L’influence de la participation citoyenne est remise en question. Alors que les dispositifs démocratiques peinent à se renouveler et à toucher la majorité de la population, les collectifs de « voisins vigilants » prolifèrent sous couvert d’engagement civique. Cette confusion des genres menace les fondements mêmes de la démocratie participative.
L’imposture de la « participation sécuritaire »
Appelons les choses par leur nom : la vigilance de quartier n’est pas de la participation citoyenne. Elle en est même l’antithèse. Là où la vraie participation vise l’inclusion et l’intérêt général, la vigilance exclut et divise. Là où la démocratie participative cherche à construire du commun, la surveillance de voisinage érige des barrières.
Les 70 000 communautés référencées sur voisinsvigilants.org et les 1000 mairies partenaires témoignent d’une dérive inquiétante : la privatisation rampante de la sécurité publique, habillée du noble vocable de « participation citoyenne ». Cette confusion sémantique n’est pas innocente.
La vraie participation citoyenne : un modèle menacé
La participation citoyenne authentique repose sur des principes clairs que nous devons défendre sans concession. Les assemblées citoyennes, budgets participatifs ou conseils de quartier incarnent d’abord une inclusion universelle : ils s’adressent à toutes et tous, sans distinction, créant du lien social là où la vigilance génère de la méfiance. Ces dispositifs portent ensuite une logique de construction collective, visant à améliorer la vie commune par la coopération pour produire des projets, des solutions, des compromis démocratiques. Enfin, ils garantissent la transparence institutionnelle en s’inscrivant dans un cadre légal précis, avec des règles connues et des contre-pouvoirs, rendant des comptes aux citoyen·nes et aux élu·es.
Cette participation-là transforme positivement les territoires et renforce la cohésion sociale. Elle mérite d’être défendue et développée.
Les dérives d'un système de surveillance généralisée
Face à cette participation constructive, les collectifs de vigilance représentent un modèle opposé et dangereux. En érigeant la surveillance comme norme sociale, ils transforment chaque citoyen en auxiliaire de police et créent une société de défiance généralisée où le soupçon devient le mode de relation dominant. Cette approche repose sur une subjectivité discriminatoire profondément problématique : qui décide de ce qui est « suspect » ? Sur quels critères ? L’histoire nous enseigne que ces jugements portent invariablement sur l’apparence, l’origine, la classe sociale.
Au-delà de ces questions éthiques, ces dispositifs cultivent une illusion sécuritaire : ils ne résolvent aucun problème de fond, déplacent la criminalité, créent de faux sentiments de sécurité et détournent l’attention des vraies solutions. Plus grave encore, cette miliciarisation rampante franchit une ligne rouge démocratique quand des groupes privés s’arrogent des prérogatives de maintien de l’ordre.
Le symptôme d'un abandon politique
Cette dérive révèle un constat accablant : l’abandon de la police de proximité en 2003 a créé un vide que le secteur privé s’empresse de combler. Plutôt que de restaurer un service public de sécurité de qualité, les pouvoirs publics externalisent leurs responsabilités vers des dispositifs privés non contrôlés.
Cette privatisation déguisée constitue un double échec : échec sécuritaire, car elle ne traite pas les causes de l’insécurité ; échec démocratique, car elle substitue la surveillance citoyenne au débat public sur les politiques d’investissements dans les services publics.
Reprendre le contrôle de la participation citoyenne
Il est urgent de tracer une ligne claire entre participation démocratique et vigilance sécuritaire. Cette distinction n’est pas seulement théorique : elle conditionne l’avenir de nos démocraties locales.
Aux élus, nous demandons de cesser de cautionner ces dispositifs au nom de la participation citoyenne. La sécurité publique relève de leurs responsabilités, pas de la surveillance privée. Aux citoyens, nous proposons de réinvestir les vraies instances participatives : conseils de quartier, budgets participatifs, associations. C’est là que se construit l’intérêt général. Aux professionnels de la participation, nous appelons à défendre l’intégrité de nos pratiques contre cette récupération sécuritaire.
La participation citoyenne est trop précieuse pour être confisquée par la logique sécuritaire. Elle constitue un pilier de la démocratie qu’il faut protéger de ses faux amis. Car entre construire ensemble et surveiller ses voisins, il faut choisir : on ne peut pas faire les deux à la fois.
Vers des municipales 2026 vraiment participatives
Face à cette confusion entre surveillance et participation, les élections municipales de 2026 représentent une opportunité historique de réaffirmer les valeurs démocratiques authentiques. Plutôt que de céder aux sirènes sécuritaires, les candidats peuvent choisir de bâtir leur programme sur une participation citoyenne véritable : assemblées citoyennes pour co-construire les priorités locales, budgets participatifs pour impliquer la population dans les choix d’investissement, conseils de quartier renforcés pour créer du lien social. Ces outils numériques participatifs, éprouvés dans des centaines de collectivités, permettent de transformer les promesses électorales en engagement concret avec les citoyennes et citoyens. Car la légitimité démocratique ne se conquiert pas par la surveillance mutuelle, mais par l’inclusion de toutes et tous dans la construction de l’avenir commun.
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