Nos 5 missions phares de l’année 2022

Nos 5 missions phares de l’année 2022

Pour ce dernier article de 2022, nous vous présentons les cinq missions phares qui ont marqué cette année riche en nouveautés et réussites. Certaines réalisations se sont étalées sur un cycle terminé plus tôt dans l’année et font déjà l’objet d’un article dédié. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre blog ou à cliquer sur les encarts « aller plus loin » présents dans ce billet. Nous profitons également de cet article pour vous présenter deux projets en cours qui arriveront à leurs apogées courant 2023.  

Avant toute chose, nous adressons de chaleureux remerciements à l’ensemble de nos clients et partenaires que nous avons accompagné en 2022, aux acteurs et actrices de la participation citoyenne qui nous ont fait confiance pour la première fois, ainsi qu’à celles et ceux avec qui nous menons des missions depuis plusieurs années et qui ont choisi de continuer leur parcours avec nous. 

La Conférence sur l’avenir de l’Europe

Lise Gagné via Canva

Le 9 mai 2022 la phase consultative de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (CoFE), la plus ambitieuse démarche de participation citoyenne jamais mise en œuvre au niveau européen, touchait à sa fin. Cette consultation à l’échelle d’un continent et aux traits multilinguistiques et transnationaux avait duré un an pile, pour se lancer et se clore le jour de la Fête de l’Europe, un anniversaire symbolique de l’Union européenne qui fait écho à la déclaration de Schuman de 1950

L’idée d’une consultation des citoyen·ne·s de l’Union européenne remontait à 2019 et se posait l’objectif de rapprocher les institutions supranationales au terrain, pour une fois non pas en expliquant le fonctionnement et les compétences des institutions mais en écoutant directement la voix et les priorités des ressortissant·e·s des 27 États membres. Si d’un côté la pandémie de la Covid-19 a ralenti le lancement du projet, de l’autre côté elle a rendu central le volet numérique. La Commission européenne a choisi Decidim comme logiciel de participation citoyenne pour sa nature libre et éthique. La plateforme futureu.europa.eu, gérée au quotidien par Open Source Politics, a accueilli plus de 18 000 idées répertoriées dans neuf thématiques différentes. Les contributions ont pu être déposées et commentées dans l’une des 24 langues officielles de l’UE grâce à l’outil de traduction automatique E-Translation, développé en interne par la Commission européenne. La plateforme a aussi permis de centraliser les informations et les livrables associés aux événements parallèles qui ont eu lieu en présentiel et en visioconférence dans tous les États membres. 

Les chiffres prometteurs de cette démarche ont encouragé la Commission européenne à pérenniser certains dispositifs, notamment les panels citoyens européens dédiés à l’approfondissement de chacune des neuf thématiques de contribution. Ces panels, seront aussi dotés d’une plateforme numérique à destination de tous les citoyen·ne·s.

En savoir plus sur la Conférence sur l’Avenir de l’Europe et la plateforme numérique futureu.europa.eu

Chez Open Source Politics, la gestion d’une plateforme de telle ampleur a permis une forte montée en compétence de l’équipe, qui s’est aussi davantage internationalisée. Du point de vue technique, les contraintes réglementaires comme la traduction dans toutes les langues officielles et le système d’identification EU Login ont permis de mettre en valeur l’interopérabilité de Decidim avec des systèmes applicatifs institutionnels tiers.  OSP est ravie de continuer à accompagner la Commission européenne dans le cadre de missions dérivées à la CoFE.

Des contributions citoyennes aux sujets de contrôles de la Cour des Comptes

TouN, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

Dans le cadre du Plan d’action pour un gouvernement ouvert et transparent 2021-2023, la Cour des comptes a choisi d’ouvrir la programmation de ses sujets de contrôle à la contribution citoyenne. Plus de 330 contributions ont été déposées sur la plateforme de la Cour des comptes, permettant aux citoyens et citoyennes d’identifier d’importants enjeux et d’en débattre à travers les espaces de commentaires. 

À l’issue de la consultation, l’ensemble des contributions a fait l’objet d’une analyse, aboutissant à la production d’une synthèse quantitative et qualitative, accessible en ligne et soulignant la grande qualité des contributions citoyennes. 

De plus, poursuivant les objectifs d’information et de transparence, une réponse circonstanciée a été apportée à toutes les contributions, permettant de mieux comprendre le fonctionnement de l’institution et de son champ de compétences. 

Au total, ce sont six sujets de contrôle qui ont été retenus et intégrés à l’agenda des différentes chambres de la Cour ! 

Suite à cette expérimentation réussie, la Cour envisage la pérennisation du dispositif et son évolution, notamment à l’échelle des territoires.

En savoir plus sur la plateforme citoyenne de la Cour des Comptes

Pour OSP, cette mission a constitué une belle occasion d’accompagner un projet du PGO (Partenariat pour un Gouvernement Ouvert), pilotée par une institution nationale au service des citoyens mais parfois méconnue du grand public, notamment dans son fonctionnement. 

Notre pôle recherche a été mobilisé dans le cadre du travail de synthèse, pour lequel plusieurs méthodologies ont été adoptées : analyse quantitative de fréquentation, analyse linguistique des grandes tendances, analyse des sentiments et des modaux  ainsi que compte rendu des échanges des propositions les plus commentées. 

Découvrez nos méthodologies de synthèse utilisées dans le cadre de la mission avec la Cour des Comptes

La deuxième édition de la Convention Citoyenne Étudiante

© Lina Prokofieff

L’Université de Paris Est-Créteil (UPEC) et le Living Lab AlgoPo ont organisé en 2022 la deuxième édition de la Convention Citoyenne Étudiante, un format de co-construction et de délibération de politiques publiques autour d’une thématique d’intérêt général inspiré par la Convention Citoyenne pour le Climat. Le projet se pose un objectif pédagogique : former les étudiant·e·s aux pratiques démocratiques et aux méthodologies de l’intelligence collective afin d’en faire des futurs citoyen·ne·s impliqué·e·s et responsables politiques et économiques responsables. En même temps, il s’agit de donner du poids et de la légitimité aux idées et aux choix d’une jeunesse négligée par la politique et désenchantée vis-à-vis de l’état actuel de la démocratie. 

La première édition, un projet pionnier au niveau international qui comptait 150 participants, portait sur l’alimentation, une thématique au croisement de plusieurs enjeux clés de la société contemporaine : environnement, santé, développement local et justice sociale. 

L’édition 2022 est consacrée aux enjeux sociétaux liés au numérique : les participants sont répartis dans six groupes de travail portant sur : 

  • la citoyenneté numérique ;
  • le numérique éducatif ;
  • la santé et le numérique ;
  • l’inclusion et le numérique ;
  • l’environnement et le numérique ;
  • les droits et libertés fondamentaux. 

Le format de la Convention est tout aussi intéressant que le contenu des discussions et des thématiques abordées. La Convention s’ouvre avec une phase de méta-délibération : les étudiant·e·s participent entièrement à la conception du dispositif participatif et statuent des modalités de prise de décision. La co-construction de la convention avec les étudiant·e·s est un exercice de pédagogie et de réflexion collective autour des pratiques démocratiques qui implique une confiance majeure des personnes impliquées dans le dispositif. La Convention se déroule ensuite sur plusieurs étapes : après la méta-délibération suite au lancement ! La convention a officiellement été lancée le 10 octobre 2022. La phase d’approfondissement des propositions, qui a été rythmée par des d’ateliers intermédiaires, s’est terminée le 9 décembre avec la clôture de la Convention. Le suivi de mesures adoptées lors de la clôture aura lieu au cours de l’année 2023. 

L’intégralité de la CCE est marquée par une forte hybridation des formats, entre moments de discussion en présentiel et moment asynchrones de dépôt de propositions sur la plateforme Decidim du Living Lab AlgoPo

Open Source Politics a été associé au projet depuis la première édition en 2021 et a pu accompagner et suivre de près la création d’un format innovant de Concertation. Pour nous, cette mission est une occasion d’approfondir notre accompagnement aux formats présentiel et de travailler avec une organisation différente de notre public de référence, celui des collectivités territoriales. Notre équipe conseil a en particulier formé un groupe étudiant à la facilitation des ateliers d’approfondissement et de délibération. Lors de ces séances, l’équipe d’OSP a encadré les sessions délibératives afin de s’assurer de la bonne teneur des échanges. Pour finir, nous avonseu l’occasion de tester un outil complémentaire à Decidim et conçu pour faciliter la délibération : pol.is, un logiciel open source (bien sûr) et de référence dans le monde de la civic-tech.

En savoir plus sur la première édition de la Convention citoyenne étudiante 

La Réunion : le premier Budget d’Initiative Citoyenne 

Dunog, domaine public via Wikimedia Commons

Le département de la Réunion vient de lancer son premier Budget d’Initiative Citoyenne (BIC) en se dotant d’une plateforme Decidim pour assurer une infrastructure numérique appropriée. Un Budget d’Initiative Citoyenne se distingue d’un Budget Participatif par le fait que les projets lauréats du vote citoyen sont mis en œuvre non pas par la collectivité mais directement par les porteurs de projets. Tout·e citoyen·ne ou association peut déposer un projet, à condition d’être en capacité d’en assurer l’implémentation à travers les fonds alloués. Le budget total est d’un million d’euros

La forte proximité et connaissance des enjeux des associations qui travaillent sur le terrain favorise la mise en place d’initiatives qui soient portées et réalisées par celles-ci. Les compétences de gestion des fonds et d’exécution des projets sont donc à la charge des porteurs de projets. Cela, afin de favoriser l’efficacité et la pertinence de la mise en œuvre des projets.    

La démarche a suscité un très fort intérêt sur place : 123 propositions ont été déposées et sont actuellement en cours d’analyse par les services. Open Source Politics est ravie d’accompagner de près le département de la Réunion dans la mise en œuvre de ce projet pionnier, dont les résultats actuels sont très encourageants. Les spécificités de ce BIC vont aussi nourrir notre réflexion autour des bonnes pratiques du budget participatif. Le vote aura lieu entre février et mars 2023 : suivez-le sur la plateforme !

En savoir plus sur le budget d’initiative citoyenne de la Réunion

The People’s Money : le budget participatif de la Commission d’engagement civique de la Ville de New York

Adjoajo, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

En 2018, la population de New York a voté pour la création d’une Commission d’engagement civique (CEC), chargée de mettre en oeuvre le premier budget participatif à l’échelle de la ville ainsi que de tisser des liens avec les organisations de la société civile présentes sur le terrain afin de démultiplier et faire monter en puissance les initiatives d’engagement citoyen. 

Après une première expérimentation sur un nombre limité de districts New-yorkais, la CEC a lancé cette année sur sa plateforme Decidim le premier budget participatif à l’échelle de la ville. L’ensemble de la population New-yorkaise (citoyenne ou non), peut proposer un projet ou soutenir, commenter et voter pour ses projets préférés dans le cadre d’un BP dont le budget s’élève à 5 millions de dollars. Cette démarche mise fortement sur l’inclusion des toutes les communautés qui habitent la ville, notamment celles plus marginalisées et qui ont été plus impactées par la crise du covid-19 : pour cette raison, la plateforme est disponible en 13 langues

La phase de collecte de projets s’est déroulée en respectant un principe de forte hybridation : la plupart des idées ont été conçues au sein d’ateliers en présence, les « conversations de communauté », animés par des facilitateur·ice·s, alors que tout résident de la ville pouvait aussi déposer son projet directement sur la plateforme. Les facilitateur·ice·s ont après transposé les idées récoltées au sein des ateliers au format numérique. Le résultat est impressionnant : plus que 4100 projets déposés

Des représentant·e·s des communautés sont actuellement impliqué·e·s dans la phase d’approfondissement et rationalisation des projets proposés. D’autres habitant·e·s qui s’étaient porté·e·s volontaires seront invités à intégrer les comités d’évaluation des projets à soumettre au vote citoyen, qui aura lieu entre mai et juin 2023

En savoir plus sur la participation citoyenne aux Etats-Unis 

Pour OSP, la mission avec la ville de New York constitue à la fois un défi et une grande opportunité. Les défis relèvent de deux éléments principaux : l’infrastructure informatique, c’est-à-dire la capacité du serveur d’assurer la tenue de la plateforme face à un volume très important de trafic et d’interaction, et l’expérience utilisateur du front-office de Decidim, notamment lors de la phase de vote citoyen. Pour le premier volet, nous sommes en train de collaborer avec nos partenaires techniques sur place, l’entreprise américaine de services informatiques qui héberge la plateforme, pour la rendre plus puissante et résiliente aux volumes de trafic élevés lors des piques de participation. Pour l’amélioration de l’expérience utilisateur, un chantier de redesign du parcours de vote financé par la CEC est actuellement en cours. Les fonctionnalités qui seront développées dans ce cadre vont nous permettre d’ouvrir une réflexion plus large sur ce qui peut être amélioré dans Decidim concernant les options de vote, ainsi que de contribuer à enrichir le parc de fonctionnalités à disposition de la communauté. Abonnez-vous à notre newsletter pour rester au courant de nos progrès.  

L’équipe d’Open Source Politics vous souhaite un bon réveillon de fin d’année et ses meilleurs vœux pour l’année 2023 ! 

La participation citoyenne aux États-Unis et en Europe : une perspective comparative

La participation citoyenne aux États-Unis et en Europe : une perspective comparative

Ce texte rédigé par Joel Berenguer Moncada et Giulia Cibrario est disponible en français 🇫🇷 et en anglais 🇺🇸. English version below.


Open Source Politics est basée et travaille principalement en Europe, mais nous avons également la chance de mener des missions très intéressantes aux États-Unis. Nous avons notamment lancé la plateforme Decidim de la Civic Engagement Commission de la ville de New York (CEC), qui met en œuvre le premier budget participatif (BP) à l’échelle de la ville. Nous collaborons également avec le Great Cities Institute de l’Université de l’Ilinois sur le budget participatif de plusieurs quartiers de Chicago, ainsi qu’avec le High School District de Phoenix, en Arizona, qui a mis en place un BP axé sur un réseau de lycées de la ville.

En évaluant les principaux enseignements de nos missions aux États-Unis, nous avons remarqué un certain nombre de différences par rapport au contexte européen. Ces différences couvrent de multiples dimensions : 

  • les acteurs impliqués,
  • les objectifs de fond des démarches de participation citoyenne 
  • ainsi que les principaux axes de leur conception et de leur mise en œuvre. 

Pour cette raison, nous avons décidé de ne pas nous concentrer sur une mission spécifique ni de donner un simple aperçu de nos projets en Amérique du Nord, mais d’adopter une perspective comparative et de souligner les similitudes et les différences entre les processus participatifs que nous avons accompagnés en Europe et aux Etats-Unis. Néanmoins, notre perspective reste principalement basée sur le contexte européen et peut donc être biaisée. C’est pourquoi cette analyse comparative a été réalisée avec l’aide de Francesco Tena, fondateur de Pipeline to Power, partenaire de la Commission d’engagement civique de NYC, boursier de la Fondation Obama et champion infatigable de Decidim en Amérique du Nord. L’article que vous lisez est le résultat de ce dialogue.


Les processus participatifs liés à une thématique sociale et le rôle de la société civile

Les États-Unis d’Amérique sont l’une des plus anciennes démocraties du monde. Pourtant, la question de l’écoute de la voix de tous les citoyens, en particulier de ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires, n’a jamais été autant sous les feux de l’actualité que ces dernières années. La participation des citoyens aux politiques publiques au-delà des élections n’est pas une pratique institutionnalisée ni régulière, alors que dans certains pays européens, des processus tels que le budget participatif sont de plus en plus répandus, au moins au niveau local, sous l’impulsion de gouvernements locaux de différentes tendances politiques.

Illustration concrète de la participation citoyenne américaine lors du séance public autour du sujet de l'agriculture urbaine à Atlanta.
Illustration concrète de la participation citoyenne américaine lors du séance public autour du sujet de l’agriculture urbaine à Atlanta. Adjoajo, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Les organisations de la société civile, et notamment celles qui agissent pour améliorer les conditions et l’accès aux droits des communautés à l’échelle locale se placent au centre de cette conversation. C’est ainsi que nous avons interprété le fait de voir de nombreux processus participatifs portés par des mouvements de base et des ONG plutôt que par des institutions publiques. Pourtant, nous avons découvert que le rôle central de la société civile dans la promotion de la participation des citoyens a des origines plus complexes.

Premièrement, les différents niveaux de gouvernement aux Etats-Unis sont moins coordonnés à des fins pratiques qu’en Europe. Dans ce contexte, de nombreuses ONG aident les citoyens à s’orienter ou à plaider devant les différentes juridictions qui se chevauchent (et parfois se contredisent). En outre, la décentralisation des initiatives (et des politiques en général) est plus une nécessité qu’un souhait, car ce manque de coordination implique davantage d’obstacles pour les projets à grande échelle. Il en va de même pour le rôle de la société civile, qui devient un intermédiaire nécessaire pour combler les nombreux fossés entre les citoyens et les multiples niveaux de gouvernement.

Une autre observation est que les processus participatifs aux États-Unis ont tendance à se concentrer davantage sur des questions spécifiques, et celles-ci ont généralement une charge politique plus importante qu’en Europe. Ces questions sont souvent liées au climat, au racisme, à l’éducation ou à l’inégalité d’accès aux soins de santé. Nous pensions que l’impact des ONG de plaidoyer et des mouvements citoyens expliquerait la demande de ces processus participatifs sur des « questions brûlantes ». Si, en effet, ces acteurs sont très vocaux quant à leurs demandes de solutions, ils ne demandent pas nécessairement plus de participation. Ce sont généralement les agents publics ou les professionnels de la participation citoyenne qui soulèvent la question de l’utilisation des outils participatifs lorsqu’ils sont mis au défi de canaliser ces demandes publiques. Par conséquent, le choix de la participation citoyenne fait partie de la méthodologie adoptée car il renforce l’efficacité des mesures mises en œuvre pour faire face à ce problème.

Institutionnalisation vs approche pilote

En revanche, en Europe, la pratique régulière du budget participatif est dans une certaine mesure un résultat clé, et les domaines politiques couverts concernent souvent les infrastructures : les gens proposent d’allouer une partie du budget communautaire pour mieux équiper les parcs, les voies, les infrastructures sportives publiques et toutes sortes d’espaces partagés. Aux États-Unis, les communautés veulent s’attaquer à un problème sociétal, et elles décident de le faire par le biais d’un processus participatif tel que le budget participatif.

C’est pourquoi la phase de conception de chaque processus participatif comprend un comité de pilotage où toutes les parties prenantes, et notamment les plus marginalisées, sont invitées à intervenir et à contribuer à la définition des règles selon les principes d’inclusivité et d’accessibilité pour toutes et tous.

Bannière de la plateforme Decidim de la Civic Engagement Commission de la ville de New York centrée sur la participation de ses citoyens dans le budget de la ville.
Bannière de la plateforme Decidim de la Civic Engagement Commission de la ville de New York (CEC).

En fait, la nature thématique de la plupart des processus participatifs s’explique également par des raisons budgétaires : la participation des citoyens n’est pas considérée comme une politique à part entière, mais elle est complémentaire des domaines politiques « principaux » (auxquels sont alloués les « principaux » financements). En termes d’organisation gouvernementale, la politique de participation est toujours rattachée à des bureaux chargés d’autres politiques, généralement proches des gens (jeunesse, engagement familial, droits civils). A titre d’exception, New York est l’une des rares villes à disposer d’une commission d’engagement civique dédiée à ce sujet.

Le principal avantage d’une telle approche est que l’accent est mis sur les problèmes à résoudre plutôt que sur le processus lui-même, ce qui garantit que ce qui compte, c’est l’impact des projets. Au contraire, ces projets ont souvent tendance à rester dans la phase pilote, principalement en raison du manque de ressources dans le temps.

Ressources limitées et professionnels de la participation citoyenne

Ce manque d’institutionnalisation peut également trouver son origine dans les pratiques budgétaires spécifiques du secteur public aux États-Unis. Ce caractère provisoire permanent des initiatives participatives est également dû à un manque général d’engagement pluriannuel à leur égard d’un point de vue financier. Outre le fait que les initiatives participatives ne jouent qu’un rôle « complémentaire » dans le cadre de politiques plus larges, leurs ressources sont susceptibles d’être réduites à tout moment, de sorte que les promesses et l’horizon de planification tendent à ne durer que jusqu’à la fin de l’année fiscale. Cette situation est aggravée en général par le budget réduit (environ 50 % des recettes totales) dont disposent les agents publics pour l’allouer de manière discrétionnaire, car pour les collectivités locales américaines, le poids des dépenses fixes est plus important (assurance maladie des employés, etc.).

En conséquence, la plupart des processus participatifs sont confiés à des prestataires qui peuvent fournir l’expérience et l’infrastructure nécessaires au déploiement de ces projets ponctuels. Ces prestataires interviennent généralement dans les phases de conception et d’exécution. Souvent, ils profitent de l’environnement existant pour obtenir des informations précieuses et renforcer la portée de l’initiative. Combinés aux ressources mises en place par l’office public chargé du processus, les contractants remplissent leurs objectifs politiques. En ce qui concerne la sélection de ces prestataires, peu de problèmes découlent de leur nature commerciale ou non, alors que la diversité dans leurs équipes d’effectifs tend à être appréciée comme une garantie d’inclusivité dans les résultats des projets.

Source ouverte et confidentialité des données : un argument naissant

On pourrait penser que parmi ces variables, il y a la nature des logiciels utilisés. En général, si les agents techniques du gouvernement sont conscients et très réceptifs aux avantages et aux défis des logiciels libres comme Decidim, d’autres agents peuvent avoir besoin d’une introduction plus approfondie. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas encore d’une question prioritaire ou déterminante aux États-Unis, comme c’est de plus en plus le cas en Europe. Dans le même ordre d’idées, le débat public sur la confidentialité des données aux États-Unis ne repose pas sur les mêmes bases que sur le vieux continent, puisque l’accent est mis sur la méfiance des citoyens à l’égard de l’utilisation de leurs données par le gouvernement (identification des migrants en situation irrégulière, profilage, etc.).

Nous tenons à remercier chaudement Francesco pour sa précieuse expérience et ses réflexions et nous espérons que cet article vous a éclairé sur la situation de la consultation citoyenne en France/Europe par rapport aux USA.


Pour aller plus loin


Citizen Participation in the US and in Europe: a comparative perspective

Open Source Politics is based and mainly works in Europe, but we also have the chance to carry some very interesting missions in the US. Namely, we are powering the Decidim platform of the New York City Civic Engagement Commission (CEC), which is implementing the first citywide Participatory Budgeting. We are also collaborating with the Great Cities Institute of Chicago on its Participatory Budgeting, as well as with the High School District of Phoenix, Arizona, which implemented a PB focused on school safety. 

As the end of the year is approaching, it is time to perform the yearly overall evaluation of our missions of 2022. While assessing the main things we have learnt from our missions in the US, we noticed a number of differences compared to the European context. These differences cover multiple dimensions: the actors involved, the overarching goals of participatory processes as well as the main focuses in their design and implementation. For this reason, we decided not to focus on a specific mission nor to give a simple overview of our projects in North America, but to adopt a comparative perspective and highlight similarities and differences between participatory processes in Europe and in the US. Nevertheless, our perspective remains mainly based on the European context and therefore it may be affected by bias. This is why we decided to conduct this comparative analysis with someone from the other side of the Atlantic Ocean who has a deep understanding of the North American context. The article you are reading is the result of this dialogue.

We would like to thank Francesco Tena, founder of Pipeline to Power, partner of the NYC Civic Engagement Commission, Scholar of the Obama Foundation and tireless champion of Decidim in North America, for his precious experience and insights.

Issue-related participatory processes and the role of civil society

The United States of America is one of the most ancient democracies of the world, yet the conversation about listening to the voice of all citizens, especially the ones belonging to minority groups, has never been more under the spotlight than in the last few years. Citizen participation in public policy beyond the elections is not an institutionalized nor regular practice, whereas in some European countries processes like the Participatory Budgeting are becoming more and more widespread and « mainstream » at least at the local level, impulsed by local governments of different political leanings. 

Concrete illustration of American citizen participation during the public session on the subject of urban agriculture in Atlanta. Adjoajo, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Civil society organizations, particularly those working to improve conditions and access to rights for communities at the local level, are at the forefront of this conversation. This is how we interpreted the fact of seeing many participatory processes carried by grassroot movements and NGOs rather than public institutions. Yet, we discovered that the central role of civil society in promoting citizen participation has more complex origins. 

First, the different government levels in the US are less coordinated for practical purposes than in Europe. In this context, a lot of NGOs work helping citizens to navigate through or advocate before the different overlapping (and sometimes contradicting) jurisdictions. Moreover, decentralization of initiatives (and of policies in general) is more a necessity than a wish, as this lack of coordination implies more obstacles for big scale projects. The same goes for the role of civil society, which becomes a necessary intermediate filling the many gaps between citizens and the multiple levels of government.

Another observation was that participatory processes in the US tend to be more focused on specific issues, and these usually have a greater political charge than in Europe . These issues are often related to racial inequality, climate, education or unequal access to healthcare. We thought the impact of advocacy NGOs and citizens’ movements would explain the demand for these participatory processes on « burning issues ». If, indeed, these actors are very vocal about their demands for solutions, they do not necessarily ask for more participation. It is usually public officers or professionals of citizen participation who bring up the question of using participatory tools when they are challenged to channel these public demands. Therefore, the choice of citizen participation is part of the adopted methodology as it enhances the effectiveness of the measures implemented to face that issue.

Institutionalization vs pilot approach 

By contrast, in Europe the regular practice of Participatory Budgeting is to some extent a key result, and the policy areas covered often relate to infrastructure: people propose to allocate part of the community budget to better equip parks, lanes, public sport infrastructure and all kinds of shared spaces. In the US, communities want to address a community issue, and they decide to do it through a participatory process such as Participatory Budgeting.

This is why the design phase of each participatory process includes a steering committee where all the stakeholders, and notably the most marginalized ones, are asked to intervene and to help define the rules according to the principles of inclusivity and accessibility to all.

New York City Civic Engagement Commission’s (CEC) Decidim platform banner.

In fact, the thematic nature of most participatory processes is also explained by budgetary reasons: citizen participation is not considered as a policy on its own, but it is complementary to the « main » policy areas (to which the « main » funding is allocated). In terms of government organization, participation policy is always attached to offices in charge of other policies, usually close to people (youth, family engagement, civil rights). As an exception, New York is one of the few cities with a Civic Engagement Commission dedicated to the subject.

The main advantage of such an approach is that the focus remains on the issues to tackle rather than in the process itself, ensuring that what matters is the impact of the projects. On the contrary, these projects often tend to remain in the pilot phase, mainly as a consequence of lack of resources over time. 

Limited resources and professionals of citizen participation 

This lack of institutionalization may also find its origins in the specific budgeting practices of the public sector in the US. This permanent provisionality of participatory initiatives is also caused by a general lack of multi year commitment to them from a financial perspective. On top of the only « complementary » role of participatory initiatives within broader policies, its resources are subject to be cut at any time, so promises and planning horizon tend to last only until the end of the fiscal year. This is aggravated in general by the reduced budget (around 50% of the total revenue) available for public officers to allocate in a discretionary way, as for local communities in the US the burden of fixed expenses is higher (employees health insurance, etc).

As a consequence, most participatory processes are outsourced to contractors that can provide the experience and infrastructure needed to deploy these one-off projects. These contractors usually intervene in both the design and the execution phases. Often, these contractors will profit from the existing environment to get valuable inputs and boost the outreach of the initiative. Combined with the variables set up by the public office in charge of the process, the contractors fulfill their policy objectives. Concerning the selection of these contractors, few problems arise from the commercial or non-profit nature of these contractors, whereas diversity in their staff teams tends to be valued as a guarantee of inclusivity in the outcomes of the projects. 

Open source and data privacy: a nascent argument 

One could think that among these variables there could be the nature of the software used.

In general, while government tech officers are aware and very receptive to the advantages and challenges of open source software like Decidim, other officers may require a more deep introduction. In any case, this is not a priority or determinant issue in the US as it is increasingly becoming the case in Europe. On the same line, the public debate about data privacy in the US is not set on the same grounds as in the old continent, as the focus is put on the peoples’ distrust in the government use of their data (identification of irregular migrants, profiling, etc) rather than avoiding their commercial exploitation and enforcing a clear set of privacy rights.

We would like to thank Francesco for his valuable experience and thoughts and we hope that this article has enlightened you on the situation of citizen consultation in France/Europe compared to the USA.