Du 18 au 23 octobre, un quart de l’équipe était à Barcelone pour le Decidim Fest 2021, la grand-messe de la communauté Decidim où tous les gens qui font avancer le logiciel au quotidien se retrouvent en présentiel (sauf en 2020, évidemment). C’est le moment de se rappeler pourquoi on fait ce qu’on fait, et de se remémorer la charge politique de ce travail.
De nombreuses conférences se déroulaient au Canòdrom, un magnifique bâtiment d’hébergement de courses canines réhabilité en lieu dédié aux innovations démocratiques de la ville de Barcelone.
Nous sommes intervenus à deux reprises :
- Pauline et Virgile pour présenter le travail réalisé sur les pétitions en ligne du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Voir le streaming
- Baptiste sur la thématique du respect de la RGPD dans le cadre de la démocratie numérique. Voir le streaming ici
Nous vous avons fait une sélection d’extraits que nous avons trouvés éclairants, intrigants ou simplement dignes d’intérêt pour nos débats actuels. On vous met également les liens pour pouvoir revoir les interventions 😉
- Ernesto Oroza nous a fait découvrir El Paquete Semanal, pour illustrer l’histoire du contournement de la censure d’internet à Cuba. Des habitant.e.s ont ainsi créé un dossier numérique de contenus culturels à télécharger, ce qui permettait – et permet encore – à la population de regarder des films malgré la faible pénétration et les interruptions régulières d’internet dans le pays.
- Pour Carlos Diaz, il y a un risque que des pays utilisent la situation sanitaire pour justifier la surveillance massive, affectant particulièrement les personnes politiquement radicales, les migrants et les activistes.
- Joana Moll a présenté plusieurs de ses projets, qui visent notamment à mettre en place d’autres manières de mettre en forme des ressources et de les utiliser. Elle souligne que n’importe quelle appli de base peut disposer de n’importe quelle donnée personnelle, qui sont parfois des données très sensibles (Grindr sait par exemple si ses utilisateurs ont le SIDA). Elle conclue en disant qu’il est impossible que ces entreprises changent seules pour plus d’éthique dans la gestion des données : l’exploitation des données représentant 80 à 90% du CA de Google et Facebook (un peu moins pour Amazon, environ 2/3), c’est trop pour espérer les inciter à changer.
- Pour Oliver Escobar, l’un des instigateurs de la Convention citoyenne pour le climat écossaise, il y a plusieurs manières de voir les contraintes placées par les dispositifs de participation : s’il n’y a pas de contrainte institutionnelle imposée par le cadrage du dispositif en lui-même, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de contraintes politiques que l’on peut mettre en place afin de peser sur les politiques publiques.
- Carol Romero a annoncé une excellente nouvelle pour toute la communauté Decidim : un installer sera bientôt disponible ! Il permet de faciliter l’installation de Decidim pour quelqu’un qui ne connait pas grand chose à la stack technique Ruby on Rails. Enjoy !
- Pour Lulú Barrera et le réseau d’activistes féministes dont elle fait partie, s’approprier les outils pour qu’internet soit un espace transformateur des normes de genre est une priorité absolue. Au Mexique où elle réside, les femmes luttent à la fois en ligne et hors ligne, ce qui nous a rappelé les modes de lutte du 15M en 2011 en Espagne. Ce travail d’appropriation leur a permis de ne pas arrêter de lutter avec le Covid, mais cela a également autorisé une diversification et une démocratisation de la légitimité de la voix féministe.
- Anasuya Sengupta a expliqué à l’assistance l’impératif de décolonisation d’internet, en le fondant par exemple sur le fait que la majorité du contenu est en anglais. L’un des plus gros projets numériques, par exemple, a été la numérisation de livres (par Google Books). Le problème, c’est que seulement 7% de la connaissance sous forme de langage est sous format livre. Elle concluait en disant que pour construire l’internet de tout le monde, il faut que tout le monde mette la main à la pâte !
- Joan Donovan examinait l’influence des algorithmes des réseaux sociaux et nous a posé une question très pertinente vu l’actualité de ces derniers mois : devons-nous considérer Facebook et Twitter comme des places publiques ou comme des produits ? Et si on les aborde comme des produits, comment devons-nous considérer le problème des propos haineux sur ces plateformes ?
- Cheikh Fall a présenté les projets qu’il mène depuis près de dix ans dans toute l’Afrique. Son objectif principal a toujours été de garantir la transparence, l’accès à l’information des citoyens, et de permettre à la société civile d’être des vigies. De 2012 à 2018, la création d’AfricTivistes a permis le lancement de #GuinéeVote, #BéninVote, #TogoVote, #BurkinaVote, #MaliVote… pour encourager les jeunes à participer à la transparence des processus électoraux. Il travaille donc tous les jours à l’éducation des citoyen.ne.s africain.e.s pour faire émerger un nouveau type de citoyenneté qui aurait un rapport différent avec la République, avec la démocratie.
- McKenzie Wark, en conclusion de la journée du jeudi, expliquait les 4 types d’attention d’Yves Citton (loyauté, projection, alerte et immersion). Pour elle, les structures qui exploitent notre attention ont intérêt à encourager certains types d’attention, provoquant un déficit dans les autres. Ce déséquilibre entraîne alors des réactions négatives, notamment des réactions de paranoïa. Elle souhaitait ainsi pointer la nécessité de réfléchir à une réelle écologie de l’attention qui mettrait en avant un véritable équilibre entre ces quatre types, nécessitant une régulation stricte des services visant la captation de l’attention.
Allez voir les interventions en entier, elles en valent le coup !
Comme à chaque édition, c’était l’occasion pour la communauté de se retrouver de creuser les chantiers en communs, de revoir nos homologue finlandais, espagnols mais aussi en rencontrer de nouveaux venant d’Italie et de Suisse.