L’invasion des comptes spam sur les plateformes de participation en ligne

L’invasion des comptes spam sur les plateformes de participation en ligne

En attendant une hypothétique invasion extraterrestre, il y en a une en cours, très concrète : les comptes spam pullulent en effet sur les plateformes de participation en ligne. Si d’autres types de plateformes sont également touchés (coucou 👋 Elon), les civic ou govtech le sont particulièrement, les moteurs de recherche appréciant beaucoup les plateformes institutionnelles… Explications.

De quoi parle-t-on ?

Les plateformes de participation citoyenne en ligne mises en place par des acteurs publics sont de plus en plus la cible d’acteurs malintentionnés qui créent des comptes spams et  publient parfois des messages indésirables sur leur plateforme. Dans cet article, nous revenons sur les origines de ce problème malheureusement bien courant sur internet et sur les solutions que nous avons développées pour y répondre.

Un compte spam typique
Un commentaire indésirable

Pour quoi faire ?

Les acteurs en question utilisent des programmes ou des services automatisés pour créer des liens vers leur site web pour en optimiser le référencement naturel. En effet, plus un site reçoit de liens entrants venant de domaines à forte autorité, plus il apparaît haut dans les résultats de recherche

En automatisant la création de liens vers leur site, il remonte dans les résultats de recherche.

Il s’agit d’une pratique très répandue chez les adeptes du “Black Hat SEO”. Le “Black Hat SEO” fait référence à un ensemble de procédés et d’automatisations dont le but est d’exploiter les failles des algorithmes de référencement afin de manipuler les résultats de recherches. Ces techniques peuvent s’avérer très efficaces à court terme jusqu’à ce que les algorithmes soient mis à jour. Elles sont en général pratiquées par des entreprises spécialisées, peu recommandables, agissant à la frontière de la légalité.

Un phénomène répandu

Sur Internet

Les comptes spams ne sont pas un problème nouveau sur internet. Ils sont d’abord apparus avec l’adoption massive des emails puis se sont vite propagés sur les réseaux sociaux. Régulièrement des études montrent qu’un pourcentage significatif de l’utilisation d’internet est lié aux activités de spam (60% des emails, 8% des comptes instagram en 2015 etc.). 

Il n’est pas étonnant que tout une industrie se consacre à proposer des solutions à ce problème. Le géant américain Cloudflare, qui offre une large palette de solutions visant à sécuriser les sites web, est évalué à plus de 35 milliards de dollars et gère plus de 10% du trafic mondial devenant ainsi une mesure approximative de l’activité des spams sur internet. 

Si aujourd’hui votre boîte de réception email n’est pas remplie de spam, c’est essentiellement parce que toute une batterie de brillants ingénieurs ont développé des algorithmes suffisamment sophistiqués pour trier automatiquement le flux de mails entrants que vous recevez.

Sur les plateformes de participation citoyenne

Ces dernières années, un nombre croissant de collectivités et d’institutions ont ouvert des plateformes participatives. Après quelques années d’exploitation, elles sont devenus des cibles de choix pour ceux qui pratiquent le “Black Hat SEO” pour trois raisons : 

  • Les noms de domaine qu’elles utilisent ont une forte notoriété (ex : senat.fr, paris.fr) et permettent de remonter rapidement dans les résultats ;
  • Ce sont des sites webs dynamiques qui perdurent dans le temps ;
  • Il est possible sans restriction de se créer un compte et de publier des messages.

Les différents éditeurs ont beau chercher à se protéger avec différentes solutions comme les captcha, rien n’y fait : les comptes spam trouvent toujours le moyen de se créer un compte. 

Ci-dessous, quelques échantillons tirés des principaux éditeurs de plateformes participatives. A titre d’information, nous ne vous montrons ici que les exemples les plus politiquement corrects.

Le problème est si répandu que la plupart des éditeurs font le choix de brider les fonctionnalités de recherche sur leur plateforme pour éviter qu’ils soient trop facilement découvrables. En effet, sur Cap Collectif et Citizen Lab les barres de recherche permettant de rechercher des utilisateurs sont le plus souvent désactivées. D’autres font carrément le choix de ne pas proposer de profil utilisateurs publics ou de les rendre non cliquables.

Ce n’est pas une raison pour paniquer

Chez Open Source Politics, nous avons choisi de ne pas brider les fonctionnalités de recherche du logiciel libre Decidim. Nous trouvons regrettable de limiter les possibilités de découverte et d’exploration des usagers de nos plateformes. 

Afin de rassurer nos clients, nous avons progressivement constitué une FAQ.

Le problème porte-t-il préjudice à la participation sur la plateforme ?

Non, la participation n’est pas impactée par la création de ces comptes. Par définition, les comptes spam sont pour la plupart des comptes inactifs, leurs créateurs n’ont aucun intérêt à participer à des démarches lancées sur la plateforme. En revanche, certains de ces comptes se permettent de déposer un ou deux commentaires à certains endroits, par exemple dans les commentaires des propositions. Ces commentaires sont immédiatement repérés et modérés. Cette pratique reste très marginale néanmoins.

Existe-t-il des risques de piratage ou de fuite de données liées à ces comptes ?

Non. Il s’agit de comptes utilisateurs standard. Une inquiétude légitime pourrait subsister concernant les utilisateurs qui pourraient cliquer sur des liens qui renvoient un site dangereux. Heureusement dans sa dernière version Decidim propose un écran intermédiaire qui avertit l’utilisateur lorsqu’il clique sur un lien externe à la plateforme.

La modale qui s’affiche au clic d’un lien externe publié par un utilisateur non admin.

Est-il possible de bloquer ces utilisateurs ?

Oui. Sur Decidim, à partir de la version stable 0.24, il est possible de bloquer un utilisateur.

Le nombre d’utilisateurs affiché sur la barre de recherche globale tient-il compte des comptes spam ?
Oui, les résultats de recherche référencent tous les utilisateurs qui ont créé un compte, dont les spams. En revanche, la statistique mise en avant sur les pages d’accueil et dans les espaces de concertation ne comptabilise que les participants effectifs, qui ont réalisé au moins une action sur la plateforme. Il est préférable de s’y référer.

Comment y remédier ?

Nous ne sommes pas pour autant fatalistes, des solutions existent et permettent de traiter ce problème et nous les appliquons.

Un problème connu de la communauté Decidim

C’est un phénomène bien connu de la communauté : un fil de discussion y est consacré sur le dépôt Github, ce qui permet aux développeurs d’apporter des solutions complémentaires à ce problème protéiforme. La dernière version stable de Decidim apporte notamment une solution de long terme en ajoutant un attribut “no-referrer” sur les liens sortant afin qu’ils ne contribuent pas à améliorer le référencement des sites qui se livrent à ces pratiques.

Ce que nous faisons chez Open Source Politics

La solution proposée par Decidim rend inutile à terme les pratiques de “Black Hat SEO”. En revanche, à très court terme, nos clients sont toujours confrontés à la problématique. De nombreux comptes spam sont visibles sur leur plateforme et certains renvoient parfois vers des sites frauduleux ou affichent des photos de profil pour le moins suggestives.

Notre solution basée sur l’apprentissage automatique (machine learning)

Notre équipe technique a développé un programme qui utilise un algorithme d’apprentissage automatique et qui réalise des pondérations sur les informations du profil afin de déterminer s’il peut s’agir d’un compte spam. 

Après une phase d’entraînement du modèle avec des données anonymisées, nous sommes maintenant capables d’attribuer une probabilité de spam à un compte créé sur Decidim en nous basant sur les informations renseignées et son activité.

En parallèle, nous avons développé une tâche automatisée sur Decidim qui chaque jour communique avec l’algorithme et permet automatiquement de signaler tous les comptes dont la probabilité est supérieure à 70% et de les bloquer quand elle est supérieure à 99%.

Diagramme fonctionnel de notre tâche automatisée contre les spams

De cette façon, non seulement nous empêchons les comptes spam de publier sur votre plateforme mais ils n’apparaissent plus sur votre plateforme. 

L’administrateur est notifié chaque jour du nombre de comptes signalés et bloqués, il peut alors se rendre dans le back-office pour traiter les comptes signalés. Quand ils sont bloqués, les utilisateurs reçoivent une notification email. Un email de contact leur est communiqué en cas d’erreur, l’administrateur peut alors rétablir leur compte à tout moment.

Exemple d’email envoyé par la tâche automatique

Cette technologie a été déployée sur les plateformes les plus affectées par les comptes spams et nous avons pu constater des résultats plus que satisfaisants. 

  • Elle a permis de bloquer des milliers de comptes spams qui parasitaient par leur présence et leur contributions les instances Decidim de nos clients. 
  • Ces dernières bénéficient maintenant d’une protection permanente contre les comptes spams puisque notre tâche automatique effectue une vérification journalière.

Notre solution de captcha accessible

La tâche automatique de détection des spams règle le problème des comptes spam seulement en aval, une fois que le spam a déjà infiltré la plateforme. Pour plus d’efficacité, nous souhaitions mettre en place un CAPTCHA afin de rendre l’inscription plus difficile pour des robots ainsi traiter le problème en aval. Ne souhaitant pas utiliser la solution offerte par Google, qui en plus d’être propriétaire ne respecte pas les standards d’accessibilité, nous avons développé un captcha 100% textuel basé sur le projet open source Act as text captcha. Au moment de l’inscription les utilisateurs se voient posés une question simple pour un humain mais difficile pour un robot (ex : “Parmi les mot suivant lequel est un animal : chat, courgette, carotte, bureau ?”). 

La page d’inscription de la plateforme Decidim du Département Loire Atlantique

Conclusion

Les pratiques de “Black Hat SEO” évoluent en permanence et sont toujours plus sophistiquées. Apporter des réponses à cette problématique nécessite une approche évolutive et diversifiée. C’est face à ce type de situation que nous sommes heureux d’avoir fait le choix de contribuer à un logiciel libre et open source composé d’une large communauté. Les travaux des uns profitent aux autres et permettent de répondre de manière satisfaisante aux challenges les plus ardus.

Notre approche basée sur l’apprentissage automatique ayant montré de bon résultats nous avons fait le choix de l’intégrer par défaut et sans surcoût, ainsi que notre CAPTCHA textuel, pour tous nos clients utilisant notre version générique de l’application Decidim à partir de la version 0.25. Nous allons continuer d’améliorer notre modèle, notamment grâce à un partenariat avec des étudiants de l’INSA Lyon dans le cadre du programme T4G. Comme à notre habitude, nos sources sont disponibles sous licence AGPLv3 sur Github, n’hésitez pas à venir contribuer : 

L’inclusion numérique – un enjeu d’importance pour la participation

L’inclusion numérique – un enjeu d’importance pour la participation

Dans un contexte de défiance institutionnelle, de nombreux espoirs s’appuient sur le numérique. Les civic tech ont ainsi pour ambition de renforcer l’engagement citoyen et la participation. Toutefois, 13 millions de Françaises et Français ressentent des difficultés avec les usages de l’internet. Ce contexte pourrait vite venir freiner le développement des civic tech. Comment garantir l’inclusion des publics éloignés sur les outils numériques de participation citoyenne ? Ce paradoxe était au centre des échanges de la table-ronde « Inclusion numérique – un oubli de la participation » lors des Rencontres Nationales de la Participation de Mulhouse.

Le numérique et la participation citoyenne

Animé par David Prothais, administrateur de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne, le débat a réuni :

  • Emma Ghariani- Co-directrice de La Mednum
  • Virgile Deville – Directeur Produit, Co-fondateur d’Open Source Politics
  • Anne-Claire Dubreuil – Directrice de projet transformation numérique chez Sicoval

Les intervenant·e·s ont notamment souligné l’importance d’associer médiation numérique et participation citoyenne dans le but de réduire les inégalités d’accès au numérique. En effet, la participation en ligne se veut libre et ouverte mais se doit d’être accessible au plus grand nombre. Toutefois, il convient de noter qu’à l’heure actuelle, les civic tech sont encore loin de toucher le grands publics et que leurs participant·e·s présentent des profils sociologiques assez homogènes. A cela s’ajoute des biais sociologiques potentiellement introduits directement dans le code informatique par les développeur.e.s. Dans le secteur du développement informatique, on retrouve encore très majoritairement des hommes d’un niveau d’étude élevé et provenant de classes sociales privilégiés. Les civic tech doivent donc porter une grande attention à ce phénomène. Dans le cas contraire, les modèles développés seront non-inclusif et de facto non-démocratiques.

L’inclusion numérique au coeur du projet de Decidim et d’Open Source Politics

Depuis sa création, Open Source Politics attache la plus grande importance à inclure un large public dans ses missions. Dans cet esprit, nos équipes mettent tout en oeuvre pour simplifier le parcours utilisateur·trice et améliorer l’accessibilité de la plateforme. Open Source Politics s’attache également à adapter la communication de ses plateformes aux différents publics. Pour nos partenaires, nous produisons des contenus Facile à lire (FAL) à destination des utilisateur·trice·s.

Une session d’utilisateur représenté

Il convient également de noter que Decidim est conforme à la norme Web Accessibility Initiative (WAI). Le législateur français s’est aligné sur les directives européennes pour le Référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RGAA). L’accessibilité à la plateforme fait l’objet de la plus grande attention par la communauté Decidim.

Decidim est un projet qui milite pour la création d’espaces numériques inclusifs. Des fonctionnalités ont été pensées avec cette problématique en tête. Par exemple, les utilisatrices et utilisateurs représenté.e.s permettent à une administratrice ou un administrateur de consigner une contribution « en tant que » afin de rendre visible sur la plateforme les contributions de publics éloignés du numérique.

Pour lutter contre les biais de genre introduits directement dans le code, l’association Decidim a mis en place le DecidmFemDev Program qui octroie des bourses aux femmes et personnes non-binaires souhaitant contribuer au développement de Decidim.

L’exemple d’Emmaüs Solidarité

L’instance Decidim d’Emmäus Solidarité

A titre d’illustration, Open Source Politics a accompagné l’association EMMAÜS Solidarité dans la mise en œuvre d’une consultation interne pour déterminer les orientations stratégiques de l’association. La plateforme recense 284 inscrit·e·s, 74 propositions et 12 rencontres. Par ailleurs, l’association Emmäus Solidarité a également lancé deux enquêtes : une pour les salarié·e·s, bénévoles, adhérent·e·s et une pour les personnes accompagnées. Dans cet esprit, les organisatrices et organisateurs ont utilisé la fonctionnalité « Utilisateur représenté » lors des rencontres avec des personnes accompagnées. Nos consultant.e.s ont participé à plusieurs de ces rencontres pour assister en personne les publics éloignés qui souhaitait contribuer. Les résultats ont permis d’alimenter les travaux avec des contribution diverse reflétant les différentes parties prenantes d’Emmäus et de contribuer à l’élaboration de la stratégie de l’association pour la période 2020-2025.

L’inclusion numérique, un éco-système d’acteurs

10% de la population française exprime des difficultés avec l’internet, ça fait beaucoup !

Emma Ghariani, Co-directrice de la Mednum

En effet ! Et c’est pour cette raison qu’à Open Source Politics, nous sommes sociétaires depuis plusieurs années de la La MedNum, une SCIC dont l’Etat est également actionnaire et qui rassemble les professionnels de l’inclusion en co-organisant chaque année Numérique en Commun[s]. Au contact de cet écosystème, nous apprenons énormément et nous nous tenons au courant des services qui se développent et qui peuvent apporter des solutions.

De son côté, la puissance publique s’engage de plus en plus pour l’inclusion numérique. Les fonds publics ont été décuplé ces dernières années, passant de quelques centaines de milliers d’euros à 250 millions, faisant de l’inclusion numérique un enjeu de société auquel une réponse d’envergure doit être apportée. Grâce à cela, de nouveaux projets voient le jour, l’écosystème de l’inclusion se développe. On peut notamment citer les pass numériques d’#APTIC qui permettent de financer des formations dans des milliers de Tiers-Lieux en France et Aidants Connect, une startup d’État lancée pour accompagner les publics en difficulté dans leur démarches en ligne. Un Kit d’intervention rapide recense de nombreux documents et supports pour faciliter l’accompagnement des personnes éloignées de l’informatique par des professionnels de la médiation numérique.

Open Source Politics est fière de prendre part à ce mouvement pour une démocratie ouverte et inclusive.

Decidim a 4 ans 🎂

Decidim a 4 ans 🎂

Toute l’équipe d’Open Source Politics souhaite un joyeux anniversaire à Decidim ! Le chemin parcouru par cette communauté en si peu de temps est impressionnant. Retour sur notre rencontre avec ce commun numérique hors normes.

Decidim c’est …

L’écosystème Decidim

Decidim c’est bien plus qu’un dépôt de code sur Github, rentrons dans les détails :

  • Decidim c’est un projet technopolitique d’approfondissement et de transformation de la démocratie participative à travers la conception et la mise en œuvre d’une plateforme numérique.
  • Decidim c’est un projet fondé sur des principes d’égalité, de transparence, de traçabilité et d’intégrité de la donnée qui a placé l’éthique au centre de sa démarche. Si ce n’est pas déjà fait lisez le contrat social.
  • Decidim fournit des garanties démocratiques indispensables à tout projet #civictech grâce aux grands principes qui sont à la base de son architecture
    • 1️⃣ Ouvert à la collaboration
    • 2️⃣ Transparence, traçabilité, intégrité
    • 3️⃣ Des garanties de qualité démocratique
    • 4️⃣ Vie privée et sécurité
  • Decidim est un véritable bien commun numérique gouverné démocratiquement et constitué d’un un réseau international :
    • 🔧 d’entreprises innovantes qui, comme Open Source Politics, contribuent au code source et accompagnent le déploiement et l’utilisation de l’outil
    • 🧱 d’institutions qui utilisent et financent l’évolution du logiciel
    • 💡 de chercheurs qui analysent sous tous les angles son impact sur la société
    • 🙋‍♀️ de citoyens qui contribuent au projet ou sur les démarchent mises en place

Decidim et Open Source Politics, la rencontre

Decidim est dans la pleine lignée des objectifs et des valeurs qu’Open Source Politics s’était fixé à sa création en 2016. Quand Virgile Deville, notre responsable produit, en a entendu parlé pour la 1ère fois à une conférence Smart City organisée par la ville de Lyon et Le Monde ce fut de suite une évidence.

Le cas d’usage sur lequel le logiciel a été lancé il y a 4 ans est venu terminer de nous convaincre. Decidim a effet été lancé pour servir à la co-construction du plan d’action municipal de la ville de Barcelone qui servirait pour toute la mandature. Plus de 40 000 citoyens ont participé à ce processus massif. Cette démarche participative reste une des innovations démocratiques les plus marquantes du secteur civic tech.

L’adoption par notre équipe

Peu après nous prenions la décision de concentrer tous nos efforts sur Decidim en :

Notre équipe est responsable de presque un tiers des instances en production de Decidim.

Un paris gagnant

Aujourd’hui nous sommes heureux de voir que Decidim s’impose comme standard pour la mise en oeuvre de démarches participatives numériques en France, en Europe et à l’international. Il est utilisé par des institutions de toute taille, des collectivités territoriales à la Commission Européenne en passant par le Sénat et l’Assemblée Nationale.

Parlements numériques : adapter les institutions démocratiques aux réalités du 21e siècle

Parlements numériques : adapter les institutions démocratiques aux réalités du 21e siècle

The coronavirus crisis should be a catalyst for institutionalising the use of digital tools in parliament

Cet article est une traduction réalisée par Open Source Politics de l’article publié sur le Medium « Participo », une publication de l’OCDE. Pour consulter l’article original de Paula Forteza, cliquez ici.

Depuis le début de la crise du coronavirus, les processus législatifs sont au point mort en raison de l’éloignement physique. De nombreux législateurs testent actuellement des technologies qui permettront à leurs institutions démocratiques de se réunir, de délibérer et de voter malgré ces mesures restrictives. Nous devons profiter de cet élan pour être ambitieux en termes de procédures législatives participatives et collaboratives. Comment ? En institutionnalisant l’utilisation des outils numériques au Parlement avec les mesures de sécurité et de protection de la vie privée nécessaires.

Les technologies numériques pour assurer la continuité démocratique pendant la crise

L’Assemblée Nationale a introduit des solutions temporaires pour préserver le débat parlementaire en utilisant des applications de vidéoconférence pour les délibérations en commission. Toutefois, le vote législatif se fait toujours en personne et n’est possible que pour un nombre très limité de députés. Ce choix de maintenir le fonctionnement des institutions principalement sur le plan physique s’explique par des raisons à la fois historiques et techniques : sincérité du vote, sécurité, tradition, etc.

Notre parlement est en retard dans la modernisation de ses processus, contrairement, par exemple, aux parlements d’Amérique latine qui sont pionniers dans ce domaine. Outre l’utilisation d’applications de vidéoconférence, les parlements du Brésil, du Chili et de l’Équateur ont développé leurs propres plateformes et solutions en ligne pour l’enregistrement des présences, la vérification du quorum et le vote. Dans au moins six autres pays d’Amérique du Sud – Argentine, Colombie, Costa Rica, Honduras, Jamaïque et Mexique – les organes législatifs ont commencé à expérimenter la participation virtuelle, en l’appliquant à des espaces non décisionnels tels que les groupes de travail ou les réunions de commissions. En Europe des pays comme le Royaume-Uni ou l’Espagne avancent plus vite que nous. Nous devrions suivre ces exemples.

En France, l’un des arguments les plus courants contre la numérisation du parlement, est qu’elle affaiblira l’aspect « cérémonial » de la délibération parlementaire. On fait valoir que la numérisation pourrait menacer les devoirs symboliques des députés et leur poids politique vis-à-vis des autres branches du pouvoir, y compris l’exécutif. Une autre raison peut être le manque de culture et de compétences numériques au sein du parlement français. Une étude récente a montré que seuls 5,37 % des députés se considéraient comme des experts du numérique, 10,23 % comme des connaisseurs et 12,65 % comme des enthousiastes.

Pour parvenir à un parlement numérique, il faudrait également recruter des profils techniques et du matériel adapté dans les deux chambres. En ce qui concerne les préoccupations au niveau politique, la doctrine doit évoluer. Les parlements numériques sont peut-être moins solennels que les procédures traditionnelles, mais cette horizontalité est bénéfique et peut rapprocher les élus de leurs citoyens.

La protection des données personnelles, la sécurité et l’accessibilité sont les conditions pour un parlement numérique

Je ne plaide pas pour une course aveugle à la numérisation : bien sûr, il y a certaines limites à l’introduction d’outils numériques dans la prise de décision institutionnelle. Par exemple, Zoom a été fortement critiqué en raison du manque de clarté des politiques de protection des données personnelles, du manque de sécurité et des violations des données personnelles.

Si l’on considère le vote à distance, plusieurs questions de sécurité se posent, comme la fraude par exemple. L’utilisation des outils numériques au Parlement est confrontée à d’autres défis, comme une bande passante Internet inégale, des problèmes techniques (mauvais son, problèmes de connexion, etc.), ainsi qu’une culture et des compétences numériques inégales. Toutefois, cela ne signifie pas que nous devons cesser de moderniser les organes législatifs. Au contraire, nous devrions aborder et résoudre ces problèmes qui ont été rendus plus visibles grâce à des mesures d’éloignement physique.

Outre les défis techniques, l’utilisation des outils numériques exige des normes élevées en matière de confidentialité des données, de cybersécurité et de décentralisation. Tout d’abord en appliquant le règlement général européen sur la protection des données, ainsi que des garanties plus strictes contre la surveillance gouvernementale et l’utilisation abusive des données personnelles.

En outre, les solutions web libres et open source devraient être la norme en matière d’outils numériques, tant dans les institutions que dans les administrations publiques. Par exemple, les applications de vidéoconférence décentralisées de poste à poste telles que Jitsi ou Big Blue Button peuvent constituer une excellente alternative à Zoom ou Google Meet.

Plus largement, les civic tech peuvent nous aider à poursuivre la délibération citoyenne en période d’éloignement physique, à condition qu’elles soient ouvertes, éthiques et répondent à un besoin réel. À titre d’exemple, j’ai utilisé à plusieurs reprises la plateforme Decidim pour établir un dialogue avec et entre les citoyens. Pendant la crise COVID-19, j’ai lancé avec 65 autres députés la plateforme « Le jour d’après« , où les citoyens pouvaient proposer, délibérer et voter sur des idées pour décider collectivement de la direction à prendre après la crise.

Les technologies numériques peuvent soutenir des démocraties plus résiliantes, plus innovantes et plus vivantes

Les mesures de confinement ont montré l’urgence d’adapter nos institutions et processus démocratiques pour en assurer la continuité, même en temps de crise. Aujourd’hui, près de 79 % des Français interrogés ont un sentiment négatif à l’égard de la politique. Au-delà de la réponse à l’urgence, de telles évolutions techniques – et culturelles – pourraient contribuer à renforcer la confiance des citoyens dans les élus et les institutions en favorisant la participation, la transparence et la responsabilité.

Il existe une myriade d’exemples, d’outils et de méthodes pour soutenir la modernisation et l’ouverture de nos parlements, par exemple en publiant les agendas des parlementaires et leurs dépenses, en assurant la transparence du lobbying au sein du parlement ou en faisant participer les citoyens à l’élaboration des lois.

Enfin, la question sous-jacente n’est pas de savoir si nous avons besoin de plus ou moins d’outils numériques dans nos institutions. Il s’agit de prendre en compte la transformation majeure de notre société, la révolution numérique, et d’y adapter notre culture politique. Nous pouvons utiliser les défis actuels pour construire une démocratie résiliante, innovante et réellement vivante. Même si la présente discussion porte sur l’utilisation des outils numériques, le but ultime reste de transformer et d’adapter nos institutions aux besoins et aux réalités du XXIe siècle.

Paula Forteza, née le 8 août 1986 à Paris, est une femme politique française. Elle est députée au Parlement depuis juin 2017, représentant les citoyens français d’Amérique latine et des Caraïbes. Elle a passé plus de 20 ans de sa vie en Amérique latine. Après plusieurs expériences au sein du gouvernement de la ville de Buenos Aires, de l’administration française, à Etalab, ou dans l’entreprenariat, elle souhaite placer le numérique, la transparence et la participation citoyenne au cœur du débat politique en France.

Délibération en ligne : Opportunités et défis

Délibération en ligne : Opportunités et défis

Lyn Carson en conversation avec Graham Smith

Ce qui suit est une transcription éditée du podcast Facilitating Public Deliberation (Faciliter la délibération publique) de la newDemocracy Foundation ( Fondation nouvelleDémocratie), animé par le professeur Lyn Carson, directeur de recherche à la newDemocracy Foundation, et produit par Nivek Thompson. L’interview est réalisée par Graham Smith, professeur de politique et directeur du Centre pour l’étude de la démocratie à l’Université de Westminster et président de la Fondation pour la démocratie et le développement durable, sur ce que nous savons et ignorons du transfert des délibérations en face à face dans un environnement en ligne.

Carson : La raison pour laquelle je voulais vous parler est que nous avons cette discussion au moment de la pandémie du Coronavirus. Beaucoup de gens ont réfléchi aux questions de recherche auxquelles nous devrons répondre si nous voulons penser à des mini-publics virtuels comme les assemblées de citoyens et les jurys de citoyens. Des questions telles que : pouvons-nous appliquer les mêmes processus de sélection aléatoire si nous organisons un mini-public virtuel ? Comment pouvons-nous garantir la diversité et la représentativité ?

Smith : Il y a un point général que j’aimerais soulever au début, c’est que je ne pense pas qu’il y ait eu de très bonnes conversations dans le passé entre les personnes qui ont participé à des processus de délibération en face à face, et les personnes qui travaillent dans la technologie civique et l’engagement numérique. Je pense qu’ils ont parfois été en concurrence les uns avec les autres, mais qu’ils ont souvent parlé en passant. Et ce qui a été intéressant pour moi au cours des dernières semaines, c’est que le confinement a forcé ces conversations à être beaucoup plus ciblées.

Pour répondre à votre question spécifique sur la sélection aléatoire, ce qui m’a toujours intéressé dans l’aspect technologique de l’engagement démocratique, c’est que les personnes qui sont avant tout des technologues ont moins réfléchi à qui vient sur leur plateforme, et plus à la façon dont celle-ci fonctionne. Je ne pense pas qu’il y ait de raison philosophique ou pratique pour laquelle vous ne pourriez pas appliquer les techniques de sélection aléatoire pour amener les gens dans un espace en ligne. Il y a eu beaucoup d’espaces en ligne qui sont fermés dans le sens où ils sont fermés à une communauté particulière.

Carson : Nous allons avoir des compétences différentes, bien sûr. Mais ce n’est un problème potentiel que si nous ne passons pas suffisamment de temps avec les gens pour qu’ils se sentent à l’aise avec la plate-forme avec laquelle nous travaillons.

Smith : Nous pouvons amener les gens sur une plateforme ; une fois qu’ils sont sur cette plateforme, nous avons beaucoup de travail à faire, ce qui est très différent du genre de travail que nous ferions dans une pièce où nous pouvons voir les gens en face à face. Si nous utilisons un processus de loterie civique pour recruter des personnes pour un engagement en ligne, il y a deux problèmes. La première est de savoir si, une fois que quelqu’un a reçu l’invitation, il a accès aux technologies et possède les compétences nécessaires pour les utiliser avec confiance. Et l’autre question est de faciliter l’espace. Pour que nous puissions permettre le type d’inclusion que nous assurons dans les délibérations en face à face.

Carson : Oui. Je viens de parler à un animateur qui a fait une délibération en ligne et une autre question a été soulevée. Le gouvernement, l’organisateur, le décideur, peuvent très bien insister pour utiliser leur propre plateforme. Ils ont souvent une plateforme très lourde qu’ils auraient pu utiliser pour obtenir une contribution directe des citoyens, qui n’est qu’une agrégation d’opinions individuelles, mais ils n’auraient pas nécessairement utilisé une plateforme qui permet tout ce que vous et moi pourrions décrire comme une délibération.

Smith : Je n’ai pas vraiment entendu parler de celle-là et je dois admettre que c’est intéressant. Mais d’une certaine manière, cela me rappelle des batailles que nous avons eues auparavant, lorsque les autorités publiques disaient : « Eh bien, pourquoi mes audiences publiques ne sont-elles pas assez bonnes ? Pourquoi mes mécanismes de consultation ne sont-ils pas suffisants ? Il y a peut-être une analogie et nous devrions intervenir et dire : « ce n’est pas assez bien pour les mêmes raisons que nous avions dit que nous devions faire des jurys de citoyens ou des sondages délibératifs plutôt que votre précédent mécanisme de consultation ».

Il y a beaucoup de solutions-ismes avec beaucoup de gens qui disent qu’ils ont la plateforme. Il est assez dangereux de voir des gens dire qu’ils ont « résolu » tous les problèmes de la délibération en ligne. « Voici mon application ». Nous devons être très prudents à ce sujet.

Carson : Oui, nous devrions nous rappeler de revenir à la question de savoir ce que nous essayons de faire ici ? Et qu’est-ce que nous voudrions vraiment que les gens fassent ? Il peut y avoir une dépendance au chemin à suivre.

Smith : En effet, avec le nombre de choses qui se passent sur Zoom en ce moment, les gens se disent immédiatement : « Ok, alors quelle est la fonctionnalité ? Quelles sont les possibilités de Zoom ? Et comment puis-je rendre mon processus plus zoomable ? On a l’impression de l’utiliser parce qu’on l’a déjà utilisé. Ils ne demandent pas « Devrions-nous utiliser Zoom ? » Nous sommes dans une phase expérimentale en ce qui concerne la plate-forme que nous devrions utiliser. Nous expérimentons également la manière dont nous devrions faciliter les conversations sur ces plateformes.

Carson : Oui. Pour moi, ce n’est qu’un défi de conception. Nous avons toujours eu des défis de conception dans la démocratie délibérative. Donc, c’est juste un autre défi, et je pense en fait que c’est assez excitant. Comment pouvons-nous faire cela ? Comment pouvons-nous réellement permettre aux gens de délibérer ensemble et de parvenir à un accord ensemble ?

Smith : Tout dépend du type de processus sur lequel vous travaillez. Nous pouvons apprendre de personnes qui font de la pédagogie en ligne les meilleures méthodes pour l’ apprentissage en ligne. Nous pourrions faire preuve de plus d’imagination en ce qui concerne certains des supports que nous sommes en mesure d’utiliser et de fournir.

L’Assemblée britannique sur le climat, dont le dernier week-end a été reporté, est maintenant en ligne pour une série de réunions plus courtes. Un certain apprentissage était prévu pour le début. Je sais qu’ils l’ont diffusé par le biais de vidéos. Je crois que l’animatrice de ce processus était assez satisfaite, car elle a pu dire « Non, vous n’avez pas bien fait cette fois-là. Refaites-le ! » Vous pourrez donc peut-être demander à certains de vos témoins de faire de meilleures présentations.

Avec des plateformes comme Zoom, les gens peuvent se réunir en petits groupes avec un expert. Et je suis sûr que vous avez eu le problème d’essayer de faire venir un bon expert ou un bon témoin pour un processus de délibération et qu’ils ne trouvent pas le temps dans leur agenda. Pour l’engagement virtuel, les engagements de temps sont moindres. Je suis d’accord pour dire que certaines choses sont plus difficiles, mais je ne suis pas sûr qu’il s’agisse nécessairement de l’aspect apprentissage.

Nous avons travaillé il y a quelques années sur des plateformes asynchrones. Nous observions le comportement des gens lorsque nous fournissions des informations et qu’il y avait un dialogue dans un espace de discussion. Nous avons constaté que les gens avaient tendance à ne pas regarder les informations et, au lieu de cela, ils allaient directement sur l’espace de discussion. Il y a là un problème d’enchaînement.

Dans le type de processus auquel nous sommes habitués, où les gens sont sélectionnés au hasard, ils acceptent parce qu’ils ont été invités et ils considèrent que c’est une chose spéciale à faire. Ils sont prêts à passer ce temps à apprendre. C’est l’un des défis des espaces en ligne de ne pas nécessairement savoir que tout le monde a traversé les phases de la même manière que vous le feriez et saurez dans un espace en face à face où nous pouvons littéralement voir ce que les gens font.

Carson : Il me semble qu’il y ait tout un tas de variations. Il y a le synchrone où les visages sont visibles. Il y a l’asynchrone où vous n’avez pas de visage visible, le redoutable téléphone, qui peut en fait être utile dans certaines circonstances. Je suppose qu’il faut tenir compte de tout cela.

Smith : Je pense que c’est vrai. J’ai mentionné le solution-isme tout à l’heure, où les gens essaient de trouver l’application, ou la plateforme qui va résoudre tous leurs problèmes. La délibération n’est pas une chose unique. C’est un ensemble de choses différentes qui se produisent ; c’est l’apprentissage, la génération d’idées, l’écoute, l’audition et la création de choses ensemble. Je me méfie de tous ceux qui pensent que tout cela peut se faire sur une seule plateforme.

Je pense que nous pourrions en fait avoir besoin de séquencer les plates-formes. En face à face, nous changeons les tâches que les gens font tout le temps et nous modifions leurs relations entre eux et avec les animateurs. Dans un sens, c’est comme si nous créions des plates-formes différentes à chaque fois.

Je me demande si nous n’aurions pas besoin, par exemple, de plateformes qui sont spécifiquement bonnes pour générer des idées et nous aider à visualiser l’espace d’argumentation, et d’autres plates-formes qui sont très bonnes pour nous permettre d’avoir une sorte d’interaction en face à face, de manière à imiter certaines des choses que nous faisons sur une petite table. Nous pourrions avoir besoin d’un autre logiciel pour commencer à rédiger des recommandations créatives. Nous sommes capables de gérer cela dans une pièce en changeant la façon dont nous utilisons l’espace. Je pense que nous devrons peut-être changer de plateforme, ce qui génère à nouveau des problèmes liés à la fracture numérique concernant la confiance des gens pour passer d’une plateforme à l’autre.

Carson : Je sais que dans les processus de délibération de NewDemocracy, lorsque les participants rédigent des rapports et élaborent des recommandations, ils utilisent généralement Google Docs et le groupe rédige lui-même ces documents. Nous tenons beaucoup à ce que le groupe ait le contrôle du rapport qui en découle, mais cela se prête parfaitement à un environnement asynchrone. Il n’y a aucune raison que les gens ne puissent pas tous travailler en collaboration sur un Google Doc en ligne en même temps.

Graham : Cela pourrait être vrai. Bien qu’il y ait des gens qui aiment être en ligne et d’autres qui trouvent que c’est plutôt une corvée. Je m’inquiète pour les « guerriers du clavier ». Je pense que c’est plus difficile à gérer quand on n’est pas avec les gens et qu’on ne peut pas offrir de soutien à ceux qui sont peut-être un peu plus réticents.

Cela se résume en partie à ce que nous faisons dans les publics mini délibératifs pour soutenir les personnes qui sont moins confiantes. Nous sommes en mesure d’observer beaucoup plus clairement la façon dont les gens interagissent entre eux et de soutenir ceux qui trouvent cela difficile. Je ne suis pas sûr que nous puissions faire cela, lorsque nous ne voyons qu’une petite photo de quelqu’un, et que nous ne voyons que son visage.

Dans les situations de face à face, nous voyons comment les gens sont assis, comment ils se déplacent dans la pièce, quand ils vont prendre un café, et si les gens sourient quand ils ne sont pas à table. Je pense que les gens qui ne sont pas familiers avec les processus participatifs peuvent sous-estimer, par exemple, l’importance du temps social, l’importance de regarder comment les gens travaillent, comment ils se tiennent. C’est vraiment difficile à faire en ligne. Il y a toutes sortes d’actions non verbales que nous observons. Et c’est vrai aussi pour les participants, bien sûr. Ils reçoivent des signaux, que vous ne pouvez tout simplement pas obtenir sur Zoom ou Skype ou d’autres plateformes.

Il y a aussi un côté positif à cela. Cela peut très bien convenir à des personnes qui ne sont pas particulièrement grégaires, sociales ou extraverties, et qui peuvent être réticentes à parler dans un environnement de face à face. Ils peuvent s’affirmer en ligne. Comme pour tout avantage, il y a un inconvénient et vice versa.

Carson : Sur ce point, les gens se rendent compte que lorsque vous êtes devant un écran, vous devez aussi faire une pause de temps en temps. Je pense que nous devons être très conscients que le temps passé devant l’écran n’est pas le même que le temps passé face à face. Ce qui était intéressant avec la Convention française sur le changement climatique, c’est qu’ils ont récemment passé un week-end en ligne pour discuter de l’impact du virus COVID sur le changement climatique. Et ils ont eu des journées de sept heures, pour autant que je puisse dire.

Smith : Mais il est intéressant de noter que les gens ont continué à le faire. Au sein de l’assemblée des citoyens britanniques, la décision a été de ne pas faire un week-end complet. Ils vont faire des séjours de trois ou quatre heures et les mettre ensemble. Nous pourrions bien devoir utiliser le temps différemment en ligne.

Carson : Je pense que même quatre heures, c’est un peu trop. Vous avez parlé tout à l’heure de l’enchaînement des événements sur une longue période. Nous avons tendance à faire des sessions intensives parce qu’il y a généralement un obstacle financier à la réunion de gens dans un lieu central. Ce genre de travail intensif présente des avantages, mais je pense aussi qu’il est très avantageux de le faire sur une certaine période et de laisser aux gens le temps de réfléchir, de choisir, de traiter et de faire leurs propres recherches.

Smith : Oui, je pense que c’est exact. Ma seule préoccupation – et c’est une question empirique que nous devons expérimenter et découvrir – est de savoir si nous allons obtenir le même volume d’activité que celui que nous obtenons avec les types de mini-publics que nous connaissons. Le taux de rétention est généralement étonnant avec ces processus. Mais je pense que cela est dû en partie à l’aspect social, au fait que vous travaillez avec et rencontrez de nouvelles personnes, que vous établissez de nouvelles relations. Je me demande simplement s’ils seront les mêmes en ligne. C’est une question empirique. Je ne sais pas si elles seront les mêmes en ligne.

L’un des avantages de la Convention des citoyens français pour le climat et de l’Assemblée britannique pour le climat, c’est qu’ils ont fait un tas de week-ends avant. Donc, ces personnes sont déjà engagées et ont développé une éthique de travail collective. Pouvons-nous construire ce genre d’éthique en ligne dès le début, de sorte que les gens ressentent cet engagement dans le processus ? Je n’ai pas de réponse pour le moment.

Beaucoup de travail expérimental a été fait en ligne. On constate une baisse de la participation, mais c’est généralement le cas pour les processus ouverts où tout le monde peut participer. Nous ne savons pas vraiment si vous sélectionnez un groupe représentatif et si vous faites le même genre de travail que nous ferions avec des mini-publics en personne (en leur disant combien c’est important et en leur expliquant le type de relation que cela aura avec la prise de décision, en leur faisant comprendre qu’ils ont été sélectionnés et que c’est une occasion vraiment spéciale), si cela suffira à les retenir ou si le fait de traîner avec les gens physiquement est vraiment important.

Carson : La taille est une autre question à prendre en compte. Nous avons travaillé avec des groupes de 35 à 45 personnes dans le cadre d’un processus similaire à celui d’un jury. Et je pense que c’est trop lorsque nous allons en ligne, que nous pourrions être mieux avec 25. Et comme vous le dites, tout est expérimental, nous ne le savons pas avant de l’avoir fait.

Smith: Cela vous permet d’être beaucoup plus expérimental. Nous avons l’habitude de rassembler tout le monde en même temps. Il n’y a pas de raison que nous ne puissions pas réunir de petits groupes en ligne à des moments différents qui leur conviennent. C’est une question de design, comme nous l’avons dit précédemment.

Carson : Un facilitateur m’a dit que lorsqu’il est arrivé à la fin d’une session en ligne avec des personnes qui ne connaissaient pas du tout la plateforme et qui avaient besoin de beaucoup de soutien, il a été surpris par l’enthousiasme qui s’est manifesté à la fin. Les participants disaient : « En fait, c’était génial pour moi, j’ai appris quelque chose que j’aurais été réticent à apprendre ».

Smith : En face à face, les gens disent la même chose. Au début, on entend : « Pourquoi suis-je ici, je ne vais pas pouvoir faire quoi que ce soit. » Et à la fin, ils ont un haut degré d’efficacité politique.

Une chose que nous n’avons pas mentionnée, c’est qu’il y a des gens qui n’ont pas beaucoup de bande passante ; ils n’ont pas la technologie. Une partie du processus consiste donc à fournir cette connectivité aux gens et à leur apprendre à utiliser la technologie si nécessaire.

C’est ce qui a été fait en France et au Royaume-Uni. Ils ont constaté, par exemple, que certaines personnes avaient un ordinateur à la maison, mais qu’il était utilisé par quelqu’un d’autre pour le travail. Il y a de nouveaux obstacles pour nous.

Carson : Je pense que nous avons couvert tout ce que je voulais, mais y a-t-il autre chose que j’ai manqué ?

Smith : L’une des choses que je trouve assez excitantes dans l’engagement en ligne est l’utilisation de plateformes de visualisation d’arguments. Nous n’en avons pas tiré le meilleur parti en face à face. Nous ne cartographons pas toujours tous les arguments qui existent. Je pense que cela peut potentiellement conduire à ce que certains arguments soient négligés, et non pas délibérément. Il existe une réelle possibilité de crowdsourcing – quels sont les arguments dans cet espace ? Il s’agit d’une technologie en ligne que nous pourrions utiliser en face à face. Une des choses intéressantes qui pourrait se produire ici est que nous faisons toutes ces expérimentations en ligne et que nous en introduisons ensuite une partie dans notre travail en face à face.

J’ai un préjugé selon lequel le face-à-face est meilleur en termes de processus de délibération. J’ai toujours eu cette suspicion à propos de l’engagement en ligne. Cela est dû en partie au dysfonctionnement des espaces en ligne, mais une partie, je dois être honnête, est aussi juste mon propre préjugé basé sur ma familiarité avec les processus en face à face. Ce que je trouve vraiment utile ici, c’est d’essayer des choses, d’expérimenter des choses et de penser : « En fait, c’est vraiment intéressant. Cela fonctionne mieux que ce que j’attendais ». Donc, pour moi, il va s’agir de ce mélange – comment faire cohabiter de manière plus créative le face-à-face et l’Internet ?

Carson : C’était si bon d’entendre le point de vue de Graham Smith. Il a raison de dire que la pandémie a forcé des conversations très ciblées entre les techniciens de la société civile et les concepteurs de délibérations de manière très productive. J’aime ce qu’il a dit sur le fait de surmonter la fracture numérique, d’éviter le solution-isme, mais aussi le fait qu’il existe des possibilités d’expérimentation passionnantes.

Écoutez le podcast complet ici.

Cet article est une traduction réalisée par Open Source Politics de l’article publié sur le Medium « Participo », une publication de l’OCDE. Pour consulter l’article original de Lyn Carson, cliquez ici.