives, étape à laquelle un soutien à la préparation de propositions est fourni aux personnes via des ateliers, des webinaires en ligne et des assemblées publiquesAxé sur la communautéAteliers avec les participants, réunion du conseil de district, préparation de propositions participatives3
3. Collecte d’idées, étape à laquelle les gens partagent publiquement leurs idées en tant que proposition de budget participatifNeutreCollecte de supports, appel à idées, phase de propositions33
4. Évaluation de l’admissibilité, étape à laquelle les propositions sont évaluées en fonction de leur conformité à la mission de la ville ou aux règles du processusManagérialeÉvaluation de l’admissibilité, idées admissibles2
5. Analyse de faisabilité, évaluation de la faisabilité technique et experte des propositions initialesManagérialeValidation technique, faisabilité du projet, phase technique : évaluation26
6. Priorisation de propositions participatives, étape à laquelle les propositions collectées sont priorisées publiquement entre les participants et les décideursAxé sur la communautéAssemblée participative pour la priorisation, ateliers de propositions3
7. Priorisation des propositions, étape à laquelle les propositions et leur mise en œuvre sont priorisées par les décideurs et les experts sans l’implication du publicManagérialePriorisation, phase technique, budgétisation des plus votés2
8. Annonce des finalistes, annonce des propositions finalistes; celles-ci sont votées à l’étape suivanteNeutrePrésentation des propositions finalistes, propositions finales pour le vote, localisez vos projets préférés6
9. Vote, étape à laquelle les idées ou les propositions sont votées par le publicNeutreVote des propositions, phase de vote, vote pour 3 idées39
10. Résultats, annonce publique des projets sélectionnés pour la mise en œuvreNeutreLes projets gagnants, résultats définitifs, Retour33
11. Approbation administrative, étape post-processus de budget participatif où les projets sélectionnés passent par l’approbation municipale avant d’être mis en œuvreManagérialeApprobation en session plénière municipale1
12. Feedback du processus, évaluation publique du processus par les participantsNeutreÉvaluation du processus, Qu’avons-nous appris de la construction de la ville ?3
13. Résultats, rapport public sur le processus de budget participatif et son impactNeutreRapport final et communication des résultats, exécution des projets, mise en œuvre des projets gagnants8

Chacun des composants de Decidim peut être utilisé à différentes étapes du processus. Par exemple, les participants pourraient être invités d’abord à discuter des idées en utilisant le composant Débat pour élaborer des propositions en utilisant le composant Propositions, suivi du vote et de l’affichage des résultats via le composant Résultats, puis les participants surveillent la progression des projets avec un grand nombre de votes via le composant Responsabilité. Ces composants pourraient également être disposés différemment, créant ainsi un processus participatif différent. Par exemple, le composant Débat pourrait être utilisé entre les composants Propositions et Résultats pour inviter les participants à discuter et délibérer sur des idées. L’arrangement des composants en étapes influence donc la manière dont le processus participatif est présenté aux citoyens sur la plateforme.

Les données de l’étude comprenaient 173 étapes provenant de 31 exemples de budgets participatifs. Les noms définis par les administrateurs comprenaient « lancement du budget participatif », « validation technique » ou encore « vote pour 3 idées ». Tous les noms et descriptions d’étapes ont été traduits en anglais, suivis d’un regroupement inductif du contenu. Pendant le codage inductif, nous avons examiné leur similarité avec les fonctions qu’elles remplissaient. Par exemple, les étapes avec les noms « vote des propositions », « phase de vote » et « vote pour 3 idées » se concentrent toutes sur le vote – qui est apparu comme une catégorie d’étapes.

Phase 3 : Impact des configurations et des étapes sur la démocratie

  • Les 13 catégories d’étapes ont été analysées pour comprendre leur impact sur la démocratie.
  • Les catégories ont été regroupées en fonction de considérations sur la démocratie et le rôle des citoyens.
  • L’étude analyse l’équilibre entre différents modèles démocratiques (dialogue, décision).

Après avoir analysé les différentes étapes des processus participatifs, l’équipe a étudié comment ces configurations impactaient la démocratie de ces processus. Pour cela, elle a regroupé les étapes selon leur rôle dans le dispositif du BP et le rôle des citoyens.

Les chercheurs ont été attentifs à l’importance de la participation des citoyens et au rôle de la discussion et du dialogue dans le processus démocratique.

Même si l’équipe a utilisé des concepts existants pour s’aider, l’analyse est originale et permet de mieux comprendre l’impact des configurations des processus participatifs sur la démocratie.

Les résultats

Au niveau des configurations techniques

L’analyse des plateformes Decidim utilisées pour des processus de budget participatif révèle une grande diversité dans le nombre de composants techniques employés. Chaque cas a pu personnaliser la plateforme selon ses besoins spécifiques, démontrant à la fois la flexibilité de Decidim et le haut niveau d’adaptation des organisateurs.

Observations principales:

  • Le composant « Proposition » est essentiel et présent dans quasiment tous les cas.
  • Le lien entre propositions et budget (composant « Budget ») n’est pas systématique, suggérant des niveaux de restriction budgétaire variables.
  • Le composant « Page » sert souvent à publier des informations générales (FAQ, etc.) en l’absence d’autres composants dédiés.
  • Le composant « Résultats » est remplacé par des « Pages » personnalisées dans la majorité des cas, montrant un manque d’utilisation ou de connaissance du composant dédié « Accountability ».
  • Certains composants restent sous-utilisés, comme « Débat » pour des discussions à plus haut niveau, ou « Résultats » (déjà remplacé par les « Pages »).

Les administrateurs ont largement personnalisé les plateformes Decidim, révélant des pratiques et besoins variés dans les processus de budget participatif. L’adoption et l’utilisation des composants restent hétérogènes, soulignant l’importance de la formation et de la documentation pour une meilleure exploitation des fonctionnalités de la plateforme.

Des composantes techniques à la compréhension du processus participatif par étapes

L’analyse des composants techniques révèle la diversité des budgets participatifs, mais ceux-ci ne sont que des outils dans le cadre d’un processus social. Par exemple, la collecte d’idées se fait via « Propositions » et le vote via « Budget », mais d’autres processus n’ont pas de correspondance directe avec un composant. Les résultats finaux pourraient par exemple être présentés sur une “Page” (comme dans l’analyse) ou à l’aide du composant de Accountability spécialement conçu. L’analyse de ces processus sociaux supportés par Decidim est donc nécessaire.

Decidim permet de définir des étapes temporaires pour chaque budget participatif. 173 étapes avec des noms et durées définis par les organisateurs ont été identifiées. Elles incluent la collecte d’idées, le vote et la publication des résultats, mais aussi des étapes spécifiques comme l’évaluation de l’admissibilité des propositions.

Pour comprendre ces étapes, un codage axial a été réalisé. 13 catégories ont été identifiées selon leur impact managérial ou participatif, inspirées de théories existantes.

Les plus communes sont la collecte d’idées, le vote et les résultats, éléments fondamentaux. D’autres budgets utilisent des analyses de faisabilité et des actions d’information. Les étapes suivantes, comme le rapport aux citoyens ou l’annonce des finalistes, sont moins utilisées.

Certaines étapes ont des effets différents. Par exemple, la « priorisation participative des propositions » implique la collaboration des citoyens, tandis que la « priorisation des propositions » est une étape managériale qui les exclut.

La plupart des étapes communes sont neutres (information et participation individuelle). Les étapes managériales filtrent les propositions avant le vote, limitant l’influence des citoyens. Les étapes centrées sur la communauté sont moins communes, offrant moins d’opportunités de discussion et de délibération.

Les budgets participatifs sur Decidim présentent une diversité dans les processus sociaux mis en œuvre. Les étapes neutres dominent, suivies par les managériales. Les étapes centrées sur la communauté sont moins utilisées, réduisant les possibilités de discussion et de délibération des citoyens.

Les configurations du BP en tant que combinaison de composants et d’étapes

Analyser chaque composant ou étape individuellement ne permet pas de saisir la configuration globale du processus de budget participatif, car ces éléments fonctionnent ensemble. En moyenne, on retrouve 5 étapes dans les 31 processus étudiés. En analysant les catégories d’étapes utilisées, on identifie 15 configurations de participation distinctes (façons d’organiser le processus avec les composants techniques et les étapes). Ces configurations sont nommées de A à O pour plus de clarté.

ÉtapeABCDEFGHIJKLMNO
Sensibilisation aux processus
Préparation des propositions
Recueil d’idées
Évaluation de la recevabilité
Analyse de faisabilité
Hiérarchisation des propositions
Priorisation des propositions
Annonce des finalistes
Vote
Résultats
Approbation administrative
Retour d’information sur le processus
Aboutissements
Nombre de cas411811216111111

L’analyse révèle 15 configurations distinctes pour organiser les budgets participatifs sur Decidim, combinant de différentes manières les composants techniques et les étapes du processus. Ces configurations offrent des niveaux de participation variés.

  • Exemple de configuration équilibrée : la configuration G du guide de Decidim (Figure 1) combine étapes communautaires (collaboration citoyenne) et managériales (contrôle administratif).
  • Exemple de participation simple : la configuration A implique uniquement la collecte d’idées, le vote et la publication des résultats (Figure 6a).
  • Configuration la plus courante : la configuration D (près d’un tiers des cas) intègre des étapes managériales comme l’analyse de faisabilité (Figure 7a), limitant la participation citoyenne par rapport à la configuration A.

Les configurations des budgets participatifs Decidim varient en termes de participation citoyenne, allant de modèles simples et directs à des processus plus contrôlés intégrant des étapes managériales.

Exemples de configurations de participation dirigée et contrôlée. La différence entre les deux est que la dernière implique au moins une étape de gestion (voir les étapes marquées en brun).
Exemples de configurations de participation centrées sur l’individu et sur la communauté. La différence entre les deux est que la dernière implique au moins une étape centrée sur la communauté.

Participation et contrôle dans les budgets participatifs Decidim

L’analyse révèle différentes manières d’organiser les budgets participatifs sur Decidim, offrant des niveaux de participation et de contrôle variés :

Contrôle administratif majoritaire :

  • La majorité des cas (77%) utilisent des configurations avec des étapes de contrôle (ex : analyse de faisabilité, validation administrative).
  • Ces configurations ne reposent pas uniquement sur la démocratie directe, mais impliquent une participation citoyenne hybride avec intervention des autorités.

Participation sans modération :

  • Certains processus ne comportent pas de modération administrative (19%).
  • Exemple : idée > vote > résultats (configuration A).

Participation individuelle vs. collective :

  • La plupart des processus sont individuels (77%) : des idées individuelles sont soumises puis choisies par vote.
  • Certains encouragent la collaboration (23%) : préparation commune de propositions, priorisation collaborative (ex : configuration H).

En résumé :

Les 15 configurations possible se différencie dans le nombre d’étapes de contrôle et de collaboration. La plupart des processus intègrent un contrôle administratif et restent individuels. Seule une minorité encourage la collaboration citoyenne. La plateforme Decidim permet différents niveaux de participation et de contrôle dans les budgets participatifs. La majorité des configurations actuelles penchent vers le contrôle administratif et la participation individuelle, laissant peu de place à la collaboration citoyenne.

Espace de conception pour les processus de BP basés sur les étapes codées axialement. La plupart des cas sont présentés dans les quadrants de droite, car ils impliquent généralement des mesures de gestion.

Une fonctionnalité = 25 formats de budget participatif

Au final, les quatre chercheurs ont étudié les configurations techniques et sociales de 31 cas de budgets participatifs en Europe. Dans l’ensemble, l’équipe a observé un degré élevé de personnalisation : au total, 25 configurations techniques uniques et 15 configurations différentes de budgets participatifs ont été identifiées. La diversité des composants de budgets participatifs intégrés à Decidim dans chaque cas met en lumière les nombreuses façons dont le budget participatif peut être mis en œuvre, même en utilisant un logiciel unique, la plupart des processus de budget participatif étant conçus comme centrés sur l’individu. Il ne semble pas y avoir de manière « optimale » de paramétrer un budget participatif, même avec la même plateforme et le même choix de composants. De plus, l’équipe a observé des cas de faible ouverture qui ont été facilités par les configurations, car les composants de suivi ont été peu utilisés dans bon nombre de ces processus budgétaires. Les résultats soulignent comment la configuration influence la politique : elle impacte les rôles des citoyens, et certaines configurations courantes peuvent même contrecarrer les valeurs fondamentales du budget participatif. Par conséquent, les chercheurs mettent en garde les développeurs de civic tech : il convient de réfléchir attentivement aux éléments de la démocratie qui doivent être disponibles pour personnaliser les configurations gouvernementales et à ceux qui sont si essentiels à la démocratie qu’ils doivent être imposés par la conception même des outils.

Premier budget participatif pour la Ville de Lyon

Premier budget participatif pour la Ville de Lyon

12,5 millions d’euros, c’est le budget alloué par la ville de Lyon pour que les idées de ses citoyens prennent vie : cette enveloppe en fait le deuxième budget participatif le mieux doté de France ! C’est via une nouvelle plateforme Decidim propulsée par Open Source Politics que les propositions citoyennes sont recueillies, en complément des dispositifs prévus en présentiel !

Plus de 200 propositions citoyennes en trois semaines pour le budget participatif! 

Pour cette première édition du budget participatif, la plateforme Oyé permet aux citoyens et citoyennes de déposer leurs idées pour leur ville, qu’ils y vivent, travaillent ou étudient. Dès le début de la quatrième semaine d’ouverture de la fameuse boîte à idées, les Lyonnaises et Lyonnais pouvaient déjà soutenir et commenter 200 idées déposées dont plus de 37% ont été catégorisées par leur auteur.e dans la thématique “cadre de vie” et 26% dans la thématique “environnement et nature en ville” (consultables ici). 

Traçabilité de la démarche : de l’idée à la réalisation de projet 

Dans ce cadre, de nombreux ateliers sont organisés en présentiel pour aider les participant.e.s à affiner leurs idées, discuter avec d’autres habitant.e.s et animateur.ice.s de la ville afin de développer ensemble leurs envies pour leur quartier. Des stands de rencontre sont également déployés dans toute la ville pour poser directement des questions sur le dispositif aux agent.e.s impliqué.e.s. La plateforme Oyé permet notamment de consulter l’agenda de ces différentes rencontres et d’en prendre connaissance directement grâce à la carte interactive. 

Atelier budget participatif ville de Lyon

Les participants pourront ensuite voter sur les projets ayant passé l’étude de faisabilité juridique, technique et financière menée par les techniciens de la ville. La répartition de l’enveloppe budgétaire par arrondissement selon leur densité de population, demandera une mobilisation active des différentes mairies d’arrondissement et leurs services tout au long de l’instruction des idées déposées. Une fois les projets lauréats annoncés, la fonctionnalité “suivi” de la plateforme permettra de consulter le suivi des réalisations des projets qui auront recueilli le plus de voix. Dans un souci de traçabilité, il sera ainsi possible de s’enquérir, grâce à une frise chronologique et à une jauge, de l’état d’exécution des projets par thématique, renseignés au fil de l’eau par la municipalité. 

Une collaboration enrichissante avec l’équipe de la Ville de Lyon

Ce type de budget participatif se déployant dans la troisième ville de France nécessite un accompagnement dès la conception de démarche, adapté à la multiplicité d’acteur.ice.s impliqué.e.s dans ce projet. L’équipe d’Open Source Politics accompagne donc l’équipe projet de la ville de Lyon depuis décembre 2021 à l’occasion d’ateliers et d’échanges hebdomadaires. Ils permettent de débattre, ajuster et recueillir les éléments nécessaires au lancement, conciliant ainsi les enjeux et retours propres aux métiers de chacun.e des spécialistes intervenus.

En parallèle, cette collaboration va pouvoir faire évoluer Decidim puisque la Ville a financé de nouvelles fonctionnalités qui pourront servir à d’autres collectivités dotées de l’outil Decidim. Le pôle recherche et développement d’Open Source Politics mène ainsi actuellement des recherches dans le cadre d’explorations d’outils complémentaires pour faciliter l’instruction des propositions par les différentes directions de chacune des mairies d’arrondissement de grandes villes comme Lyon. 

Les différents tests sur les questions d’accessibilité que nous menons conjointement avec les représentants d’associations concernées, les agents de la ville et l’équipe produit d’Open Source Politics sont également une occasion de nourrir toute la réflexion de la communauté Decidim sur le sujet (en savoir plus ici :  Accessibility – a11y · decidim/decidim) et d’impulser de nouveaux projets en ce sens.  

Ce projet pilote est le premier d’une série de nombreuses concertations que la plateforme Oyé a vocation à accueillir. Nous espérons bientôt y voir d’autres échelons administratifs de la ville et acteurs de la participation citoyenne animer des espaces dédiés. 

Les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ?

Les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ?

Virgile Deville, co-fondateur d’Open Source Politics (OSP), est intervenu le jeudi 19 septembre 2019 à l’occasion du colloque sur la concertation citoyenne : « Au lendemain du grand débat national, quelle perspectives pour la démocratie participative à l’échelle locale? » organisé par l’Association des Maires d’Ile de France (AMIF). OSP répondait à la question « les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ? »

Virgile Deville intervient à la table ronde "Les outils de la civic-tech vont-ils transformer la participation citoyenne ?"  lors du Colloque sur la concertation citoyenne organisé par l'AMIF (Association des Maires d'Île de France)

Ce colloque était l’occasion pour OSP de présenter le rôle des plateformes numériques comme Decidim dans le cadre de concertations citoyennes et de partager notre expérience quant à la mise en place de ces plateformes au sein des collectivités territoriales.

Le logiciel libre Decidim s’adapte aux besoins de ces institutions et propose un système d’information complet et transparent pour la démocratie numérique, permettant de modéliser n’importe quel processus participatif.

En dehors de l’excellente formule de Mathieu MonotMaire-Adjoint de Pantin, référent de la commission participation citoyenne de l’AMIF, sur l’évolution du rôle du maire : 

Nous avons successivement admiré les maires gestionnaires et bâtisseurs maintenant j’ai la conviction que c’est au tour des maires concerteurs !

nous retenons 3 points de cette expérience :

Des biens communs numériques pour propulser les concertations publiques, une évidence

Pourquoi ? Les biens communs numériques sont porteurs de valeurs telles que la transparence et l’intégrité des données, la protection des données personnelles, l’égalité des participants et la reddition des comptes. Le modèle proposé par Decidim combinant licence libre (AGPLv3) et contrat social pose les garanties démocratiques nécessaire à toute démarche de démocratie numérique. 

Pour aller plus loin sur ce sujet, nous vous recommandons l’article de @calimaq (Lionel Maurel) qui aborde le concept de Logiciel Libre à mission en prenant Decidim comme exemple.

L’hybridation numérique / présentiel est essentielle

Les outils numériques ne sont pas magiques et la participation active est le fruit d’un apprentissage progressif. Des gages de transparence sont nécessaires pour donner confiance aux citoyens et ceux-ci ne peuvent être transmis que par des interactions humaines. Il est par conséquent nécessaire de garantir une hybridation d’espaces de participation numérique et présentiel.

Le travail d’OSP avec les institutions pousse aujourd’hui à avoir un usage critique et stratégique des outils numériques au service d’une action politique, collective et souveraine.

Des usages de plus en plus avancés, des plateformes toujours plus complètes

Une plateforme pour les municipalités c’est avant tout une plateforme modulaire et configurable.

Les démarches participatives au sein des municipalités doivent considérer les différents degrés d’engagement (cf. schéma ci-dessous). Pour ce faire, l’outil en question doit permettre de modéliser tout type de démarche participative. Decidim est particulièrement efficace face à cet enjeu avec son architecture modulaire et profondément configurable. C’est un véritable Lego de la participation où les institutions définissent l’architecture de leur espaces de participation sur mesure en activant et configurant des fonctionnalités participatives.

Schéma de l'évolution du degrés d'implication des citoyens à travers les usages

Les enjeux technopolitiques que la civic tech doit encore relever

Nous avons conclu notre intervention en rappelant que la participation numérique n’en est encore qu’à ses débuts. La mise en plateforme comme Decidim soulève des questions passionnantes :

Enjeux technopolitiques Chantiers Decidim et OSP
Traitement de jeux de données massifs et synthèse des consultations Depuis 2017 nous investigons sur l’application du traitement automatique de la langue aux corpus de texte et de données issus des consultations. Relire nos articles à ce sujet sur Medium partie I et II.
Inclusion numérique et accessibilité Open Source Politics est sociétaire de la Mednum, la coopérative de l’inclusion numérique
Identité numérique – OSP développe un connecteur France Connect pour Decidim qui sera disponible cet automne 2019.
– Decidim permet mettre en place des systèmes de vérification  d’identité contextuelle à l’action réalisée par l’utilisateur (vote sur une budget participatif) personnalisé.
Représentativité Decidim est l’une des seules plateforme à proposer un module de tirage au sort.
Décentralisation et sécurité de la donnée Decidim propose déjà un certain nombre de garanties pour la donnée que la plateforme génère (API, empreinte cryptographique des propositions etc.).
Dans le cadre du projet Européen Decode, Decidim a pu experimenter avec la technologie blockchain pour effectuer des signatures électroniques.

Autant de défis qu’il nous est possible de relever collectivement grâce au modèle ouvert à la collboration proposé par Decidim qui réunit déjà une multitudes d’acteurs complémentaires (universitaires, développeurs, sociologues, politistes, designers…). Un cadre de travail qui permet de les relever en réseau en mutualisant les efforts, les investissements et les apprentissages.

Nous tenions à remercier l’AMIF à cette occasion pour l’organisation du colloque et pour l’invitation à la table ronde.

Pour plus de détails, vous pouvez contacter notre équipe ici : contact@opensourcepolitics.eu
Pour en connaître plus sur Open Source Politics cliquez ici
Retrouvez la présentation de Virgile ici :

Comment mettre organiser un budget participatif : le cas d’Angers

Comment mettre organiser un budget participatif : le cas d’Angers



Cas d’usageLe premier budget participatif de la ville d’Angers

Le premier budget participatif de la ville d’Angers s’est terminé début novembre. C’est l’occasion de revenir sur cette expérience et d’établir les bonnes pratiques pour faire de cet incontournable de la concertation un succès.

Conception d’un BP, mobilisation des citoyen·nes, rôle des services, faisons un tour d’horizon des bonnes pratiques pour construire ensemble la ville !

Angers est rentrée dans un club de moins en moins fermé : 90 villes françaises ont conduit un budget participatif en 2018, contre seulement 25 deux ans plus tôt. En plus de se doter d’un outil numérique pour piloter sa démarche, la ville a donc pu tirer profit des expériences menées ailleurs. Ces enseignements ont directement bénéficié à l’équipe municipale, et le succès est au rendez-vous : les chiffres ci-dessous placent Angers dans la fourchette haute des premières éditions d’un budget participatif municipal.

Retrouvez ici l’article du Monde détaillant le contexte français du BP.

Les 7 phases successives de ce premier BP angevin s’étendent sur toute l’année 2018 (si l’on ne compte pas la réalisation des propositions lauréates). Comme vous l’imaginez, elles permettent aux habitant·es de proposer des projets puis de choisir ceux qui seront réalisés par la ville l’année suivante.

Page d’accueil de la plateforme ecrivons.angers.fr

Réussir un budget participatif en 7 phases

Le découpage précis d’un BP en sept étapes sécurise toutes les parties prenantes, tant les citoyen·nes que les services de la ville ou le pouvoir politique.

Phase 1. Conception : comment garantir l’impact de la participation ?

Une fois la volonté politique établie — c’est la première base indispensable — nous avons pu démarrer la conception de la démarche elle-même. L’avantage d’un budget participatif est incontestable pour les citoyens qui, en participant, décident de l’utilisation d’une partie du budget de leur ville. Ils ont la garantie que leur expression se transforme en impact. Compréhensibles et séquencées, les étapes construisent un parcours citoyen amplifié par le numérique qui favorise la participation par sa clarté.

Le parcours citoyen de Decidim : des fonctionnalités intégrées dans une démarche par étapes

À Angers comme ailleurs, la définition des critères de recevabilité des propositions et l’assemblage d’une équipe projet efficace sont les deux points nécessitant d’être spécifiés et clarifiés en amont du lancement du dispositif. C’est à l’aune de ces critères que la mairie va devoir retenir ou non les propositions des habitant·es et les transformer en projets soumis au vote.

Dans les conseils que nous apportons aux institutions avec lesquelles nous travaillons, nous veillons à ce que ces critères soient objectifs et faciles à analyser afin d’empêcher l’irruption de biais arbitraires ou subjectifs. La ville d’Angers a arrêté le règlement de ce budget participatif avant l’ouverture de la plateforme. On élimine ainsi un risque d’incompréhension, voire de frustration, vis-à-vis du processus et on augmente mécaniquement la confiance des habitant·es dans l’exercice.

Coordonner le bon déroulement d’un budget participatif nécessite uneimplication importante de l’administration. Il a donc fallu dès le départ rassembler une équipe projet. Au centre de toutes les démarches de concertation, la Mission participation citoyenne agrège les différentes compétences et responsabilités. Notre équipe l’a formée et accompagnée au fil des semaines pour une utilisation optimale de Decidim.

Phase 2. Proposition : comment encourager les contributions ?

Entre début février et mi-avril, la phase durant laquelle les habitant·es pouvaient proposer directement leurs idées pour le budget participatif avait pour ambition d’ouvrir différents canaux d’expression pour les Angevin·es. C’est l’hybridation entre la participation présentielle et la participation numérique qui a ainsi été particulièrement mise en avant lors de cette étape. Si les propositions ont été majoritairement déposées directement en ligne par les porteurs, six rencontres ont été organiséesau mois de mars, en couvrant tous les quartiers de la ville, pour permettre d’attirer des publics différents en diversifiant les modalités de contribution.

Exemple d’une proposition sur la plateforme Decidim d’Angers

La fonctionnalité de dépôt de proposition est l’une des plus abouties de la plateforme Decidim, avec son comparateur automatique de propositions similaires, et la possibilité pour l’utilisateur de renseigner une catégorie, un quartier, une adresse et une pièce jointe. Certaines propositions ont été réellement enrichies par de longs échanges de commentaires entre plusieurs habitants intéressés.

Phase 3. Évaluation : quelles propositions doit-on filtrer ?

Une fois la phase de dépôt de propositions achevée, l’étape d’évaluation incombe à la municipalité. En réalisant un export directement depuis la plateforme, elle consiste à vérifier que les propositions respectent les critères de recevabilité définis et indiqués au public dès le lancement du budget participatif. La mairie d’Angers, par l’intermédiaire de sa Mission Participation citoyenne, a beaucoup travaillé sur les exigences de transparence pendant le déroulement du budget participatif. Ainsi, dans le cadre de l’étape d’évaluation, chaque utilisateur·trice ayant déposé une proposition a reçu une réponse publique directement sur la page de sa proposition.

Capture d’écran de la plateforme ecrivons.angers.fr

Phase 4. Faisabilité : dans quelle mesure doit-on anticiper la réalisation des projets ?

Après le premier filtre des critères, la Mission participation citoyenne a réparti et transféré à la fin du printemps les propositions recevables aux services compétents afin que ceux-ci évaluent leur faisabilité technique et réglementaire, ainsi que leur coût. Les porteur·es de projet, après avoir reçu de la Ville un message privé directement sur la plateforme, ont eu l’opportunité d’échanger et de rencontrer le service en charge de l’analyse de sa proposition lors d’un rendez-vous, ce qui a également beaucoup aidé à la transparence.

Réalisé sur les mois d’été dans le cas d’Angers, ce travail est intense pour l’administration, notamment lorsqu’il était nécessaire d’effectuer des allers-retours avec les porteur·es de projet afin de préciser et éventuellement fusionner certaines propositions. Cette charge de travail peut cependant être grandement atténuée par le développement de bonnes interactions avec les différents services qui étudient les propositions.

Phase 5. Liste des projets et Vote : comment maximiser la mobilisation citoyenne ?

À la rentrée, la liste finale des projets soumis aux votes est présentée aux habitant·es sur la plateforme Decidim et sur une brochure imprimée. Chaque projet contient une cotation budgétaire, une présentation détaillée, une illustration et, pour assurer la traçabilité de la démarche, un lien avec la ou les proposition(s) citoyenne(s) qui l’ont inspiré. Le vote intervient ensuite : lors de cette phase, Angers a continué à allier participation numérique et physique, en installant entre autres une Agora sur la place du Ralliement, la plus grande de la ville.

Votes physiques pour les projets du budget participatif

Vote en ligne sur ecrivons.angers.fr

La Mission participation citoyenne a également été plus largement présente physiquement dans tous les quartiers de la ville pour permettre à tou·tes de voter pendant 18 jours (trois weekends), avec pour chaque habitant·e le choix des cinq projets qui lui paraissent les plus pertinents pour l’avenir de la ville. Les propositions sont localisées sur une carte de la ville et il est possible de les filtrer par catégorie et par quartier.

Ces temps-forts ont permis aux porteur·es de présenter leurs projets et aux participant·es de voter par bulletin papier ou en ligne sur la plateforme Decidim avec des tablettes ; le contact direct est une clé essentielle pour mobiliser le maximum d’habitant·es.

L’Agora du budget participatif sur la place du Ralliement

 

Phase 6. Validation : comment doit-on mettre en valeur l‘accord politique ?

Dès la phase de vote terminée commence l’étape de décompte des résultats. Durant cette phase, la Mission participation citoyenne opère le dépouillement des bulletins papier, en présence d’élus de la majorité et de l’opposition. Les votes papier et en ligne sont compilés pour obtenir et présenter la liste finale des projets lauréats par le maire lors d’un événement public et accessible sur la plateforme.

Comme dans de nombreux autres démarches équivalentes, les votes papier sont plus nombreux que les votes en ligne.

Dans le règlement du budget participatif, la mairie s’est engagée à intégrer les projets lauréats du vote 2018 et leurs montants dans la section d’investissement du budget primitif 2019 qui sera proposée au vote du Conseil Municipal en mars 2019.

Phase 7. Réalisation : comment permettre la transformation collaborative de la ville ?

La dernière étape — la plus longue — constitue l’aboutissement de cette année de participation des Angevin·es à l’écriture du futur de leur ville. La réalisation des projets doit advenir dans les deux ans et les porteurs des projets lauréats seront associés à cette dernière étape. La fonctionnalité de “Suivi” sera activée sur Decidim pour documenter à intervalles réguliers la réalisation des projets lauréats.

La mutualisation

Nous sommes fiers et heureux d’avoir accompagné la mairie d’Angers sur cette première démarche de budget participatif intense et concluante. Nous transmettons déjà les bonnes pratiques mises en place dans le cadre du budget participatif de la mairie d’Angers à d’autres institutions. Après le département du Loiret et la ville de Romainville (93), ce sont Nanterre (92) et Saint-Jean de Braye (45) qui se lancent fin 2018 dans leur premier budget participatif sur Decidim.

Open Source Politics travaille en effet avec Decidim, un véritable bien commun numérique, qui possède dans son ADN la gouvernance partagée et la mise en commun des réussites. Nous construisons donc étape après étape avec notre Club des utilisateurs francophones de la plateforme une communauté de soutien au sein de laquelle chaque organisation membre peut bénéficier du savoir-faire des autres, permettant ainsi de se lancer en augmentant d’autant ses chances de réussite.

Comment fonctionne la plateforme de démocratie participative Decidim ?

Comment fonctionne la plateforme de démocratie participative Decidim ?

Comment fonctionne la plateforme de démocratie participative Decidim ?

Decidim, dont le nom vient de l’expression catalane signifiant “décidons maintenant”, est une infrastructure numérique dédiée à la démocratie participative, entièrement conçue et réalisée de façon collaborative selon les règles du logiciel libre. Sur un plan technique, Decidim est un framework (ou environnement de développement) conçu avec le logiciel de développement Ruby on Rails. Decidim permet aux utilisateurs de créer et de configurer une plateforme ou un portail web à usage de réseau social permettant l’exercice de la participation des citoyens. Ce portail permet à toute organisation (conseil municipal ou de quartier, association, université, ONG, collectifs locaux, coopératives) de mettre en place des processus massifs de consultation tels que des budgets participatifs, des enquêtes publiques ou des appels à idées.

Afin de saisir parfaitement la façon dont Decidim fonctionne, il faut comprendre la distinction entre les espaces de participation et les outils de participation. La nuance paraît fine au début et peut être difficile à saisir mais elle permet de mieux comprendre la structure de la plateforme :

  • Les espaces de participation. Ils constituent le cadre à l’intérieur duquel la participation est organisée, les canaux et médias à travers lesquels les citoyens et les membres des collectifs peuvent formuler leurs revendications, élaborer leurs propositions et prendre des décisions. Quatre espaces de participation sont disponibles dans Decidim : Initiatives, Processus, Agoras et Consultations. On peut par exemple envisager : une initiative citoyenne pour obtenir la modification d’un règlement (Initiative) ; une assemblée générale d’un collectif de travailleurs (Agora) ; un budget participatif, un processus électoral ou une consultation pour définir un objectif à long terme (Processus) ; un référendum sur un sujet précis (Consultation). Processus et Agora sont déjà intégrés dans la plateforme en version 0.9, les deux autres espaces seront disponible à la fin du printemps.
  • Les outils de participation. Ce sont les fonctionnalités qui permettent l’interaction entre la plateforme et les espaces de participation. Decidim propose pour l’instant les outils suivants : rencontres, conférences, appels à idées, dépôt de propositions, enquêtes par questionnaire, discussions et débats, résultats, suivi de la réalisation des projets, votes, pages et newsletters.

Les utilisateurs de la plateforme (les participant.e.s), interagissent à travers des mécanismes de participation — que nous appelons outils de participation — qui remplissent des fonctions spécifiques à l’intérieur de chaque espace de participation. En d’autres termes, les Initiatives, les Agoras, les Processus et les Consultations ont à leur disposition des outils qui composent et rythment les différents espaces de participation.

 

Les caractéristiques des 4 espaces de participation

 

  • Les Processus constituent un espace dans lequel un administrateur peut créer, activer, désactiver et gérer différents outils de participation, avec la possibilité de les lier entre eux et de les configurer en fonction des différentes étapes programmées.
  • Les Agoras offrent à un administrateur la possibilité de définir des groupes et des collectifs qui se retrouvent périodiquement, de détailler leur composition, de faire la liste de leurs rencontres (avec géo-localisation), de faciliter la tenue des réunions en gérant l’agenda, la capacité des lieux et l’inscription des participants si nécessaire, en prenant position sur les propositions et délibérations émises par les assemblées.
  • Les Initiatives permettent à un administrateur de lancer de façon collaborative des initiatives citoyennes, de définir leurs objectifs et leur déroulement, de collecter des soutiens, de recueillir le fruit des discussions et des débats, d’organiser la mobilisation des habitants autour de points de rencontres pour la signature de pétitions.
  • Les Consultations sont un espace d’organisation de référendums, permettant de susciter des discussions et des débats autour du sujet retenu. Elles sont connectés à un système de vote sécurisé et à un espace de publication des résultats.

A l’intérieur de ces espaces de participation s’articulent donc différents outils, personnalisant l’espace selon la volonté de l’administrateur ou organisation lançant l’espace.

 

Les divers outils de participation

 

  • L’outil propositions permet de créer une proposition officielle ou citoyenne géo-localisée, d’y associer des documents, de naviguer à travers les propositions et de leur appliquer des filtres.
  • L’outil résultats transforme les propositions en constats ou en décisions, en rendant publique une réponse officielle à leur acceptation ou à leur rejet.
  • L’outil de suivi offre la possibilité de répartir les décisions d’action en projets unitaires dont on rend compte de la mise en place avec un module de visualisation des états d’avancement.
  • L’outil enquêtes peut être utilisé pour concevoir et publier des enquêtes et sondages et afficher leurs résultats.
  • L’outil commentaires permet aux utilisateurs de commenter les propositions, de les apprécier par des votes, de répondre et de réagir aux réponses en recevant des notifications.
  • L’outil votes offre la possibilité d’appliquer plusieurs modes de scrutins aux propositions : illimité, limité, pondéré, valorisé en fonction d’un budget, etc.
  • L’outil pages permet de créer des pages à contenu informationnel comportant des textes formatés, des images et des vidéos.
  • L’outil rencontres en présentiel permet de convoquer des réunions, de gérer leur localisation et leur date ainsi que l’enregistrement des participants et de publier ensuite les compte-rendus des travaux et les résultats des débats.
  • L’outil conférences (à venir) permet de créer un site web associé à une conférence thématique avec des outils spécifiques d’organisation (inscriptions, ateliers, programme, conférenciers, etc).
  • L’outil newsletter est disponible pour envoyer une lettre d’information aux personnes inscrites sur la plateforme, ou plus sélectivement à celles concernées par un espace particulier (à venir).

Ces outils donnent donc véritablement corps aux différentes démarches de participation et encadrent les diverses formes que peuvent prendre les contributions des citoyen.ne.s sur la plateforme. Pour contribuer et/ou voter, les utilisateur.trice.s doivent d’abord passer par une vérification de leur identité, potentiellement opérée en plusieurs étapes qui sont destinées à certifier le sérieux et la crédibilité de la plateforme.

Classification des participant.e.s

 

Les participant.e.s à une plateforme Decidim peuvent être répartis en trois catégories, correspondant à des possibilités d’interaction plus ou moins importantes avec le contenu de la plateforme :

  • Les Visiteurs peuvent voir tout le contenu de la plateforme sans s’enregistrer.
  • Les Membres enregistrés peuvent contribuer à la plateforme : après avoir fourni un nom d’utilisateur, un pseudonyme, un mot de passe et une adresse email (ou une identification via certains réseaux sociaux), ils peuvent commenter, faire des propositions, envoyer des messages et suivre certain.e.s participant.e.s ou événements, recevoir des notifications.
  • Les Membres vérifiés bénéficient d’un niveau plus étendu de participation. Ils peuvent être accrédités comme membre d’une organisation, ou comme résident.e/électeur.trice d’une municipalité ou encore appartenir à un groupe détenant un pouvoir organisationnel ou de décision (association, communauté, collectif, etc). Une fois leur statut confirmé, ils peuvent s’inscrire à des réunions, défendre des propositions, signer des pétitions et voter dans des consultations.

Les participant.e.s peuvent s’enregistrer de façon individuelle ou en tant que membre d’une association ou d’une organisation. Des profils représentant des groupes d’utilisateur.trice.s peuvent être créés avec la possibilité de s’exprimer soit collectivement soit à titre individuel. Les préférences de notification peuvent être configurées à la fois pour les statuts individuels et pour les statuts collectifs.

 

Plus qu’un logiciel libre, une véritable communauté

 

Decidim dépasse en qualité tout ce que nous avons pu observer en termes de logiciel libre civic tech. Une dizaine de développeurs contribuent régulièrement au projet, les issues GitHub (problèmes dans le code, déposés sur la plateforme de centralisation GitHub) sont traitées en quelques heures, des réponses vous sont apportées en quelques minutes sur Gitter (messagerie instantanée dédiée aux utilisateur.trice.s de GitHub) et l’application est couverte à 98% par des tests unitaires — c’est-à-dire que chaque outil est testé individuellement afin d’en vérifier le bon fonctionnement. Ces quelques précisions illustrent parfaitement le dynamisme du projet Decidim et la qualité technique de son développement, qui font de la plateforme un projet destiné au long terme et à la recherche de l’amélioration constante de ses fonctionnalités.

C’est en nous rendant à la Decidim Jam, la conférence annuelle qui rassemble la communauté autour de l’outil, que nous avons pris la mesure de ce qui se cachait derrière le code. Decidim est animé par une communauté de plusieurs centaines de personnes de tous horizons. Citoyen.ne.s, développeur.euse.s, designers, agents publics, politiques et chercheur.e.s s’y retrouvent pour co-construire cet outil de participation envisagé comme un véritable commun que chacun fait vivre au gré de ses contributions.

La communauté s’organise autour de 4 grands organes :

  • Un groupe de coordination inter-municipal, composé d’utilisateur.trice.s qui partagent leurs expériences et assurent une partie du financement ;
  • Un groupe de recherche (Decidim Lab) regroupant des chercheur.e.s de 3 universités différentes, qui organisent des rencontres, des conférences, des débats… ;
  • SOM decidim (physique) et Metadecidim (numérique) qui sont les espaces de rencontres et de travail pour co-construire l’outil.

Ils s’organisent autour de 5 axes de réflexion : tech, gouvernance, recherche, expérience utilisateur et mobilisation. C’est sur meta.decidim.barcelona que les nouvelles fonctionnalités sont décidées et planifiées. Le schéma ci-dessous décrit le processus d’émergence, d’adoption et de développement de toute nouvelle fonctionnalité que la communauté souhaite ajouter à Decidim.

On peut constater que ce processus est relativement élaboré mais demeure néanmoins souple, ce qui illustre bien l’esprit initial de construction de Decidim. Ainsi, même la gouvernance de Decidim (l’ajout de nouvelles fonctionnalités) est ouverte, ce qui permet une transparence totale du processus et une liberté moindre d’interprétation laissée aux développeurs ; le code est sous le contrôle direct des institutions et des citoyen.ne.s.

Pour compléter ce processus, il faut noter qu’il y a également des entreprises, dont Open Source Politics, qui maintiennent, développent de nouvelles fonctionnalités et font de la prestation de service autour de Decidim pour les institutions.

Ces spécificités de l’organisation du développement de Decidim en fait un outil numérique particulièrement actif. L’avantage de l’adoption d’un tel outil réside principalement dans l’inclusion automatique au sein d’un large panel d’utilisateurs qui partagent leur expérience de la plateforme et guident donc tout nouvel arrivant. Il s’agit également de bâtir un logiciel satisfaisant un maximum d’usages possibles, dans un maximum de situations possibles.

Testez l’outil sur notre instance de démonstration demo.decidim.opensourcepolitics.eu.

Open Source Politics est une entreprise qui développe des plateformes de démocratie participative pour des acteurs publics, privés et associatifs. Contactez-nous si vous souhaitez vous engager dans un dispositif de concertation ou un budget participatif utilisant des outils civic-tech !

@OpenSourcePol