Une assemblée citoyenne nancéienne

Une assemblée citoyenne nancéienne

Début 2023, la ville de Nancy organisait la seconde édition de son assemblée citoyenne. Cette année la thématique principale était l’espace public. Pendant 4 mois, des réunions, ateliers et formations ont rythmé la vie citoyenne des participant·es qui ont finalement délivré un rapport au conseil municipal et amendé la constitution municipale sur la participation. Retour sur cette démarche ambitieuse et prometteuse. 

Une assemblée citoyenne, qu’est-ce que c’est ?

Avant de se plonger dans le cas d’étude de la ville de Nancy, voici une présentation succincte de ce qu’est une assemblée citoyenne.

Une assemblée citoyenne est un dispositif participatif réunissant un panel représentatif d’un groupe donné et qui conduit à une délibération. C’est en alternant des phases de formation à des sujets précis et des phases de délibération en groupes que les citoyen·nes restituent collectivement des recommandations aux organismes de gestion en place. Les citoyen·nes sont, de fait, considéré·es comme légitimes à la réalisation à la fois d’un diagnostic mais aussi de recommandations tant ces personnes sont directement impactées par l’issue des décisions.

L’assemblée citoyenne de Nancy

La ville de Nancy a organisé en 2020, déjà avec la contribution d’Open Source Politics, sa première assemblée citoyenne. Elle avait pour mission de : 

  • Définir les nouveaux conseils de quartier.
  • Concevoir le fonctionnement du budget participatif (BP).
  • Réfléchir à de nouvelles méthodes et de nouveaux outils de participation citoyenne.

À l’issue de ces différents travaux de réflexion, l’assemblée a rédigé la constitution municipale qui offre une orientation sur la réglementation de la démocratie participative à Nancy. Suite à cette première édition, le 19 avril 2021, un conseil municipal extraordinaire a adopté cette constitution et voté en faveur de la pérennisation et du renouvellement de l’assemblée citoyenne.

Retour sur cette deuxième édition

C’est dans la continuité de la décision du conseil municipal que s’est tenue la seconde édition de l’assemblée citoyenne de Nancy (ACN), portant cette fois sur l’espace public de la ville. L’assemblée avait pour objectif de délivrer un rapport au conseil municipal. Une thématique secondaire proposait aussi une réflexion sur les instances de participation nancéiennes – ACN, Ateliers de Vie de Quartier (AVQ) et BP – afin d’aboutir à un amendement de la constitution municipale sur les instances démocratiques. 

Cette assemblée était composée de trois collèges différents de participant·es :

  • un premier collège composé de volontaires ayant répondu à l’appel à participation ;
  • un second constitué de personnes tirées au sort sur les listes électorales ;
  • et un troisième regroupant les représentant·es des AVQ. 

Soit pour ces trois collèges un total de 130 personnes. 

À ce stade, il est important de souligner que dans le cadre de ce type de démarche participative, l’engagement des personnes participantes est difficile à solliciter et maintenir sur la durée. Cela, pour différentes raisons dont la disponibilité, la légitimité, le coût d’opportunité sont les facteurs principaux. Pour aller plus loin sur cette thématique, la première édition de la revue OSP Explore rend compte de ces différents défis.

À la lumière de ces risques de faible mobilisation et répondant à un besoin alors largement discuté dans les sphères académique et pratique de la participation citoyenne, la municipalité de Nancy avait mis en place une indemnisation de déplacement pour les participant·es. Après attestation d’émargement, les participant·es recevaient une indemnisation, à hauteur de 20€, pour chacune des réunions auxquelles ces personnes avaient assisté. Bien que cette indemnisation ait été mise en place, il a été constaté à l’issue de cette deuxième édition que le nombre de participant·es avait diminué au fil des sessions. En effet, lors de la dernière séance, seule une cinquantaine de personnes étaient présentes. Il semble alors que l’indemnisation financière n’a pas été un facteur unique et décisif pour garantir une mobilisation sur la durée. Il est à noter que parmi les personnes les plus régulièrement présentes, il y ait eu une certaine supériorité des personnes issues des collèges de volontaires et des représentant·es des AVQ. Ce qui a favorisé des discussions autour de sujets très spécifiques relatifs aux AVQ. Cela pose donc la question du format d’une assemblée citoyenne et de la manière dont il est possible d’articuler la présence de différentes entités pour favoriser une parité dans les échanges et la mobilisation.

Le rôle d’Open Source Politics

L’ACN s’est déroulée entre mars et juin 2023. Toutefois, un travail préparatoire en amont a été nécessaire pour définir et mettre en place le dispositif. Pour cela notre équipe a mobilisé trois consultant·es : Adrien Rogissart, Bertille Mazari et Giulia Cibrario pour la conduite, la gestion et l’animation de ce projet. Dès le mois de janvier, notre équipe en collaboration avec le comité de pilotage de la ville de Nancy a travaillé sur l’élaboration de l’ACN, en affinant les différents objectifs globaux respectifs aux deux thématiques, en définissant le calendrier des réunions et en amorçant le travail d’idéation des réunions et ateliers. 

C’est alors en s’adaptant au cahier des charges formalisé par la ville de Nancy qu’Open Source Politics a construit cette démarche participative en prenant en compte les caractéristiques théoriques et matérielles propres à cette assemblée citoyenne. Après avoir défini le déroulé des réunions avec la municipalité, cette dernière nous a indiqué les différents lieux au sein desquels se tiendraient les différentes réunions en présentiel. Il s’agissait alors pour notre équipe de composer et d’adapter au mieux les différents rythmes et formes de travail aux configurations des salles par exemple. En effet, la manière dont nous envisageons la tenue d’une ACN est un processus qui se décompose en plusieurs étapes clés. Les différentes configurations des lieux de réunion favorisent différents formats d’ateliers, d’échanges, ou de plénières. Il s’agit donc de trouver un juste équilibre entre les conditions matérielles et les ressources humaines mises à disposition et un processus établi.

Le déroulé de l’assemblée citoyenne de Nancy

Le 4 mars 2023, la première réunion a réuni l’ensemble des participant·es en visioconférence. Ce choix a été motivé par la volonté de ne pas solliciter une présence physique alors qu’il s’agissait tout d’abord d’une présentation des différentes temporalités, acteurs et objectifs de l’ACN. Toutefois, cela est resté exceptionnel puisque l’ensemble des 7 autres réunions se sont tenues en présentiel dont une en hybride. 

Le 18 mars 2023 a marqué le début des échanges et une phase d’acculturation aux modèles de discussion et d’interaction qui allaient rythmer la démarche. Après une courte synthèse des résultats liés au questionnaire sur les instances de participation de Nancy diffusée aux membres de l’assemblée, le travail a pu commencer. Pendant trois heures, l’assemblée était répartie aléatoirement en plusieurs groupes de travail qui ont partagé, discuté, délibéré et rapporté leurs différentes propositions au reste de l’assemblée. Un vote de confiance a alors été effectué pour chacune des propositions qui seront étudiées ultérieurement pour un amendement de la constitution municipale.  

Les sessions du 1er et 15 avril ont amorcé la réflexion autour de la thématique de l’espace public. Les objectifs de ces deux sessions étaient de donner les moyens à l’assemblée de se saisir de la notion d’­« espace public ».

La complexité et les dimensions multiples que recouvre cette notion induisait une séquence d’acculturation. Il s’agissait donc de structurer un parcours de formation et de réaliser un travail de définition des enjeux associés à Nancy. Un partage d’expérience entre personnes expertes, praticiennes, élues et agentes de la municipalité et de la métropole a alors permis à l’assemblée de formuler des propositions sur les enjeux liés à l’espace public nancéien. Au terme de ces formations, échanges et travaux, les différents groupes de l’ACN ont proposé différentes résolutions et zones afférentes qui ont ensuite été votées en plénière. 

Le 13 mai était dédié à un travail d’approfondissement et de précision des trois résolutions et cinq zones votées lors de la séance précédente. Aussi, après une courte phase de formation aux outils de la démocratie participative, les différents groupes de travail ont également été invités à apposer à leur résolution un outil de concertation à mettre en place auprès de la population de Nancy.

Les 2, 3 et 15 juin ont ensuite permis de clôturer les travaux de l’assemblée citoyenne de Nancy, notamment en constituant et en votant le rapport sur l’espace public qui sera présenté à l’automne 2023 au conseil municipal, puis en amendant la constitution municipale sur la participation citoyenne. 

Et après ?

Cette deuxième édition de l’ACN a confirmé la complexité de mener deux thématiques de travail de front. Néanmoins, la participation est restée constante avec en moyenne 70 personnes présentes à chacune des réunions. Ce qui montre un certain engagement sur la durée de la part des participant·es volontaires tout en soulignant l’enjeu d’une mobilisation plus assidue d’un public plus large. De plus, lors de la dernière session, un comité de suivi s’est constitué et présentera un rapport au conseil municipal plus tard dans l’année. Dans la continuité de la constitution municipale, le comité de suivi s’assurera de la pérennisation de cette instance de participation. 

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IA, communs et participation citoyenne

IA, communs et participation citoyenne

L’IA n’était autrefois que dans les coulisses, aidant à recommander des films ou des publicités. Aujourd’hui, avec des modèles comme GPT et Llama, et des outils comme ChatGPT et Midjourney, l’IA devient plus visible et plus adaptable à nos besoins.

Chez Open Source Politics, Decidim et la communauté de la participation citoyenne numérique, nous réfléchissons à la manière d’adapter cette technologie à nos dispositifs démocratiques. Ce n’est pas une question facile, et nous voulons inclure l’ensemble des utilisateurs et utilisatrices de Decidim dans cette discussion.

Afin de discuter de ce sujet, nous avons organisé un webinaire le mardi 12 septembre dont voici le replay. Bon visionnage !

Le graphisme de ce repaly est tout nouveau et préfigure de la nouvelle identité graphique qui sera utilisée à partir d’octobre sur l’ensemble de nos supports de communication. Nous l’aimons beaucoup et on espère que vous aussi 😉

Pour ne pas rater nos prochains webinaire, inscrivez-vous à notre newsletter mensuelle

Le manifeste d’Open Source Politics

Le manifeste d’Open Source Politics

Nous voulons continuer d’habiter cette planète ensemble.

Nous avons une responsabilité que nous ne prenons pas à la légère. En l’espace d’une génération, les terres où vivent actuellement des centaines de millions d’êtres humains et des milliards d’autres êtres vivants seront submergées ou rendues durablement inhabitables par le réchauffement climatique. Dès aujourd’hui, il devient difficile de reconnaître la véracité d’une information ou la provenance humaine d’un contenu en ligne. Aucun précédent historique ne nous rassure sur la résilience pacifique de nos sociétés face à ces bouleversements irréversibles, d’une violence extrême et d’une rapidité inouïe. Nous opposons à ces constats une conviction profonde : nous n’atteindrons pas des résultats radicalement différents si nous ne prenons pas nos décisions très différemment.

Nous analysons que l’élection, une fois tous les cinq ans, de personnalités représentant le plus petit dénominateur commun parmi les suffrages exprimés n’est qu’une version dégradée de l’exercice de notre souveraineté populaire. En réponse, nous promouvons une démocratie ouverte et continue, au bénéfice de la participation effective des plus larges publics à toutes les échelles et dans tous les types d’organisations. Nous agissons en contribuant au financement et au développement de communs numériques, en nous appuyant sur les recherches en sciences humaines et sociales, avec l’ambition de tendre vers la neutralité carbone de notre activité économique et la préservation d’un environnement de travail sain et épanouissant.

Nous avons toujours rejeté le solutionnisme des plateformes, pour lui préférer la technopolitique, c’est-à-dire un usage critique et stratégique des outils numériques pour élaborer et appliquer les décisions publiques et privées indispensables pour la justice sociale et climatique. Nous doutons parfois du sens et de la portée de toutes ces consultations citoyennes, qui nous animent au quotidien autant que nous les animons. Nous avons créé Open Source Politics au printemps 2016 au cœur d’un mouvement porteur d’espoir pour un renouveau démocratique qui ne s’est pas pleinement réalisé et a trop souvent été dévoyé par des mascarades. Nous avons appris en chemin, au contact de dizaines d’organisations dans le monde entier, quelles sont les conditions d’une participation réussie et les méthodes pour décider autrement.

Nous observons le vent contraire des forces croissantes qui concentrent les pouvoirs, épuisent les ressources, remettent en cause les libertés, creusent les inégalités et divisent les sociétés. Nous réagissons en nous investissant dans le champ du politique avec l’état d’esprit de hackers constructifs, en qualité de partenaire fiable pour les institutions publiques et de relais de confiance pour les participants qui aspirent à être considérés avec sérieux et sincérité. Nous nous formons en entreprise ESS parce que nous restons convaincus que l’expérience démocratique mérite d’être vécue, que la philosophie de l’open source a déjà gagné mais ne le sait pas encore, et parce que nous voulons continuer d’habiter cette planète ensemble.

Gardons le contact

10e rencontre du Club Decidim francophone

10e rencontre du Club Decidim francophone

La rencontre 2023 du Club des utilisatrices et utilisateurs francophones de Decidim aura lieu le 6 octobre à Paris, à l’Urban Lab, dans les locaux d’Open Source Politics.

C’est un moment essentiel de la vie d’Open Source Politics et plus globalement de la communauté francophone de Decidim, alors nous comptons sur votre participation !

Programme de l’événement

Lors de cette journée, nous vous proposerons des conférences et ateliers d’approfondissement autour de vos démarches, des enjeux de la participation citoyenne et de Decidim. Vous aurez l’occasion de rencontrer d’autres membres du monde de la participation citoyenne open source et d’échanger autour de thématiques et enjeux communs.

Accueil — salle de l’auditorium (au rez-de-chaussée à gauche)

  • 9 h 30 – 10 h : Accueil et petit déjeuner
  • 10 h – 10 h 45 : Introduction sur les actualités d’Open Source Politics
  • 11 h –12 h : Actualités Decidim et présentation de la nouvelle feuille de route ouverte.
  • 12 h 15 – 13 h 30 : Pause repas et échanges entre pairs
  • 13 h 30 – 14 h 45 : De nouveaux outils pour répondre aux nouveaux besoins de la participation citoyenne. Ce sera l’occasion pour nous de vous présenter les outils que nous avons récemment intégrés à notre offre de service.
  • 15 h – 16 h : Plénière sur les organisations apprenantes, le logiciel libre et la médiation numérique. Cette partie sera présentée par Emmanuelle Roux, cofondatrice du Chaudron.io, ex-membre du Conseil National du Numérique et chevalière de l’ordre national du Mérite.
  • 16 h 30 : Conclusion de la journée

Cette journée vous permettra :

  • d’apprendre les dernières nouveautés sur Decidim ;
  • de rencontrer d’autres personnes intéressées par la participation citoyenne ;
  • et partager vos expériences.

Inscrivez-vous dès maintenant ! L’inscription est gratuite mais obligatoire. Pour vous inscrire, rendez-vous sur le site du Club Decidim francophone.

Nous espérons grandement vous retrouver pour cette journée centrée sur la participation citoyenne. En attendant, retrouvez le bilan de la rencontre 2022 où était intervenu Sébastien Shulz, docteur/enseignant en sociologie et initiateur du collectif pour une société des communs. Il était venu nous parler de sa thèse « Transformer l’État par les communs numériques : Sociologie d’un mouvement réformateur entre droit, technologie et politique (1990-2020) ».

Toute l’équipe d’Open Source Politics vous souhaite une belle rentrée !

La participation à l’Université de Caen Normandie

La participation à l’Université de Caen Normandie

Journaliste vie de campus et chargé d’aide au pilotage démocratie participative à l’Université de Caen Normandie, Arthur Le Coz supervise aujourd’hui les concertations de l’Université au support d’une plateforme Decidim éditée par Open Source Politics. 

Durant son mandat de vice-président étudiant du regroupement des universités et des établissements d’enseignement supérieur en Normandie, Arthur Le Coz a déjà pu mettre en place des assises de la vie étudiante à l’échelle régionale. Son poste à l’Université de Caen a été créé à l’occasion de son recrutement, durant la crise sanitaire, reflétant alors le souhait de la nouvelle équipe de direction de mettre en place des processus de démocratie participative afin d’associer davantage la communauté à l’élaboration de schémas directeurs ou de plans pluriannuels. 

L’université en quelques chiffres

  • 13 campus
  • 6 villes
  • 3 départements
  • 33 000 étudiant.e.s

Peux-tu nous dresser un  état des lieux des démarches participatives jusqu’ici menées par l’université ? A qui s’adressent ces démarches ? 

Nous avons mis en place plusieurs concertations sur Decidim. Tout d’abord une concertation sur le projet d’établissement (c’est-à-dire le contrat quinquennal de l’université). Cette concertation concernait l’ensemble de la communauté universitaire : les étudiant·es, le personnel administratif, les enseignant·es-chercheur·euses, les chercheur·euses invité·es. Nous avons ensuite expérimenté un premier budget participatif, cette fois à destination seulement des étudiant·es. Au printemps 2022 nous avons mis en place une concertation sur le dispositif “Sciences avec et pour la Société”. Cette concertation s’inscrit dans le prolongement du projet d’établissement d’ouverture de la recherche à la société. A l’automne 2022 nous avons lancé une concertation qui s’adresse à l’ensemble de la communauté de l’université sur un thème d’actualité : la sobriété énergétique ! Enfin, nous avons initié début 2023 le deuxième budget participatif étudiant, cette fois en doublant le budget ! Avec un peu plus d’un an de recul sur nos démarches participatives, cela va être l’occasion pour nous de nous reposer les bonnes questions, de prendre en compte les données et de réfléchir sur la manière dont on peut améliorer les choses. 

Quels sont les différents modes de recueil de la participation des étudiants à l’Université de Caen Normandie ?

En tant qu’établissement de formation et de recherche nous avons plusieurs outils de sondage : on utilise limesurvey sur certains sujets (par exemple sur les problèmes d’addiction, le sport ou la santé). Nous organisons aussi des temps d’échange directement sur les campus sans recours à l’outil numérique. Nous avons également l’ensemble de nos instances, où des étudiant·es sont élu·es : à l’échelle de l’université, mais aussi de nos unités de formation et de recherche (UFR). Dans le cas du schéma directeur de la vie étudiante, nous venons de mettre en place une concertation en ligne pour que les dates des rencontres soient disponibles mais l’essentiel de la participation se fait de manière physique. L’outil numérique vient compléter ce qu’on fait en présentiel avec pour objectif d’ouvrir un espace de propositions après ces temps de rencontres. 

L’université de Caen Normandie est un établissement pluridisciplinaire qui s’étend sur 13 campus dans 6 villes, et sur 3 départements différents. Les problématiques ne sont pas les mêmes sur les différents campus car il y a notamment des différences dans l’accès au soin, les moyens de transport, ou encore l’accès à la culture.

Des personnes qui sont en charge de la vie étudiante vont directement sur les différents campus et échangent avec tous les acteurs (étudiant·es, personnes engagées ou associations étudiantes).

Des ateliers en présentiel comprennent une présentation du schéma directeur, puis des temps d’échanges informels avec les étudiant·es en petit groupe. Ce sont les élus qui viennent recueillir la parole et animent les temps d’échange.

Pourquoi avez-vous fait le choix d’un budget participatif ?

On a voulu expérimenter un budget participatif à destination des étudiant·es car la concertation sur le projet d’établissement concernait l’ensemble de la communauté de l’Université, sur l’ensemble des aspects que couvre un établissement d’enseignement supérieur comme la recherche ou le développement international (ce qui est un champ très large à moyen et long terme sur lequel il peut être difficile de se projeter).
Nous avons lancé cette année une deuxième édition du budget participatif étudiant : alors que le premier budget s’élevait à 30 000 euros, cette seconde édition double le budget à hauteur de 60 000 euros. 

Quelle est la différence entre le projet d’établissement quinquennal et le budget participatif ? 

Lorsqu’on associe la communauté universitaire pour établir un projet d’établissement, les propositions sont soumises à un arbitrage politique qui vérifie la cohérence des propositions avec l’ensemble du plan d’action. Quand on est sur un exercice comme celui d’un schéma directeur sur 3, 4 ou 5 ans, l’étudiant·e va avoir du mal à se projeter, et c’est normal ! En effet, la personne ne va pas forcément assister à la concrétisation des lignes directrices co-décidées.
La participation à un budget participatif est différente car les participant·es vont pouvoir assister concrètement à la réalisation des projets avant la fin de leur cursus universitaire. Par exemple, parmi les 3 projets lauréats du premier BP, l’un d’entre eux demandait des actions concrètes de lutte contre la précarité menstruelle. Il a rapidement été réalisé par l’installation de distributeurs de protections hygiéniques sur l’ensemble de nos campus (voir article sur la lutte contre la précarité menstruelle).  

Le budget participatif fonctionne avec un budget issu de la Contribution Vie Étudiante et de Campus (CVEC) qui correspond à une taxe de 95 euros que paient les étudiant·es chaque année. Notre responsabilité est que les étudiant·es puissent comprendre comment est utilisée cette taxe et qu’ils puissent bénéficier des investissements conséquents. Le budget participatif répond à ces enjeux, il leur permet de directement s’exprimer sur leurs besoins, puis de les prioriser par le vote et enfin d’avoir rapidement un “retour sur investissement” de cette taxe qui est un véritable impôt. Le résultat : les étudiant·es sont davantage mobilisés sur le budget participatif, qui est plus concret et qui permet de se projeter à court terme.

Quelles pistes d’amélioration as-tu déjà identifié pour le prochain budget participatif ?

Nos seuls relais sur le terrain sont pour le moment les associations étudiantes. Nous n’avons pas encore de relais direct sur les campus mais ceci va se structurer très prochainement à travers la création d’un bureau de la vie étudiante et le recrutement d’un·e chargé·e de mission vie étudiante rattaché·e à la direction générale des services. Un levier pertinent que nous n’avons pas encore actionné sur le budget participatif c’est aussi le recours à des emplois étudiants en tant qu’ambassadeur du budget participatif. 

Quels freins à la participation étudiante as-tu pu identifier ?

Les aspects multi-campus et multi-territoire constituent un frein important. Cela se traduit notamment dans les propositions du budget participatif qui portent surtout les 2 ou 3 principaux campus de l’université c’est-à-dire ceux qui accueillent le plus d’étudiants. A l’inverse, seule une petite volumétrie de propositions est issue de petits campus ou de campus situés hors de la ville de Caen. Pourquoi ? Le sentiment d’appartenance à l’université varie fortement en fonction de la localisation du campus, selon que celui-ci soit localisé dans la ville de Caen ou en dehors.
Ce frein n’a pas su être surmonté par les stratégies de “faire venir”, jusqu’alors préférées aux stratégies “d’aller vers”. Nous tâcherons de faire évoluer cela prochainement. 

Toi qui a une casquette de communiquant, quelle stratégie de communication as-tu mis en place pour ces différentes démarches ? Qu’est ce qui a bien fonctionné selon toi et qu’est ce qui n’a pas fonctionné ? 

Quand on est dans une université nous avons un contexte assez différent de celui d’une collectivité territoriale. Un des avantages est que l’on dispose de l’ensemble des adresses mail et que les étudiant·es les consultent assez régulièrement. Les mails sont des outils qu’on peut utiliser ponctuellement et qui sont utiles : dès qu’on envoie un mail, sur les 24h qui suivent on constate un trafic assez important sur les concertations. On fait surtout de la communication sur les réseaux sociaux et d’autres outils internes, comme notre newsletter étudiante. Notre stratégie de communication s’appuie donc sur les outils numériques. Le meilleur conseil que je pourrais donner, au-delà d’utiliser des affiches et des posts sur les réseaux, c’est d’avoir du temps d’échange en présentiel. Dans ce sens, on gagnerait à avoir des personnes ambassadrices (issues des associations étudiantes ou des référent·es vie de campus), qui aideraient les étudiant·es au détour d’un café à émettre leurs idées sur la plateforme numérique. 

Enfin, mettre en place un dispositif de participation hybride (c’est-à-dire un dispositif de participation en ligne et hors ligne) permet de toucher tout le monde. Chacun·e ayant des moyens d’échanger et d’interagir différents, il est important d’être multi-canal. Cela est autant vrai pour une démarche participative que pour une stratégie de communication.

Quels conseils donnerais-tu à une université souhaitant lancer une première démarche de participation ? 

Faire un bon benchmark et échanger avec d’autres universités ! D’une université à l’autre on observe des problématiques et des méthodologies différentes, mais il y a aussi des similitudes. On ne peut pas se contenter de calquer ce qui se fait dans une collectivité territoriale, il faut s’inspirer des expériences spécifiques des autres universités pour trouver sa propre méthode. 


Crédits photos :

  • Portrait d’Arthur Le Coz par ©Direction de la communication de l’université de Caen Normandie
  • Photo du groupe étudiant par © Lina Prokofieff
Un commun numérique pour un commun naturel 

Un commun numérique pour un commun naturel 

En janvier 2023 Eau de Paris lance avec l’aide des équipes d’Open Source Politics son premier budget participatif sur la plateforme de participation open source Decidim ! Une démonstration de la manière dont la gestion d’un commun naturel peut s’appuyer sur un commun numérique. Cette ouverture à la contribution des citoyens peut être considérée comme un premier pas vers une gouvernance collective d’un commun tout en posant la question de la valeur émancipatrice vis-à-vis des libertés civiques, politiques et collectives qu’une telle démarche est susceptible de porter. 

De la gouvernance d’un commun numérique…

Les communs, tant dans leur dimensions théorique que pratique, sont aujourd’hui devenus une notion investie de manière plurielle qui envisage des formes d’organisation offrant un cadre de pensée et d’application alternatif à la notion de propriété privée ou étatique. Dans la préface de “Propriété et communs. Idées reçues et propositions”, Benjamin Coriat dépeint les communs comme étant un moyen de sortir du monopole dualiste du marché ou de l’État. Par conséquent, on passe d’une notion de propriété exclusive à celle de la propriété inclusive. Cela, par une gouvernance du commun qui implique de la délibération de la communauté de citoyens qui la compose. “En introduisant de la délibération dans la gestion des ressources partagées, le commun garantit à la fois un progrès de la démocratie et les conditions de préservation de la ressource contre son épuisement précoce. Démocratie et Écologie: le commun est au centre des deux grands défis majeurs de ce siècle”

Ainsi, en sollicitant la pensée de B. Coriat, il est ici posé en tant qu’acception générale que les différentes réflexions sur les communs proposent de nouvelles approches pour les relations aux biens, à la démocratie ou encore à l’environnement. C’est en prenant en compte l’ampleur que comprennent ces trois différents champs d’étude qu’il s’agit ici d’interroger ces rapports aux biens, à la démocratie et à l’environnement dans le cas de la mise en place d’un budget participatif par Eau de Paris sur un bien commun numérique Decidim. 

Ce cas d’usage relève d’un intérêt particulier tant il associe deux acteurs entretenant une relation étroite à un commun, Eau de Paris étant gestionnaire de l’eau parisienne et Decidim étant lui-même un commun numérique favorisant une participation citoyenne démocratique. Dans leur histoire et leur mode de fonctionnement, ces deux entités sont liées à des structures municipales. Ce rapport à une instance publique pose alors la question de la possibilité d’existence de réalisation d’un commun qui selon l’acception de B. Coriat est en fait une alternative au marché et à l’État. De par la manière dont elles entrent en résonance sur certains points, et le projet du budget participatif auquel elles sont associées, Eau de Paris et Decidim permettent alors une réflexion sur la manière dont un commun naturel peut-être géré par un commun numérique avec un focus sur l’essence d’un commun au sein duquel il existe des implications d’instances publiques.

à la gestion collective d’un bien commun naturel

Avant de se plonger dans le cas du budget participatif d’Eau de Paris, il semble nécessaire de brièvement définir ce qu’est un bien commun et ce pourquoi il est généralement accepté qu’il doit être géré et maintenu de manière collective.
Un commun, ou “bien commun”, désigne une ressource ou un ensemble de ressources partagées collectivement par une communauté ou une société. Cette notion répond donc à trois prérogative indissociables qui sont : 

  • Une ressource collective définie
  • Une collectivité déterminée
  • Un mode de gouvernance collectif 

C’est donc son usage et sa structure de référence qui qualifie un bien ou un service comme commun et non pas sa nature. Au sein des communs réside toutefois une distinction exposée par Elinor Ostrom. Elle dissocie les biens communs non-exclusifs et rivaux et les biens communs non-exclusifs et non-rivaux. La différence réside dans le fait que des biens communs non-exclusifs et non-rivaux n’empêchent pas leur consommation par une autre personne. Tel est le cas pour le bien commun numérique de participation Decidim, son utilisation par une entité ne prive pas une seconde ou x autres entité de l’utiliser. En revanche, dans le cas des bien communs non exclusifs rivaux, sa consommation d’une unité par une entité empêchera une autre de l’utiliser parce que celle-ci ne sera pas plus disponible. Par exemple, le bien commun qu’est l’eau est une ressource finie et est donc considérée comme tel. 

Le cas d’usage d’Eau de Paris et Decidim

Qui est Decidim ?

Decidim (qui signifie « nous décidons » en catalan) est une plateforme numérique pour une démocratie continue et participative. Decidim est né en 2016 sous l’impulsion de la Mairie de Barcelone qui souhaite développer une infrastructure numérique lui permettant de co-construire son plan d’action municipal. La communauté Decidim est maintenant une association qui à pour objectif d’être indépendante et de s’auto-gouverner. En effet, une grande majorité des financements de Decidim sont d’ordre public, comment rester indépendant lorsque des implications si fortes sont présentes ? Sébastien Schulz, dans sa thèse Transformer l’État par les communs numériques : sociologie d’un mouvement réformateur entre droit, technologie et politique, montre que les membres de la communauté Decidim essayent “d’instituer l’autonomie d’une communauté théorique par le droit (A), qu’ils cherchent ensuite à structurer une communauté réelle à l’extérieur de l’administration (B) et enfin de stabiliser cette dernière et la relation qu’elle entretient avec le “secteur public” dans le temps (C) ». Ainsi, dans les statuts de l’association, il est indiqué qu’aucune instance publique ne peut devenir membre afin de préserver toute indépendance. De plus, par un contrat entre Barcelone et l’association Decidim, il va s’opérer un transfert de la propriété publique Barcelonaise à la propriété commune Decidim. Sebastian Schulz conclut la discussion sur l’indépendance de Decidim vis-à-vis de la municipalité en exprimant le fait que bien que des initiatives aient été prises pour se préserver de toute relation de dépendance, le lien entre Barcelone et Decidim reste très fort.

Le cas de Decidim montre de manière parlante la manière dont il est complexe de mettre en œuvre un commun excluant tout lien avec une instance publique dans ce cas précis. Le commun au sens de B. Coriat, vu ci-avant, n’est alors pas tout à fait représenté par Decidim. Mais au-delà de savoir si cela remet en cause l’existence de Decidim en tant que commun, il est possible d’interroger la possibilité d’un commun qui soit tout à fait indépendant du marché ou d’une instance publique en étant tout de même une alternative réelle à ce monopole dualiste. 

Qui est Eau de Paris ? 

Parce que cela ne coule pas de source 😉, il semble ici pertinent de contextualiser la genèse de l’entreprise publique Eau de Paris. En effet, son histoire permet de comprendre et saisir les enjeux qu’elle défend et les engagements dans lesquels elle s’inscrit. 

Eau de Paris est une régie municipale qui est responsable de la gestion et de la distribution de l’eau potable dans la ville de Paris. Cette entité est chargée d’assurer l’approvisionnement en eau de qualité pour les habitants, les entreprises et les institutions de la capitale. La création d’Eau de Paris en 2008 acte la remunicipalisation de la gestion de l’eau parisienne qui avait alors été déléguée à deux entreprises privées. 

Bien que la remunicipalisation ait représenté un coût conséquent de 30 millions d’euros s’est avérée être profitable sur le long terme puisqu’en 2016, elle a conduit à un bénéfice de 44 millions d’euros. Cela en maintenant une baisse des prix pour les usagers par rapport à ceux appliqués par le précédent mode de gestion. Cette remunicipalisation est notamment portée par une volonté d’une exigence démocratique et de transparence dans la gestion de la ressource. 

Le budget participatif d’Eau de Paris

Rappel : un budget participatif, qu’est-ce que c’est ? 

De l’ancien français « bougette » qui signifie un « sac servant de bourse ». Il s’agit d’un processus de conception et d’affectation des finances publiques sur un territoire donné. Né en 1989 à Porto Allègre au Brésil ce dispositif allie la participation et la délibération par le dépôt d’idées et le vote. Le budget participatif permet au citoyen de prendre part de manière active à la vie de la cité en contribuant à une partie de l’allocation budgétaire. Une telle démarche permet de restaurer un lien de confiance entre élus et citoyens en mettant en place un dispositif de participation qui garantit le respect des engagements pris par toutes et tous. Depuis une dizaine d’années, les budgets participatifs se développent à travers le monde, en 2020, 170 budgets participatifs se sont tenus à travers la France. L’essor de ce dispositif s’explique notamment par le développement de logiciels de participation numérique libre ou privés. En effet, 70% de la participation au budget participatif se fait numériquement. L’enjeu numérique est donc particulièrement présent pour les entités souhaitant mettre en place ce dispositif. 

Le choix d’une gouvernance ouverte

Eau de Paris à fait le choix de s’engager dans une gouvernance ouverte sur la société civile avec un modèle de gestion transparent. Aussi, dans la continuité de cette orientation, elle souhaite davantage renforcer le lien avec les usagers d’Eau de Paris en les invitant notamment à participer à l’allocation d’une enveloppe budgétaire. C’est dans cette perspective qu’Eau de Paris à fait appel à Open Source Politics pour déployer leur plateforme de participation Decidim. Le choix de Decidim s’explique par le caractère libre et open source du logiciel, la communauté qui la compose et la transparence démocratique qu’il propose. La participation et la contribution à un bien commun ont été déterminantes dans cette décision. Ainsi, c’est une première en France qu’un bien commun naturel, l’eau soit, sur un champ très précis délimité en amont, géré sur un bien commun numérique, Decidim. 

Le budget participatif d’Eau de Paris est d’une enveloppe de 250 000€ qui s’adresse à l’ensemble des personnes vivant ou travaillant à Paris. Elles sont alors invitées à déposer des idées selon différentes thématiques : 

  • Accès à l’eau potable dans la ville et rafraîchissement
  • Eau potable et sport/loisirs
  • Eau potable et solidarité (accès à l’eau potable pour les plus précaires, canicule)
  • Eau potable et alimentation durable
  • Economie d’eau potable
  • Education à l’eau et à l’environnement

Un exemple pionnier

La phase de dépôt d’idées est un succès avec 53 propositions déposées sur la plateforme Decidim. Après que les services d’Eau de Paris aient étudié la faisabilité des différents projets, les habitants et travailleurs de Paris ont la possibilité de voter pour leurs projets favoris. Eau de Paris devra réaliser les projets lauréats dans la limite de l’enveloppe budgétaire disponible. 

Cet exemple pionnier dans la gestion de la ressource eau permet d’acculturer les usagers à prendre part à une telle responsabilité dans l’action collective pour la gestion d’un commun. Bien que, cela s’exerce dans un espace relativement limité et ne donne pas encore lieu à une prise de décision des usagers au sein des instances de gouvernance, cette initiative laisse espérer un développement de ces pratiques en faveur d’une gouvernance plus ouverte et composée de collèges différents pour la protection des communs. 

Ce cas d’usage permet de mettre en valeur à la fois les modalités de création et de gestion d’un commun tel que Decidim et la manière dont un commun naturel s’en saisit pour initier l’ouverture d’une gouvernance partagée. Bien que les difficultés d’indépendances vis-à-vis des instances publiques persistent, ce cas d’usage n’invalide pas la perspective d’une alternative au modèles existant de marché ou état. En effet, l’association Decidim à montré qu’il est possible d’effectuer une propriété publique pour une propriété commune. De plus, cela permet d’ouvrir la discussion quant à la nécessité d’une gouvernance et d’une gestion d’un commun par un autre commun numérique dans ce cas, de manière à favoriser une transparence et ainsi une confiance au sein de la communauté. 


Crédit photos : plaque du bâtiment d’Eau de Paris par Jean-François Gornet de Paris, France, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons et logo d’Eau de Paris par ©EAU DE PARIS.

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