Comment Marseille a rendu son budget participatif plus inclusif et efficace

Bertille Mazari

jeu 13 février 2025

La première édition du budget participatif de Marseille est un vif succès !

En s’appuyant sur des dispositifs « d’aller vers » importants et des outils numériques avancés comme Grist et Decidim, la ville a rendu la participation plus inclusive et fluide.

Retour sur une expérience innovante et ambitieuse.

Le Budget participatif de Marseille : entre innovation sociale et technologique

Le budget participatif s’est déroulé sur une période d’un an, du 23 novembre 2023 au 20 novembre 2024. Cette initiative a permis aux habitantes et habitants des arrondissements du nord de la ville – les 2e, 3e, 13e, 14e, 15e et 16e – de proposer, choisir et décider des projets à financer pour améliorer leur quotidien. La ville a alloué un budget de 1,5 million d’euros pour que les idées de ses citoyennes et citoyens prennent vie. Organisé autour de quatre grandes catégories (sport, culture, solidarité et entraide, nature en ville), ce budget participatif constitue un des premiers dispositifs participatifs d’ampleur pour la cité phocéenne où l’inclusion des citoyennes et citoyens a été au cœur de la démarche.

Une volonté d'inclusion et d'accessibilité

Le budget participatif marseillais visait à renforcer l’engagement citoyen, en particulier dans les quartiers populaires du nord de la ville. Pour cette première édition, la ville a mis en place une stratégie « d’aller vers » inédite, avec l’objectif de toucher un maximum d’habitantes et habitants et de collecter leurs idées. Plus de 900 propositions ont été déposées lors de la première phase de dépôt d’idées, grâce à une large mobilisation de la population marseillaise. Cette phase a été marquée par une trentaine de rencontres tout public dans les différents quartiers concernés, les associations, les centres sociaux, les centres-commerciaux etc, permettant de rencontrer directement les habitantes et habitants et d’échanger sur leurs besoins et attentes.

Un des points d’attention de cette démarche a été la prise en compte de tous les publics, y compris les plus jeunes. Á cet égard, la ville a imaginé un jeu ludique visant à simplifier et rendre attractif le processus de dépôt d’idées pour les enfants. Ce jeu, employé lors de moments spécifiques organisés dans les centres aérés pour récolter les idées des enfants, souligne cette volonté d’inclusion dans les dynamiques participatives.

Phase 2 : analyse et recevabilité des Idées

Après la collecte des propositions, la phase d’analyse et de recevabilité a pris le relais. Cette étape a consisté à étudier la faisabilité des idées soumises, tant d’un point de vue technique que juridique.

Les projets devaient répondre à des critères stricts :

L’objectif des services de la ville est de garantir que les projets soumis au vote citoyen assurent une durabilité dans leur impact sur le territoire.

Les équipes techniques de la ville ont ainsi œuvré pour étudier et fusionner les idées citoyennes et les transformer en projets soumis au vote. Cette phase a permis de concrétiser les propositions, tout en garantissant que seules les initiatives réalistes et pertinentes puissent être présentées à la population marseillaise.

De par l’expertise d’Open Source Politics dans l’accompagnement des budgets participatifs, nous savons que le processus d’analyse des propositions dans un budget participatif peut être complexe, car plusieurs services municipaux doivent collaborer pour évaluer la faisabilité et la recevabilité des idées. Les outils traditionnels comme les CRM ne sont pas suffisamment adaptés à cette tâche, rendant l’instruction des propositions longue et difficile. Pour répondre à cette problématique, Open Source Politics a déployé Grist, un logiciel open source innovant, pour la Ville de Marseille. Ce logiciel, bien adapté aux besoins de gestion de données transversales, permet une gestion fluide des informations et une collaboration efficace entre différents services.

Lors de la phase d’instruction du budget participatif, le logiciel Grist a facilité le travail de catégorisation et de tri des propositions. Grâce à l’outil, les 900 propositions ont été plus facilement triées et attribuées aux 20 services concernés. Grist a permis de filtrer les informations pertinentes pour chaque service, garantissant ainsi un gain de temps considérable.

Cette expérimentation à Marseille marque une avancée significative dans l’utilisation des logiciels libres pour la gestion des données publiques. À noter que l’outil est déjà utilisé par des collectivités comme Strasbourg et Malakoff, pour des projets répondant aux besoins de différents services métiers.

Phase 3 : le vote citoyen, une réelle innovation

La troisième phase, celle du vote citoyen, a été un moment important du budget participation. Au total, ce sont 45 projets prenant place dans les différents arrondissements qui ont été soumis au vote des habitantes et habitants. La plateforme de participation citoyenne Decidim a centralisé l’ensemble des votes, dans chacun des quartiers cibles, des agents de la ville sont allés vers les citoyennes et citoyens pour les aider à voter sur la plateforme afin de garantir une participation large et inclusive. Pour aller encore plus loin en matière d’engagement, des événements dédiés aux enfants ont également été organisés, leur permettant de prendre part au vote.

En tout, ce sont près de 10 000 personnes qui ont été rencontrées pendant la période de vote, et près de 4 000 ont activement participé au choix des projets. Ces chiffres témoignent de l’intérêt croissant de la population Marseillaise pour ce genre d’initiative participative, mais aussi de l’effort réalisé par la ville pour mobiliser un large public.

Des modules de vote innovants pour le budget participatif de Marseille

L’un des aspects intéressants de cette première édition du budget participatif de Marseille a été l’innovation technique mise en place pour garantir une expérience de navigation optimale et une sécurisation du vote plus importante.

La Ville a ainsi intégré deux modules de vote innovants :

L’authentification par SMS, qui permet de sécuriser l'identité des personnes votantes. En renseignant leur numéro de téléphone, les citoyens reçoivent un code unique par SMS, garantissant ainsi la probité du vote.
Le vote via code postal, qui permet à chaque personne renseignant son arrondissement, d'avoir accès à un isoloir de vote où il retrouve spécifiquement les projets proposés dans son arrondissement.

Ces outils ont permis de fluidifier l’expérience des internautes et d’encourager la participation, en rendant le vote plus accessible et sécurisé.

Les projets lauréats et leur mise en œuvre

À l’issue de la phase de vote, les projets les plus populaires ont été sélectionnés pour être financés. Chaque projet a bénéficié d’une enveloppe de 150 000 € et la ville s’engage à une mise en œuvre de ceux-ci sous deux ans. Ces projets lauréats couvrent une variété d’initiatives dans les domaines du sport, de la culture, de la solidarité et de l’entraide, ainsi que de la nature en ville. Parmi les projets retenus, on trouve des installations sportives, des animations culturelles, des espaces verts réaménagés, et des actions de solidarité pour renforcer le lien social entre les habitants.

Les dix projets sélectionnés

Dans l’ensemble des arrondissements concernés

Protégeons notre biodiversité – Catégorie « Nature en ville » – (1 299 votes)
Ce projet propose d’installer des nichoirs, abris à insectes et passages pour hérissons. L’objectif est de préserver la biodiversité urbaine dans l’ensemble des arrondissements du Nord de la ville.

Dans les 2e et 3e arrondissements

Des jardinières pour végétaliser le 2-3 – Catégorie « Nature en ville » (688 votes)
Installation de jardinières pour embellir les rues et places.
Aménagements sportifs – Catégorie « Sport » (600 votes)
Création de parcours de fitness et installation d’agrès sportifs dans 3 à 6 sites à définir avec les habitants et la mairie de secteur.
Aires de jeux inclusives – Catégorie « Entraide et solidarité » (589 votes)
Mise en place de jeux pour enfants au jardin des Hévéas, au jardin de Ruffi et au Centre d’animations et de loisirs Saint-Mauront (3e).

Dans les 13e et 14e arrondissements

Des parcs plus conviviaux – Catégorie « Nature en ville » (627 votes)
Ajout de mobilier urbain et espaces ombragés au parc du Grand Séminaire (14e), au parc Athéna (13e), au jardin Jean-Jaurès (14e) et au jardin de la Marie (13e).
Faire du sport près de chez soi – Catégorie « Sport » (541 votes)
Aménagement d’agrès sportifs dans plusieurs sites définis avec les habitants.
Parcours aventure à Font Obscure – Catégorie « Nature en ville » (463 votes)
Installation d’une tyrolienne et d’un parcours sportif pour enfants au parc de Font Obscure (14e).

Dans les 15e et 16e arrondissements

Traverses piétonnes – Catégorie « Entraide et solidarité » (430 votes)
Réhabilitation de cheminements piétons pour relier les quartiers à pied dans plusieurs tronçons des 15e et 16e arrondissements.
Parcs vivants pour petits et grands – Catégorie « Nature en ville » (390 votes)
Ajout d’agrès et de jeux pour enfants dans les parcs Brégante, de l’Oasis (15e) et de la Pelouque (16e).
Promenade le long du canal – Catégorie « Culture » (371 votes)
Aménagement de parcours piétons sécurisés et d’espaces d’information le long du canal de Marseille.

Une première édition prometteuse

Cette première édition du budget participatif de Marseille est un véritable succès en matière de participation et d’innovation. Deux ans après la mise en place de son Conseil municipal des jeunes, Marseille fait un pas de plus vers une démocratie locale plus inclusive, où chaque habitante et habitant a la possibilité de prendre part à des projets qui façonnent son environnement.

Bien sûr, des améliorations sont possibles pour les prochaines éditions. L’objectif étant de mieux informer la population, de rendre le processus encore plus accessible, et de renforcer l’impact des projets sur le long terme. Mais cette première édition est un modèle à suivre pour d’autres villes françaises, en particulier celles qui cherchent à dynamiser la participation citoyenne et à renforcer leur engagement envers les territoires populaires.

La Ville de Marseille a ainsi posé les bases d’un projet de démocratie participative à l’échelle locale, un projet qu’il conviendra de suivre de près dans les années à venir.