Le droit de pétition – ou droit d’interpellation – a fait un retour en force depuis un peu plus de 20 ans avec des plateformes numériques dédiées, comme Avaaz ou Change.org. Depuis la fin des années 1990, le recueil de pétitions est devenu le premier usage participatif en ligne en volume, mais aujourd’hui, Decidim permet d’aller plus loin. Ce logiciel open source permet de mettre en pratique le droit d’interpellation à toutes les échelles grâce à un module intégré dont la robustesse a été éprouvée par de grandes institutions comme le Sénat et l’Assemblée nationale et, depuis peu, par le Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Droit d’interpellation, de quoi parle-t-on ?
Le droit d’interpellation est un mécanisme politique et/ou institutionnel qui désigne la possibilité de faire valoir une demande ou une revendication à une autorité ou une institution, la plupart du temps à travers un texte, comme la pétition, mais également à travers d’autres types de communications. Ce droit ne suppose pas le devoir de l’autorité ou de l’institution d’y répondre, mais y incite fortement dans une démocratie moderne. En outre, son intérêt réside dans le fait qu’il constitue un cadre permettant une sollicitation des représentés vers les représentants, alors que les démarches participatives classiques sont mises en œuvre par les représentants pour les représentés. Il peut s’exercer à deux niveaux.
Le premier niveau est institutionnel
Au Parlement, où les parlementaires peuvent interpeller le Gouvernement. Dans ce cadre, l’interpellation est souvent suivie d’un débat et d’un vote.
Le second niveau est civique
Les citoyens et citoyennes peuvent interpeller les responsables des institutions politiques. Ce dernier cadre, dans un régime démocratique, induit que les responsables s’engagent à répondre à l’interpellation que leur ont adressée les populations, qu’elles soient locales, nationales ou internationales, sous certaines conditions, comme par exemple le nombre de signatures, le plus souvent recueillies dans un délai imparti. A ce titre, ce droit apparaît comme un mécanisme appartenant à la « boîte à outils » de la démocratie directe.
Le droit d’interpellation en France, un droit qui vient de loin
Bien que la période de la Révolution française foisonne de pétitions, l’interpellation apparaît sous la Monarchie de Juillet (1830 – 1848). Le personnage principal de ce progrès politique est le député François Mauguin, aux orientations libérales et considéré comme le « père de l’interpellation », s’inspirant lui-même d’une tradition britannique très ancienne. Codifié par le règlement de l’Assemblée nationale en 1848, aboli puis rétabli par Napoléon III, le droit d’interpellation a connu des fortunes diverses selon les régimes au XIXe siècle. Sous la IIIe République, le droit d’interpellation s’ancre dans le droit français, laissant la possibilité aux parlementaires d’interpeller le gouvernement ou un membre du gouvernement. On le voit, c’est donc uniquement dans le cadre parlementaire que le droit d’interpellation est codifié et mis en œuvre. Le régime actuel de la Ve République, à la coloration présidentialiste, prévoit néanmoins des possibilités pour les parlementaires comme les Questions au Gouvernement ou le dépôt de propositions de loi sur des temps dédiés du calendrier parlementaire.
RIC ET RIP, déclinaisons du droit d’interpellation ?
En 2018, le mouvement des Gilets Jaunes, à travers la revendication du RIC – référendum d’initiative citoyenne porté par Priscilla Ludosky – peut être considéré comme une déclinaison du droit d’interpellation. A l’occasion des élections municipales de 2020, plusieurs majorités locales ont mis en œuvre ce type de dispositifs dans toute la France, en appelant en renfort les outils numériques.
Le RIP – Référendum d’Initiative Partagée – quant à lui, est un mécanisme encadré par la loi et qui relève également du droit d’interpellation. Il a été activé en 2019, dans le cadre du projet de privatisation de l’entreprise Aéroport de Paris, sans pour autant donner lieu à un référendum. Le Conseil Constitutionnel a émis de nombreuses critiques à propos du RIP, dont les contraintes (ergonomie du site web, seuil de signatures,…) lui semblent trop importantes pour aboutir.
Grâce à ces nouveaux outils justement, nombreux sont les citoyennes et citoyens qui souhaitent exercer ou pouvoir exercer leur droit d’interpellation. Les institutions parlementaires se sont saisies des possibilités. L’Assemblée nationale et le Sénat sont aujourd’hui tous les deux équipés de plateformes de pétitions à destination des citoyens souhaitant interpeller les parlementaires sur tous les sujets. Le CESE fait de même et nous l’accompagnons dans la mise en ligne d’une plateforme d’interpellation citoyenne qui verra le jour en avril 2023.
Exemple contemporain du droit d’interpellation – le cas du Conseil économique, social et environnemental
Après avoir évoqué le projet à plusieurs reprises au cours des dernières années, le Conseil économique, social et environnemental se dote d’une plateforme numérique simplifiée de pétitions citoyennes. Car de 2008 à 2021, le CESE pouvait déjà être saisi par voie de pétition citoyenne pour toute question à caractère économique, social ou environnemental, mais les chances de voir sa pétition recueillir le nombre de signatures suffisantes étaient minces. Le seuil à atteindre était de 500 000 signatures… sous format papier !
Pensé pour être un « acteur de premier plan de la vie démocratique française », le Conseil économique, social et environnemental a vu son champ d’action en matière de participation citoyenne être étendu par la loi organique de 2021. Depuis cette date, le seuil des signatures est ramené à 150 000 noms, l’âge minimum pour initier ou signer une pétition est abaissé à 16 ans et le format numérique est désormais recevable.
Pour permettre la digitalisation de ce droit, le CESE a fait appel une nouvelle fois à Open Source Politics pour l’accompagner dans la mise en place d’une plateforme participative. Depuis le 12 mai 2023, la plateforme d’e-pétition du Conseil est officiellement ouverte au public. Toute l’équipe d’Open Source Politics est ravie de vous présenter l’instance www.lecese.fr/participation-citoyenne sur laquelle nous avons travaillé ces dernières semaines.
L’organisateur de la Convention Citoyenne pour le Climat est habitué aux démarches participatives. Depuis 2018, il a adopté six travaux issus d’une méthodologie de travail qui intègre à la fois l’expertise de la société civile organisée et la parole citoyenne. En outre, il a mis en place un dispositif de veille active des pétitions sur les plateformes en ligne. Si le Conseil économique, social et environnemental (CESE) observe l’émergence d’un sujet relevant de ses responsabilités fondamentales, il peut s’auto-saisir de la problématique soulevée par la ou les pétitions identifiées sur ce sujet.
« Avec l’association de citoyens à ses travaux, la constitution de conventions citoyennes, et maintenant la possibilité d’être saisi par voie de pétition, le CESE dispose de l’expertise, l’expérience et des outils pour faire résonner la parole citoyenne utilement aux côtés de celle des organisations de la société civile. »
Thierry Beaudet, Président du CESE
Et au niveau local, pourquoi est-il aussi important de favoriser la mise en place du droit d’interpellation ?
Plusieurs arguments en faveur de la mise en place du droit d’interpellation s’ancrent aujourd’hui dans le débat public, retenons en trois.
1 Pour participer à l’équilibre institutionnel local
Il s’agit d’un dispositif participant à l’équilibre institutionnel local. En effet, les dispositifs participatifs, numériques ou non, sont proposés et déployés par les collectivités, de l’institution vers les populations. Un droit d’interpellation local permet de contrebalancer le rapport de force, des citoyens vers l’institution.
2 Pour développer le pouvoir d’agir des populations
Le droit d’interpellation peut améliorer la visibilité accordée à des problématiques mal ou pas identifiées par les élus locaux et les agents des collectivités. Des dérives sont possibles comme le nymbisme, de l’expression anglaise « Not In My BackYard » (pas dans mon jardin), mais la possibilité pour les citoyens et citoyennes de participer à l’établissement des priorités politiques s’avère une piste intéressante pour renforcer le tissu démocratique local.
3 Pour ouvrir la participation à la vie publique locale
Enfin, la simplicité des formats autorisés par l’interpellation, en acceptant le principe d’une expression « directe », élargit potentiellement le nombre de personnes qui peuvent s’inscrire dans la vie publique locale et engager le dialogue avec les élu·e·s et les fonctionnaires.
Un pan de la recherche sur la participation citoyenne a tendance à se concentrer sur les participant·es et vise à comprendre et définir une sociologie de la participation. Mais quand est-il de celles et ceux qui ne participent pas ? Nous allons ici mettre en lumière la recherche sur la non-participation citoyenne en proposant un focus sur le chercheur Vincent Jacquet qui concentre sa recherche sur les non-participant·es.
Le 8 février 2023, nous recevions Vincent Jacquet à l’occasion d’un événement de médiation scientifique interne à notre équipe : OSP Explore.
Lors du précédent évènement OSP explore, notre consultante Bertille Mazari présentait les origines et impacts de la participation des hyper-utilisateur·rices. Vincent Jacquet propose au contraire de comprendre qui sont ceux qui ne participent pas. Vincent Jacquet adopte une démarche de recherche novatrice et originale en menant une série d’entretiens sociologiques avec des non-participant·es. Son étude qualitative vise à identifier les motifs d’action des non—participant·es à des dispositifs de participation de types “mini-publics”.
Afin de mieux comprendre la non-participation dans les mini-publics, Vincent Jacquet prend comme objet de recherche trois dispositifs de participation belges :
Vincent Jacquet est docteur en sciences politiques et chercheur qualifié F.R.S.-FNRS à l’Université de Namur.
Le Parlement Climat Citoyen (PCC) a réuni 45 citoyen·nes tiré·es au sort pour débattre de l’environnement et proposer des solutions concrètes au conseil provincial de la province du Luxembourg en Belgique.
Le G1000 est un sommet organisé en Belgique en 2011 dans un contexte de crise politique due à l’absence de gouvernement fédéral. 1000 citoyen·nes tiré·es au sort se sont réuni·es pour réfléchir et formuler des recommandations aux représentant·es politiques.
Le G100, qui est inspiré du G1000, organise les discussions à l’échelle locale de 100 participant·es tiré·es au sort dans la commune de Grez-Doiceau.
Bien que ces dispositifs aient des objectifs distincts, des échelles différentes, et proviennent d’initiatives diverses, le taux de participation est le même : 3 %. Ce faible taux de participation correspond aux études menées sur le sujet, qui révèlent qu’au mieux, 70 % des personnes sélectionnées ne participent pas (Jacquet, 2017).
Il est important de noter que les raisons de la non-participation peuvent être multiples et complexes, impliquant des facteurs individuels, institutionnels, culturels et sociaux. Par conséquent, l’analyse de la non-participation ne peut se limiter à une simple question de motivation individuelle, mais doit prendre en compte l’ensemble des facteurs qui peuvent influencer l’engagement des citoyen·nes.
Les quatre profils des non participant·es
Vincent Jacquet a identifié quatre profils sociologiques différents qui caractérisent les non- participant·es en fonction de leur relation à la politique. Chacun des profils présentent des raisons distinctes et spécifiques permettant de comprendre les raisons pour lesquelles ces personnes ne participent pas.
Les familier·es 🖐
Ce profil de participant·e regroupe les personnes se déclarant politisées et qui s’intéressent à la participation (la personne militante syndicale, ou la personne militante d’un parti politique par exemple). Cette population peut être désignée par l’acronyme TLM (toujours les mêmes). Les dispositifs appelés « mini-publics » utilisant le tirage au sort ont pour avantage de réunir des militant·es qui ont des convictions, voire des opinions, opposées et qui ne se croisent pas habituellement dans les autres dispositifs de participation car ils évoluent dans des cercles différents et isolés les uns des autres.
Les défiant·es 🫸
Les défiant·es ne participent que très rarement car ces personnes sont en marge du système politique. Elles ne votent plus et éprouvent une défiance à l’égard de l’ensemble des processus de participation. Il y a des exceptions, c’est le cas notamment d’une participante que Vincent Jacquet a rencontré dans le cadre de ses entretiens. Le motif de participation de cette personne est moins l’enjeu de l’impact sur les politiques publiques que le fait de nouer des relations sociales avec les autres participant·es du dispositif.
Les délégant·es 🫵
Les déléguant·es sont méfiant·es mais restent confiant·es dans la représentation : une personne ou un parti politique sert leurs intérêts. Ces personnes délèguent donc leur pouvoir aux élu·es ou à un parti dont elles se sentent proches mais ne considèrent pas que leur parole soit vouée à impacter les politiques publiques. Lorsque les individus délégant participent, c’est davantage dans une logique d’interaction sociale que de transformation de l’action publique.
Les concerné·es désenchanté·es 🫥
Les concerné·es désenchanté·es ont été initialement enthousiasmé·es par la démocratie électorale, mais ont finalement été déçu·es et ont changé d’opinion. Ces personnes ne croient plus en la politique et ne participent que très rarement. Lorsqu’elles donnent une chance aux mécanismes de participation, c’est très souvent afin de mettre le pouvoir en place à l’épreuve.
La non-participation prend des sens très différents en fonction des différents profils. Les personnes déléguant·es ne participent pas car elles ont une relative confiance dans le groupe qui les représente. Autrement dit, elles ne se sentent pas capables et ne prennent pas le temps de le faire car elles ont assez confiance dans leurs représentant·es pour servir leurs intérêts. Au contraire, les personnes défiant·es ne participent pas car elles n’ont pas confiance dans leurs représentant·es.
Open Source Politics est très heureuse d’annoncer la mise en place d’un partenariat avec l’association IndieHosters afin de fournir des plateformes de démocratie participative toujours plus libres !
Naissance d’une amitié fructueuse
C’est par l’entremise de contacts communs que nos deux structures se rencontre en 2019. Notre volonté à l’époque était de travailler sur des outils de documentation en vue des rencontres de Numérique En Commun(s) – NEC prévu pour l’automne de la même année.
Suite à ce premier travail en coopération, Pierre Ozoux et Timothée Gosselin d’IndieHosters ont formé une partie de notre équipe technique sur l’utilisation de la technologie open-source Kubernetes. La première réalisation concrète et réussie née de cette union de compétence est la migration de la plateforme de pétition du Sénat. Cette plateforme Decidim, une des plus visitées dans le monde*, fait face à des pics de visite soudains et imprévisibles. Le dernier pic remonte à septembre 2022 à l’occasion du Z Event. Ce projet de streaming caritatif a mis en avant une pétition spécifique qui visait à interdire le déterrage de blaireaux. Suite à cette mobilisation, la pétition a d’ailleurs passé le seuil des 100 000 signatures. Seulement 3 autres pétitions avaient atteint ce seuil auparavant sur la plateforme d’e-pétition.
Les avantages de ce partenariat
Cette collaboration est d’une importance capitale pour nous. Elle nous apporte les compétences techniques qui nous manquaient et qui auraient été très difficiles à trouver et à former. Nous sommes convaincus que cela se traduira très concrètement en une meilleure qualité de service pour nos clients. Nous avons également eu l’occasion de réfléchir ensemble à l’avenir, et nous prévoyons de mettre à disposition une suite d’outils libres. Cette suite permettra notamment aux institutions publiques et aux associations de sortir de la dépendance aux GAFAM et aux prestataires propriétaires. Decidim vient s’ajouter aux outils déjà déployés par IndieHosters tels que Nextcloud, OnlyOffice, Rocket Chat et Jitsi. Nous avons prévu de déployer d’autres outils à l’avenir, avec l’accompagnement mutuel de nos deux structures. Nous sommes très enthousiastes à l’idée de renforcer notre collaboration afin de poursuivre notre mission de démocratisation de la technologie et de l’accès aux outils informatiques.
Yohan Lechevalier pour IndieHosters
Ce qui va changer pour nos clients
Toutes nos plateformes Decidim sont hébergées en France, chez notre prestataire Scaleway. Cependant, la nature des serveurs que nous utilisons va changer en passant vers des clusters open source Kubernetes, ce qui sera bénéfique pour les performances. En effet, la puissance évoluera automatiquement en fonction du volume de visites et d’internautes pour absorber les phases de participation intense en toute tranquillité. Nous prévoyons de migrer toutes nos plateformes Decidim en ce printemps 2023. Les interventions seront programmées pour réduire au maximum le temps d’interruption de service. Cette migration est prise en charge par Open Source Politics et aucun coût supplémentaire ne sera facturé à nos clients.
Pour aller plus loin
En mars dernier nous avons dédié le webinaire du Club des utilisateurs francophones de Decidim à la présentation du partenariat entre IndieHosters et Open Source Politics. En présence de Pierre Ozoux, co-fondateur d’IndieHosters, notre équipe technique a expliqué les avantages de cette évolution et vous pouvez revoir cette présentation en vidéo !
À propos d’IndieHosters
IndieHosters est une association spécialisée dans l’hébergement sécurisé et éthique de services numériques. Elle fournit des solutions d’hébergement pour des organisations qui partagent ses valeurs en matière de logiciel libre, d’éthique, de sécurité, de transparence et de liberté.
Nous ouvrons un nouveau format sur notre blog cette année afin de mettre en lumière les professionnels qui utilisent nos outils de démocratie participative et nous commençons par Gironde numérique.
Pour ce premier épisode, nous avons interrogé deux représentants de ce syndicat mixte qui accompagne le déploiement de Decidim auprès de petites communes : Christophe Le Bivic, responsable du pôle Services numériques, et Pierre-Alexandre Berton, animateur territorial.
Bonne lecture !
Pouvez-vous nous rappeler la mission globale de Gironde Numérique ?
Christophe Le Bivic : « Gironde Numérique a deux missions principales. La première est l’aménagement numérique du territoire avec l’installation de la fibre optique. La deuxième est l’accompagnement des collectivités locales dans leur transition numérique, autour de cinq grandes thématiques :
La sécurisation de la gestion du patrimoine numérique des collectivités locales
Le respect des obligations réglementaires
Les outils de gestion interne des collectivités
L’équipement des écoles du 1er degré
L’inclusion numérique »
En tant qu’acteur majeur du numérique en Gironde, quelle est votre vision pour le futur de ce territoire ?
Christophe Le Bivic : « La stratégie de Gironde Numérique a été tracée pour les dix prochaines années par nos élus. Le déploiement de la fibre optique doit s’achever en 2025. La mise en place et l’exploitation de nos datacenters pour l’hébergement des données et le déploiement de services numériques dans les collectivités permet de lancer la prochaine étape qui sera de créer un réseau public multi-services pour développer de nouveaux services à coût marginal. L’objectif est que les territoires ruraux dispose d’ innovations au service des politiques publiques. C’est l’ADN de Gironde Numérique depuis sa création il y a 15 ans par le Département et les Communauté de communes et d’agglomération de la Gironde : garantir l’égalité et l’autonomie de gestion de chaque territoire. C’est une question de gouvernance, de souveraineté, de résilience et de maitrise des coûts, à l’heure de l’hégémonie des GAFAM. »
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous mobiliser sur les questions de démocratie participative ?
Christophe Le Bivic : « En réalité ce n’était pas une question de démocratie participative, mais de gestion de la relation citoyenne que nous souhaitions traiter : le partage d’information entre une collectivité et ses administrés. La principale difficulté est qu’à la question : « quels sont vos besoins ? » Les collectivités n’en expriment que rarement. Les obligations réglementaires sont déjà nombreuses et complexes pour une collectivités de moins de 1 500 habitants (80 % des communes de Gironde) : profil acheteur, télétransmissions, signature électronique, RGPD, publication des actes, etc. Sur le sujet de la relation citoyenne, Gironde Numérique propose historiquement aux plus petites collectivités une présence sur internet en leur mettant à disposition un site web ou une adresse mail « professionnelle ». En 2020, avec la pandémie, la question de la communication entre les collectivités et leurs administrés s’est posée. Nous avons donc intégré dans nos offre des outils d’enquêtes en ligne, de rendez vous en ligne, de visio, d’alertes SMS. Dans le cadre du plan France Relance, nous avons décidé de proposer un outil de participation citoyenne et Decidim a été retenu. Cette solution open source avait toutes les fonctionnalités attendues. La mutualisation de solutions entre collectivités assure la mise en commun de moyens, de ressources et de partage d’expérience : nous gagnons collectivement du temps. »
« La mutualisation de solutions [comme Decidim N.D.L.R.] entre collectivités assure la mise en commun de moyens, de ressources et de partage d’expérience : nous gagnons collectivement du temps. »
— Christophe Le Bivic, Responsable du pôle Services numériques
Selon-vous qu’est-ce qui fonctionne bien sur Decidim et qu’est-ce qui, au contraire, mérite d’être amélioré ?
Pierre-Alexandre Berton : L’outil Decidim est fascinant et rempli de fonctionnalités toutes utiles, mais pas pour tous les acteurs. C’est une plateforme qui est plutôt faite pour des gros acteurs, je pense notamment à Bordeaux Métropole, certains départements, la ville de Barcelone ou le Sénat. En comparaison, Gironde Numérique accompagne des collectivités qui comptent autour de 500/700 habitants. Du coup, la plateforme Decidim est assez lourde pour des collectivités de cette taille-là. J’aimerais pouvoir proposer à nos clients des interfaces plus légères et ergonomiques, j’attends donc avec impatience la refonte graphique de l’espace administrateur ! »
Comment aller plus loin selon vous, en dehors de ce réseau d’utilisateurs et d’administrateurs qui pourraient se constituer à terme ?
Christophe Le Bivic : « Decidim est un outil vraiment polyvalent. Si le service est complexe à prendre en main sur la partie « super admin », ce n’est pas un frein mais juste un temps d’investissement nécessaire côté Gironde Numérique. En revanche, il est indispensable d’avoir une administration fonctionnelle « acceptable » pour les collectivités que nous accompagnons qui n’ont ni informaticien, ni chefferie de projet, ni chargé de communication… Cela reste donc aujourd’hui un outil compliqué à mettre en place s’il n’y a pas l’intermédiaire des opérateurs publics de services numériques ou de structures de mutualisation. Pour que le projet fonctionne, il faut également que la collectivité ait une volonté politique à lancer ce type de démarche et trouver un agent « couteau suisse » pour la partie technique, fonctionnelle et d’animation. Gironde Numérique n’a pas vocation à faire « à la place de », mais à accompagner et à former pour que la collectivité s’approprie les outils numériques et soit autonome. »
Encore merci à Christophe Le Bivic et Pierre-Alexandre Berton pour ce témoignage ! D’autres entretiens seront publiés prochainement alors pour ne pas les rater, inscrivez-vous à notre lettre d’information mensuelle 😉
🔎 Zoom sur la nouvelle fonctionnalité développée par Open Source Politics, l’assistant de participation, notre nouvel atout pour vous accompagner dans la prise en main de l’administration de vos plateformes Decidim.
Dans le cadre du développement de notre Decidim_app, nous avons intégré depuis peu une nouvelle fonctionnalité, l’assistant de participation, qui vise à accompagner les administrateurs et administratrices de Decidim dans la prise en main du back-office de leur plateforme participative.
Cette fonctionnalité a pour principal objectif de rendre plus accessible et plus ludique l’administration Decidim (qui peut s’avérer parfois complexe, on vous l’accorde 😉). Pour ce faire, nous nous sommes penchés sur la conception d’un nouvel outil qui emprunte son fonctionnement à des logiques ludiques, appelée gamification, terme forgé à partir du mot game, jeu en anglais.
La gamification, un outil au service de l’engagement des internautes
La gamification, ou ludification, consiste à utiliser des éléments de jeu et de divertissement dans des domaines qui ne sont pas directement liés au jeu. L’utilisation de ces éléments vise à rendre une activité plus engageante, amusante et motivante.
Les méthodes issues de la gamification ont aujourd’hui investi de nombreuses sphères de notre vie et sont de plus en plus utilisées dans des domaines tels que la formation, la santé, la productivité au travail, la culture et même la participation citoyenne. Dans ces différents domaines, elle est utilisée avant tout pour encourager les comportements souhaités, améliorer l’expérience des participant·es et renforcer la motivation et l’engagement des personnes concernées.
Appliquée au numérique, la gamification fait appel à des mécaniques incitatives telles que des défis, des récompenses, des niveaux, des badges, des avatars ou encore des scénarios. Ces éléments sont souvent conçus pour stimuler l’intérêt des internautes, leur donner un sentiment d’accomplissement et favoriser leur implication.
Face à l’essor de ces pratiques, nous nous sommes demandés chez Open Source Politics si ces logiques pouvaient être intégrées aux outils numériques de participation citoyenne. Les logiques de la gamification permettraient-elles d’encourager la participation et de favoriser l’implication à long terme des citoyennes et citoyens sur les plateformes de démocratie participative ?
Ludifier le logiciel de participation citoyenne Decidim
Chez Open Source Politics, nous nous sommes donnés pour mission de faire progresser la participation citoyenne. C’est pourquoi, dans notre travail d’amélioration continue de l’expérience des utilisateurs et utilisatrices de nos plateformes Decidim, nous avons entrepris d’intégrer des mécaniques de gamification au sein du système de participation de la plateforme.
Dans le contexte de la participation citoyenne, la gamification peut être utilisée pour encourager la participation en rendant le processus de consultation et de prise de décision plus ludique et en fournissant une rétroaction immédiate aux citoyen·nes sur leur contribution. En réfléchissant bien à son usage, il est donc possible de faire appel à la gamification afin de susciter l’intérêt et l’engagement des citoyen·nes et de les encourager à participer de manière active et responsable à la prise de décision politique.
Ludification, attention
Cependant, nous sommes bien conscient·es que la gamification et ses techniques doivent être utilisées avec prudence et de manière appropriée. Si elle peut s’avérer être une stratégie particulièrement efficace pour encourager l’engagement et la motivation dans plusieurs contextes, elle comporte des risques et des limites dont il faut tenir compte et ce, impérativement lorsqu’il s’agit de dispositifs de participation citoyenne.
Accompagner ≠ manipuler
Les récompenses et les incitations doivent être conçues de manière à accompagner les participant·es et ne doivent en aucun cas être utilisées pour manipuler leurs comportements et leurs choix. Ce serait sinon prendre le risque de les conduire à des choix irrationnels et des comportements à court terme plutôt que des décisions éclairées et réfléchies.
Encourager ≠ récompenser
Le recours à des logiques de récompenses et de gratifications des participant·es peut aussi impacter négativement la participation en les incitant à se concentrer sur les récompenses plutôt que sur l’activité elle-même : il faut donc veiller à ce que ces techniques encouragent les utilisateur·rices à se concentrer avant tout sur les objectifs profonds et significatifs d’une démarche participative.
Complexifier = exclure
Enfin, les mécaniques de la gamification peuvent tendre à exclure certains groupes de personnes, en particulier celles qui ne sont pas à l’aise avec le numérique ou non sensibles aux logiques de celle-ci. Faire appel à la gamification ne doit donc pas complexifier l’expérience des participant·es lors de leur initiation à une plateforme de participation.
Ainsi, il faut s’assurer de concevoir judicieusement des mécanismes dérivés de la gamification afin que ces derniers soient au service de l’expérience des participant·es et répondent aux objectifs majeurs des démarches participatives.
Des fonctionnalités en adéquation avec le contrat social de Decidim ?
Par ailleurs, en cherchant à développer un système s’inspirant des logiques de la gamification, nous avons été confronté·es à une contrainte de taille : celle de concevoir un système conforme au contrat social de Decidim. En effet, le bien commun numérique repose sur un contrat social que l’ensemble des membres de la communauté se doivent de respecter. Ce texte fondateur du logiciel promeut des principes de transparence, de traçabilité, d’intégrité mais aussi d’égalité d’opportunités entre citoyen·nes sur la plateforme. En cherchant à intégrer de nouvelles logiques à la participation en ligne sur Decidim, basées sur l’incitation et la ludification, il faut s’assurer que les nouvelles fonctionnalités soient en adéquation avec le contrat social. Or, ce dernier met en avant le principe d’égalité stricte entre l’ensemble des utilisateurs et utilisatrices de la plateforme. Les logiques de la gamification, qui reposent en grande partie sur la récompense et l’octroi de privilèges entre utilisateur·rices, peuvent donc paraître en contradiction avec ce principe d’égalité.
Ces différentes réflexions nous ont amenées de nous orienter vers la conception d’un système de ludification de l’administration de Decidim plutôt que de la participation des citoyen·nes. Ce nouveau système nous semble particulièrement pertinent puisque pour que les internautes exploitent au maximum une plateforme, il faut que celle-ci soit la mieux administrée possible. En effet, la réussite d’une démarche de participation en ligne repose en grande partie sur la capacité à interfacer judicieusement la démarche au format numérique.
L’assistant de participation pour vous accompagner dans la prise en main de l’administration Decidim
C’est ainsi que nous avons pris le parti de développer intégralement un assistant participatif et personnalisé ludique à destination des administrateur·rices de la plateforme. Celui-ci vient accompagner de manière simple et divertissante les personnes qui apprennent à paramétrer une plateforme Decidim via le back-office.
Comment marche l’assistant de participation ?
Tout simplement, lorsque celui-ci est activé sur une plateforme, les personnes avec droit d’administration disposent d’une barre de progression qui tient compte des actions réalisées sur la plateforme.
Les actions sont regroupées par difficulté en 5 niveaux, qu’il faut passer en réalisant des actions spécifiques sur la plateforme. Ces actions sont de 4 types :
Édition : lorsque j’ajoute ou édite du contenu sur la plateforme ;
Configuration : lorsque je configure des espaces et fonctionnalités ;
Interaction : lorsque j’interagis avec les participant·es ;
Collaboration : lorsque j’invite d’autres personnes à administrer ou participer sur la plateforme.
Pour passer d’un niveau à un autre, il faut réaliser des actions qui rapportent des points en fonction de leur difficulté. Par exemple pour atteindre le niveau 1 de l’administration, il faut réunir 17 points pouvant correspondre à :
Publier une concertation ou assemblée (1 pt) ;
Ajouter une fonctionnalité (1 pt) ;
Créer une rencontre (1 pt) ;
Publier une réponse à une proposition (3 pts) ;
Créer un article (4 pts)
etc.
Des liens vers notre documentation sont disponibles depuis le tableau de bord pour vous orienter plus aisément vers les articles correspondants et vous assister dans vos étapes de configuration. Des actions vous sont également suggérées par l’assistant de participation afin de vous faire progresser et de passer au niveau supérieur. Le petit plus : une petite animation vous attend à chaque changement de niveau (on ne va pas vous gâcher la surprise 😉).
Pour l’essayer si vous êtes déjà client·e chez nous, contactez votre consultant·e afin de l’activer sur votre plateforme ! Pour les autre, planifiez une démo avec notre responsable commercial Paul Poinsot.
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