Une assemblée citoyenne nancéienne

Une assemblée citoyenne nancéienne

Début 2023, la ville de Nancy organisait la seconde édition de son assemblée citoyenne. Cette année la thématique principale était l’espace public. Pendant 4 mois, des réunions, ateliers et formations ont rythmé la vie citoyenne des participant·es qui ont finalement délivré un rapport au conseil municipal et amendé la constitution municipale sur la participation. Retour sur cette démarche ambitieuse et prometteuse. 

Une assemblée citoyenne, qu’est-ce que c’est ?

Avant de se plonger dans le cas d’étude de la ville de Nancy, voici une présentation succincte de ce qu’est une assemblée citoyenne.

Une assemblée citoyenne est un dispositif participatif réunissant un panel représentatif d’un groupe donné et qui conduit à une délibération. C’est en alternant des phases de formation à des sujets précis et des phases de délibération en groupes que les citoyen·nes restituent collectivement des recommandations aux organismes de gestion en place. Les citoyen·nes sont, de fait, considéré·es comme légitimes à la réalisation à la fois d’un diagnostic mais aussi de recommandations tant ces personnes sont directement impactées par l’issue des décisions.

L’assemblée citoyenne de Nancy

La ville de Nancy a organisé en 2020, déjà avec la contribution d’Open Source Politics, sa première assemblée citoyenne. Elle avait pour mission de : 

  • Définir les nouveaux conseils de quartier.
  • Concevoir le fonctionnement du budget participatif (BP).
  • Réfléchir à de nouvelles méthodes et de nouveaux outils de participation citoyenne.

À l’issue de ces différents travaux de réflexion, l’assemblée a rédigé la constitution municipale qui offre une orientation sur la réglementation de la démocratie participative à Nancy. Suite à cette première édition, le 19 avril 2021, un conseil municipal extraordinaire a adopté cette constitution et voté en faveur de la pérennisation et du renouvellement de l’assemblée citoyenne.

Retour sur cette deuxième édition

C’est dans la continuité de la décision du conseil municipal que s’est tenue la seconde édition de l’assemblée citoyenne de Nancy (ACN), portant cette fois sur l’espace public de la ville. L’assemblée avait pour objectif de délivrer un rapport au conseil municipal. Une thématique secondaire proposait aussi une réflexion sur les instances de participation nancéiennes – ACN, Ateliers de Vie de Quartier (AVQ) et BP – afin d’aboutir à un amendement de la constitution municipale sur les instances démocratiques. 

Cette assemblée était composée de trois collèges différents de participant·es :

  • un premier collège composé de volontaires ayant répondu à l’appel à participation ;
  • un second constitué de personnes tirées au sort sur les listes électorales ;
  • et un troisième regroupant les représentant·es des AVQ. 

Soit pour ces trois collèges un total de 130 personnes. 

À ce stade, il est important de souligner que dans le cadre de ce type de démarche participative, l’engagement des personnes participantes est difficile à solliciter et maintenir sur la durée. Cela, pour différentes raisons dont la disponibilité, la légitimité, le coût d’opportunité sont les facteurs principaux. Pour aller plus loin sur cette thématique, la première édition de la revue OSP Explore rend compte de ces différents défis.

À la lumière de ces risques de faible mobilisation et répondant à un besoin alors largement discuté dans les sphères académique et pratique de la participation citoyenne, la municipalité de Nancy avait mis en place une indemnisation de déplacement pour les participant·es. Après attestation d’émargement, les participant·es recevaient une indemnisation, à hauteur de 20€, pour chacune des réunions auxquelles ces personnes avaient assisté. Bien que cette indemnisation ait été mise en place, il a été constaté à l’issue de cette deuxième édition que le nombre de participant·es avait diminué au fil des sessions. En effet, lors de la dernière séance, seule une cinquantaine de personnes étaient présentes. Il semble alors que l’indemnisation financière n’a pas été un facteur unique et décisif pour garantir une mobilisation sur la durée. Il est à noter que parmi les personnes les plus régulièrement présentes, il y ait eu une certaine supériorité des personnes issues des collèges de volontaires et des représentant·es des AVQ. Ce qui a favorisé des discussions autour de sujets très spécifiques relatifs aux AVQ. Cela pose donc la question du format d’une assemblée citoyenne et de la manière dont il est possible d’articuler la présence de différentes entités pour favoriser une parité dans les échanges et la mobilisation.

Le rôle d’Open Source Politics

L’ACN s’est déroulée entre mars et juin 2023. Toutefois, un travail préparatoire en amont a été nécessaire pour définir et mettre en place le dispositif. Pour cela notre équipe a mobilisé trois consultant·es : Adrien Rogissart, Bertille Mazari et Giulia Cibrario pour la conduite, la gestion et l’animation de ce projet. Dès le mois de janvier, notre équipe en collaboration avec le comité de pilotage de la ville de Nancy a travaillé sur l’élaboration de l’ACN, en affinant les différents objectifs globaux respectifs aux deux thématiques, en définissant le calendrier des réunions et en amorçant le travail d’idéation des réunions et ateliers. 

C’est alors en s’adaptant au cahier des charges formalisé par la ville de Nancy qu’Open Source Politics a construit cette démarche participative en prenant en compte les caractéristiques théoriques et matérielles propres à cette assemblée citoyenne. Après avoir défini le déroulé des réunions avec la municipalité, cette dernière nous a indiqué les différents lieux au sein desquels se tiendraient les différentes réunions en présentiel. Il s’agissait alors pour notre équipe de composer et d’adapter au mieux les différents rythmes et formes de travail aux configurations des salles par exemple. En effet, la manière dont nous envisageons la tenue d’une ACN est un processus qui se décompose en plusieurs étapes clés. Les différentes configurations des lieux de réunion favorisent différents formats d’ateliers, d’échanges, ou de plénières. Il s’agit donc de trouver un juste équilibre entre les conditions matérielles et les ressources humaines mises à disposition et un processus établi.

Le déroulé de l’assemblée citoyenne de Nancy

Le 4 mars 2023, la première réunion a réuni l’ensemble des participant·es en visioconférence. Ce choix a été motivé par la volonté de ne pas solliciter une présence physique alors qu’il s’agissait tout d’abord d’une présentation des différentes temporalités, acteurs et objectifs de l’ACN. Toutefois, cela est resté exceptionnel puisque l’ensemble des 7 autres réunions se sont tenues en présentiel dont une en hybride. 

Le 18 mars 2023 a marqué le début des échanges et une phase d’acculturation aux modèles de discussion et d’interaction qui allaient rythmer la démarche. Après une courte synthèse des résultats liés au questionnaire sur les instances de participation de Nancy diffusée aux membres de l’assemblée, le travail a pu commencer. Pendant trois heures, l’assemblée était répartie aléatoirement en plusieurs groupes de travail qui ont partagé, discuté, délibéré et rapporté leurs différentes propositions au reste de l’assemblée. Un vote de confiance a alors été effectué pour chacune des propositions qui seront étudiées ultérieurement pour un amendement de la constitution municipale.  

Les sessions du 1er et 15 avril ont amorcé la réflexion autour de la thématique de l’espace public. Les objectifs de ces deux sessions étaient de donner les moyens à l’assemblée de se saisir de la notion d’­« espace public ».

La complexité et les dimensions multiples que recouvre cette notion induisait une séquence d’acculturation. Il s’agissait donc de structurer un parcours de formation et de réaliser un travail de définition des enjeux associés à Nancy. Un partage d’expérience entre personnes expertes, praticiennes, élues et agentes de la municipalité et de la métropole a alors permis à l’assemblée de formuler des propositions sur les enjeux liés à l’espace public nancéien. Au terme de ces formations, échanges et travaux, les différents groupes de l’ACN ont proposé différentes résolutions et zones afférentes qui ont ensuite été votées en plénière. 

Le 13 mai était dédié à un travail d’approfondissement et de précision des trois résolutions et cinq zones votées lors de la séance précédente. Aussi, après une courte phase de formation aux outils de la démocratie participative, les différents groupes de travail ont également été invités à apposer à leur résolution un outil de concertation à mettre en place auprès de la population de Nancy.

Les 2, 3 et 15 juin ont ensuite permis de clôturer les travaux de l’assemblée citoyenne de Nancy, notamment en constituant et en votant le rapport sur l’espace public qui sera présenté à l’automne 2023 au conseil municipal, puis en amendant la constitution municipale sur la participation citoyenne. 

Et après ?

Cette deuxième édition de l’ACN a confirmé la complexité de mener deux thématiques de travail de front. Néanmoins, la participation est restée constante avec en moyenne 70 personnes présentes à chacune des réunions. Ce qui montre un certain engagement sur la durée de la part des participant·es volontaires tout en soulignant l’enjeu d’une mobilisation plus assidue d’un public plus large. De plus, lors de la dernière session, un comité de suivi s’est constitué et présentera un rapport au conseil municipal plus tard dans l’année. Dans la continuité de la constitution municipale, le comité de suivi s’assurera de la pérennisation de cette instance de participation. 

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Conception d’une assemblée citoyenne en ligne : le point de vue d’un praticien

Conception d’une assemblée citoyenne en ligne : le point de vue d’un praticien

Cet article est une traduction réalisée par Open Source Politics de l’article publié sur le Medium « Participo », une publication de l’OCDE. Pour consulter l’article original de Marcin Gerwin, cliquez ici.

Cela peut sembler concevoir l’impensable. Une assemblée citoyenne en ligne ? L’un des éléments essentiels d’une assemblée citoyenne est de créer un espace permettant aux gens de se rencontrer en face à face. C’est là que réside la magie des assemblées citoyennes. Alors pourquoi aller en ligne ?

Eh bien, parfois, des situations inimaginables apparaissent, et on commence à se demander : et si ? Serait-il possible de parvenir à un apprentissage, une délibération et des recommandations collectives de grande qualité grâce aux outils numériques ? Ma réponse à ces questions est – oui. Il est certain que ce serait une expérience différente des réunions en personne. Mais cela pourrait fonctionner.

À ma connaissance, aucune assemblée citoyenne en ligne n’a encore été organisée. Bien que diverses formes de délibération en ligne aient été expérimentées, je pense ici à transférer en ligne l’ensemble du processus avec un groupe choisi au hasard et représentatif du grand public, en suivant les mêmes phases d’apprentissage, de délibération et de formation de recommandations collectives que lors d’une assemblée citoyenne en face à face.

Phase de formation aux compétences numériques

Je commencerais par une phase de formation d’au moins deux semaines afin de m’assurer que tous les participants savent comment utiliser l’équipement et les logiciels, comment se joindre à une réunion, comment mettre et enlever le son – toutes les bases. Ce pourrait aussi être un moment de convivialité où les gens feraient connaissance, parleraient de choses de la vie quotidienne et s’habitueraient à avoir une conversation en ligne.

Pour aider les personnes qui n’ont pas d’expérience dans l’utilisation d’Internet, des assistants techniques personnels pourraient être recrutés (il pourrait s’agir de bénévoles). Dans certains cas, il pourrait être nécessaire d’acheter du matériel approprié, comme des tablettes avec l’internet LTE (comme dans les téléphones portables), afin que les gens n’aient pas besoin d’avoir un routeur à la maison. Comme les frais de lieu ou de restauration sont éliminés, il pourrait être possible d’acheter du matériel électronique de bonne qualité sans augmenter les coûts globaux.

Phase d’apprentissage

Nous pourrions nous appuyer sur plus de 40 ans d’expérience dans le domaine de l’éducation en ligne pour concevoir la phase d’apprentissage. Par exemple, elle pourrait consister en des présentations d’experts et de parties prenantes en ligne et des documents de lecture. Il n’est pas nécessaire que ce soit en direct. Les gens pourraient regarder ou lire quand cela leur convient le mieux. Les présentations devraient être relativement courtes, environ 12 minutes.

Pour encourager l’apprentissage, les animateurs pourraient proposer des tâches hors ligne ou ludiques, comme dresser une liste des choses les plus intéressantes que les gens ont apprises ou remplir des tableaux divertissants en rapport avec le matériel. Ensuite, un appel de groupe d’étude animé pourrait permettre aux participants de partager leurs apprentissages. En règle générale, tous les appels devraient être relativement courts – une heure, au maximum 1,5 heure, si les participants sont d’accord. Ils pourraient être organisés 3 à 4 fois par semaine, et s’étaler sur environ deux mois (en fonction de la question et de sa complexité).

Les appels de groupe en direct pourraient inclure des séances de questions-réponses avec des experts et des parties prenantes, au cours desquelles les participants pourraient se diviser en petits groupes pour discuter de la matière avant de se réunir à nouveau en plénière (cette fonction de « salle de discussion » existe sur Zoom, Jitsi et d’autres plateformes similaires). Ces petits groupes pourraient suivre les mêmes bonnes pratiques que celles qui se déroulent en personne, avec 7-8 personnes par groupe, plus un animateur principal et un coanimateur.

Délibération

Pour la phase de délibération, la clé est la conversation en petit groupe. Une option possible est que les animateurs puissent recueillir les idées des petits groupes et les partager avec les autres groupes, en s’assurant que les connaissances se répandent de manière égale. Des projets de recommandations pourraient être élaborés de la même manière. Toutes les recommandations pourraient passer par le même processus d’analyse, en considérant des questions telles que : quels sont les avantages et les inconvénients ; quels sont les coûts ; qui serait responsable de leur mise en œuvre ; et autres compromis connexes.

Comme les gens ont des préférences de lecture différentes et que certains préfèrent une copie physique de longs documents, le projet de recommandations et l’analyse qui l’accompagne pourraient être imprimés sous forme de brochure par les organisateurs et remis aux participants pour une réflexion personnelle avant la prise de décision.

Prise de décision collective

La dernière étape consiste à trouver un terrain d’entente pour finaliser les recommandations collectives. Dans les assemblées citoyennes que j’ai organisées en Pologne, cela se fait généralement par un mélange de discussion et de vote (voir détails ici). Cette phase peut être réalisée en ligne, en remplissant des bulletins de vote électroniques ou en utilisant l’un des outils de prise de décision collective existants.

Conclusion

Aurais-je confiance dans les résultats de ce processus ? Oui, s’il a été bien conçu et facilité. Serait-ce la même chose qu’une assemblée citoyenne en face à face ? Non. Néanmoins, cela vaut la peine d’essayer parce que la situation de crise actuelle, et toute crise qui s’ensuit, sont précisément le type de moments où les voix des citoyens doivent être entendues haut et fort, de manière significative et démocratique.

Marcin Gerwin, PhD, est un spécialiste polonais de la démocratie délibérative et de la durabilité. Il conçoit et coordonne des assemblées citoyennes. Il co-dirige le Centre pour les assemblées climatiques et il est l’auteur de « Assemblées de citoyens » : Guide to Democracy that Works » (Assemblées citoyennes : guide pour une démocratie qui fonctionne).

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