Qui sont les absent·es de la participation ? 

Un pan de la recherche sur la participation citoyenne a tendance à se concentrer sur les participant·es et vise à comprendre et définir une sociologie de la participation. Mais quand est-il de celles et ceux qui ne participent pas ? Nous allons ici mettre en lumière la recherche sur la non-participation citoyenne en proposant un focus sur le chercheur Vincent Jacquet qui concentre sa recherche sur les non-participant·es.


Le 8 février 2023, nous recevions Vincent Jacquet à l’occasion d’un événement de médiation scientifique interne à notre équipe : OSP Explore.

Lors du précédent évènement OSP explore, notre consultante Bertille Mazari présentait les origines et impacts de la participation des hyper-utilisateur·rices. Vincent Jacquet propose au contraire de comprendre qui sont ceux qui ne participent pas. Vincent Jacquet adopte une démarche de recherche novatrice et originale en menant une série d’entretiens sociologiques avec des non-participant·es. Son étude qualitative vise à identifier les motifs d’action des non—participant·es à des dispositifs de participation de types “mini-publics”.

Afin de mieux comprendre la non-participation dans les mini-publics, Vincent Jacquet prend comme objet de recherche trois dispositifs de participation belges : 

Vincent Jacquet est docteur en sciences politiques et chercheur qualifié F.R.S.-FNRS à l’Université de Namur. 
  1. Le Parlement Climat Citoyen (PCC) a réuni 45 citoyen·nes tiré·es au sort pour débattre de l’environnement et proposer des solutions concrètes au conseil provincial de la province du Luxembourg en Belgique.
  2. Le G1000 est un sommet organisé en Belgique en 2011 dans un contexte de crise politique due à l’absence de gouvernement fédéral. 1000 citoyen·nes tiré·es au sort se sont réuni·es pour réfléchir et formuler des recommandations aux représentant·es politiques. 
  3. Le G100, qui est inspiré du G1000, organise les discussions à l’échelle locale de 100 participant·es tiré·es au sort dans la commune de Grez-Doiceau.

Bien que ces dispositifs aient des objectifs distincts, des échelles différentes, et proviennent d’initiatives diverses, le taux de participation est le même : 3 %. Ce faible taux de participation correspond aux études menées sur le sujet, qui révèlent qu’au mieux, 70 % des personnes sélectionnées ne participent pas (Jacquet, 2017). 

Il est important de noter que les raisons de la non-participation peuvent être multiples et complexes, impliquant des facteurs individuels, institutionnels, culturels et sociaux. Par conséquent, l’analyse de la non-participation ne peut se limiter à une simple question de motivation individuelle, mais doit prendre en compte l’ensemble des facteurs qui peuvent influencer l’engagement des citoyen·nes.  

Les quatre profils des non participant·es

Vincent Jacquet a identifié quatre profils sociologiques différents qui caractérisent les non- participant·es en fonction de leur relation à la politique. Chacun des profils présentent des raisons distinctes et spécifiques permettant de comprendre les raisons pour lesquelles ces personnes ne participent pas.

Les familier·es 🖐

Ce profil de participant·e regroupe les personnes se déclarant politisées et qui s’intéressent à la participation (la personne militante syndicale, ou la personne militante d’un parti politique par exemple). Cette population peut être désignée par l’acronyme TLM (toujours les mêmes). Les dispositifs appelés « mini-publics » utilisant le tirage au sort ont pour avantage de réunir des militant·es qui ont des convictions, voire des opinions, opposées et qui ne se croisent pas habituellement dans les autres dispositifs de participation car ils évoluent dans des cercles différents et isolés les uns des autres. 

Les défiant·es 🫸

Les défiant·es ne participent que très rarement car ces personnes sont en marge du système politique. Elles ne votent plus et éprouvent une défiance à l’égard de  l’ensemble des processus de participation. Il y a des exceptions, c’est le cas notamment d’une participante que Vincent Jacquet a rencontré dans le cadre de ses entretiens. Le motif de participation de cette personne est moins l’enjeu de l’impact sur les politiques publiques que le fait de nouer des relations sociales avec les autres participant·es du dispositif. 

Les délégant·es 🫵

Les déléguant·es sont méfiant·es mais restent confiant·es dans la représentation : une personne ou un parti politique sert leurs intérêts. Ces personnes délèguent donc leur pouvoir aux élu·es ou à un parti dont elles se sentent proches mais ne considèrent pas que leur parole soit vouée à impacter les politiques publiques. Lorsque les individus délégant participent, c’est davantage dans une logique d’interaction sociale que de transformation de l’action publique.

Les concerné·es désenchanté·es 🫥

Les concerné·es désenchanté·es ont été initialement enthousiasmé·es par la démocratie électorale, mais ont finalement été déçu·es et ont changé d’opinion. Ces personnes ne croient plus en la politique et ne participent que très rarement. Lorsqu’elles donnent une chance aux mécanismes de participation, c’est très souvent afin de mettre le pouvoir en place à l’épreuve.

La non-participation prend des sens très différents en fonction des différents profils. Les personnes déléguant·es ne participent pas car elles ont une relative confiance dans le groupe qui les représente. Autrement dit, elles ne se sentent pas capables et ne prennent pas le temps de le faire car elles ont assez confiance dans leurs représentant·es pour servir leurs intérêts. Au contraire, les personnes défiant·es ne participent pas car elles n’ont pas confiance dans leurs représentant·es. 

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