L’Alsace doit-elle redevenir une région à part entière ? Le débat remonte à la création de la région Grand Est en 2016. Une première consultation citoyenne – sans support numérique – avait déjà soumis au vote la question, sans pour autant modifier les rapports de force politiques. Nouvelle tentative de la Collectivité Européenne d’Alsace en 2022 avec une plateforme en ligne Decidim. Articulée aux dispositifs en présentiel, elle a permis de donner toute l’ampleur nécessaire à la démocratie locale et régionale.
Consultation citoyenne sur l’avenir de l’Alsace : les faits et chiffres
“L’Alsace doit-elle sortir de la région Grand Est pour redevenir une région à part entière ?”. Telle était la question exacte posée aux Alsaciens du 22 décembre 2021 au 15 février 2022. Ils pouvaient s’exprimer soit en ligne via la plateforme de démocratie participative de la Collectivité Européenne d’Alsace, soit par courrier ou encore dans l’une des urnes disséminées sur le territoire.
La consultation a recueilli 153 844 votes après contrôles : 125 046 par voie électronique, 14 735 par courrier et 14 063 via les urnes. Avec 92% des suffrages exprimés, le “oui” l’a très largement emporté.
Open Source Politics a ainsi accompagné la Collectivité Européenne d’Alsace dans le déploiement numérique de cette consultation citoyenne. Nous n’en étions pas à notre coup d’essai avec cette plateforme, ouverte depuis septembre 2021. Elle avait en effet déjà accueilli plusieurs démarches participatives à destination des citoyens alsaciens, organisant par exemple la possibilité de déposer sa candidature au Conseil de Développement de la Collectivité, nouvelle instance citoyenne encadrée par la loi, menant des réflexions sur l’évolution des politiques publiques.
Une plateforme numérique au service d’une démocratie locale de la confiance
Cette mission d’accompagnement, porteuse d’enjeux politiques forts, fut pour nous l’occasion de contribuer à un processus participatif mû par l’esprit de “démocratie numérique de la confiance”, vision que nous partageons. Ainsi, Frédéric Bierry, président de la Collectivité Européenne d’Alsace, rappelait son projet en décembre 2021, dans un article du Figaro : “lors des régionales en Alsace, on est passé de 60 % de votants en 2015 à 30 % en 2021. Il faut redonner du souffle à la démocratie avec de nouveaux outils”. Mais, la volonté politique ne suffit pas, il s’agit aussi d’une question de méthode.
La Collectivité Européenne d’Alsace est allée au bout de ce raisonnement en le traduisant par des choix techniques sur la plateforme : n’importe quel visiteur pouvait participer à la consultation citoyenne, sans obligation de s’inscrire. La consultation était à destination des personnes, de manière très large, “déclarant […] avoir leur attache” en Alsace. Le questionnaire mis en place récoltait néanmoins plusieurs informations pour garantir un contrôle des votes a posteriori : le nom, le prénom, la date de naissance, l’adresse email, le code postal.
Ce dispositif témoigne donc d’une posture rare, celle d’une confiance accordée aux citoyens. La collectivité a voulu favoriser au maximum la participation et l’accessibilité de la démarche et ne conserver qu’un minimum de barrières pour permettre au plus grand nombre de donner son avis.
Ce choix représentait un challenge pour notre équipe qui rassemblait des compétences de conseil et des compétences d’analyse de données. Nous avons dû concevoir de nouvelles méthodes d’investigations pour permettre le contrôle a posteriori des votes : il a permis d’éliminer tout doublon ou fraude, en assistant l’étude d’huissier de justice retenu pour le décompte final. Le pari a été tenu puisque seuls 13 000 votes ont été exclus sur la base d’un traitement et d’une analyse des données très fine, permettant d’atteindre le chiffre de 125 046 bulletins électroniques. Avec un total de 153 844 votes comptabilisés, la part du vote numérique représente ainsi plus de 80% des suffrages exprimés.
Decidim, un projet technopolitique
Ce genre de consultation à enjeu politique pose à nouveau la question de la technopolitique, à l’origine du projet Decidim. En effet, la participation citoyenne en ligne implique que les choix techniques revêtent également une nature politique. La vision que promeut la démocratie de la confiance fonctionne dans les deux sens : à la confiance accordée aux citoyens pour leur participation répond la confiance qu’ils accordent à l’institution qui leur propose un dispositif de démocratie numérique.
A ce titre, l’emploi d’un logiciel libre comme Decidim constitue un choix technopolitique. L’ouverture et l’accessibilité de son code permettent de rendre visibles et compréhensibles les choix politiques (sur le plan des principes démocratiques et des procédures) et de ne pas fragiliser la sincérité du dispositif pour ne pas entamer la confiance des participants.
En savoir plus : Proclamation des résultats