L’interopérabilité, c’est quoi ? Nous avons abordé ce sujet l’année dernière lors des Rencontres du Club Open Source Politics. Il s’agit de la capacité d’un produit ou d’un système à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes existants ou futurs, sans restriction d’accès ou de mise en œuvre.
Dans le domaine de la démocratie participative, l’interopérabilité se réfère à la capacité des différentes plateformes numériques utilisés pour la participation citoyenne à échanger des données de manière fluide et sécurisée. Cela signifie que les informations ne sont pas enfermées dans un seul outil. L’objectif est de favoriser un dialogue constructif et une prise de décision plus éclairée et collaborative en permettant aux différentes plateformes de communiquer entre elles, même si elles sont basées sur des logiciels différents.
Chez Open Source Politics, nous sommes convaincus que l’interopérabilité est une des pierres angulaires pour approfondir et pérenniser l’impact de la démocratie participative en ligne. En connectant différentes plateformes, nous pourrons créer des voies de mobilisation et de participation plus transparentes et plus inclusives, un véritable data space de la démocratie.
Le data space de la démocratie apportera l'interopérabilité entre les démarches de participation citoyenne
Le concept de “data space” désigne un espace de données interopérables. Pour simplifier, imaginons Internet avec ses sites, applications et plateformes qui nécessitent des données générées par les utilisateurs. Par exemple, des citoyens peuvent déposer des contributions sur des plateformes, mais ce principe s’applique à de nombreux autres domaines.
Actuellement, il existe deux modèles principaux :
Modèle centralisé
C’est le modèle le plus courant. Les données sont centralisées sur une même base. Lorsqu’une plateforme est créée, les utilisateurs créent des comptes, et toutes leurs données sont stockées dans une base centrale. Cela permet des gains de performance et de cohérence, mais entraîne aussi une captation des données personnelles. Des réglementations existent pour encadrer l’utilisation de ces données, mais nous vivons dans un monde d’applications centralisées qui peuvent échanger des données entre elles, tout en gardant les données utilisateur au même endroit.
Modèle interopérable
L’interopérabilité est un terme d’ingénierie utilisé dans divers domaines. Par exemple, les SMS et les appels téléphoniques fonctionnent entre différents appareils grâce à des protocoles communs. Les emails en sont un autre exemple : différents clients mail peuvent recevoir et envoyer des emails entre eux. L’interopérabilité permet à plusieurs bases de données d’échanger des informations sans avoir à les recréer.
Un exemple concret
Deux collectivités voisines avec chacune une plateforme de participation citoyenne. Si elles veulent organiser une consultation commune, comme la création d’une nouvelle voie cyclable entre les deux communes, les utilisateurs devront actuellement créer des comptes sur deux plateformes différentes pour contribuer et les idées ne seront pas mises en commun en temps réel car les bases de données ne communiquent pas entre elles.
L’intérêt de l’interopérabilité est de permettre aux utilisateurs de rester sur leur plateforme tout en interagissant avec des données provenant d’autres plateformes. C’est ce que Bordeaux Métropole, l’un de nos clients, a souhaité mettre en place.
En 2020, Bordeaux Métropole a investi dans Decidim, une plateforme de participation citoyenne, et a progressivement mutualisé cette compétence. Contrairement à d’autres clients, Bordeaux Métropole a choisi de gérer directement les plateformes via un service dédié. Nous avons créé de la documentation pour les rendre autonomes et assurons la maintenance et le conseil. Bordeaux Métropole gère différentes instances de Decidim pour quelques-unes des 19 communes qui ont mutualisé leurs services numériques. Actuellement, sept plateformes Decidim sont en place, et ce nombre pourrait augmenter.
L’idée est que toutes ces communes bénéficient du service métropolitain et des compétences associées. En retour, elles expriment des besoins, comme l’organisation d’un budget participatif métropolitain. Plutôt que de rediriger les utilisateurs vers une autre plateforme, l’objectif est de permettre aux habitants de contribuer directement depuis leur plateforme locale. Par exemple, un habitant de Pessac pourrait déposer une contribution au budget participatif de la métropole depuis la plateforme de Pessac, et un habitant de Bègles pourrait voir et interagir avec cette contribution sans quitter la plateforme de sa commune.
Cela nécessite la synchronisation des données via des API, évitant ainsi la duplication des bases de données. Ce modèle peut être décliné à différentes échelles, que ce soit pour des consultations locales, sectorielles ou même européennes. L’interopérabilité permettrait aux données de s’échanger de manière fluide, quel que soit le site utilisé pour contribuer, assurant ainsi que toutes les contributions soient analysées au même endroit.
Pour que les applications puissent échanger entre elles, il faut définir un standard commun, ou ontologie, qui spécifie la forme et les attributs des données échangées. Cela permet aux différentes plateformes de comprendre et d’interpréter les données de manière cohérente.
Nos premiers partenaires
Actuellement, nous collaborons avec deux acteurs principaux :

Bordeaux Métropole nous soutient et a financé des études préliminaires.
Elle financera également une partie du développement, ce qui nous permettra de créer un pilote cette année pour visualiser l’échange de données entre deux plateformes Decidim.
Startin’Blox, notre partenaire technique, avec qui nous collaborons depuis plusieurs années. Ils sont experts en data space et ont contribué activement au projet TEMS (Trusted European Media Data Space – Espace de données européen de confiance pour les Médias). L’année dernière, ils nous ont aidés sur des aspects techniques et la définition des feuilles de route. Leur expertise sera cruciale pour connecter deux instances Decidim, une première étape avant de relier des technologies différentes et créer un data space plus large.
Startin’Blox va fournir un prototype basé sur leur expertise en data space. Leur application tierce interagira avec Decidim, affichera les contributions de Decidim dans un autre espace et permettra des actions utilisateurs qui seront visibles sur Decidim. Ces deux objectifs techniques sont nos priorités pour cette année.
Les prochaines étapes
Nous sommes conscients que ce ne sont que les premières étapes. Pour avancer, nous devons nous entourer de partenaires et définir des ressources ouvertes avec une gouvernance appropriée, car l’interopérabilité repose sur des standards communs. Nous aurons donc de nombreux échanges avec des partenaires potentiels, y compris d’autres collectivités françaises utilisant Decidim ou d’autres plateformes de civic tech, ainsi que des éditeurs de logiciels complémentaires et concurrents. Cela permettra à terme d’interconnecter différentes plateformes et d’échanger des données de manière fluide.
Un tel projet prend du temps, mais nous avons déjà réuni en février une quinzaine d’acteurs différents pour un premier atelier définissant le périmètre d’un data space pour la démocratie. En mars, nous sommes partis de la matière créée pour la confronter à une vingtaine de participants des Rencontres Européennes de la Participation. En avril, nous avons réalisé une série d’interviews avec différents profils correspondant à autant d’utilisateurs potentiels des fonctionnalités interopérables (participants, administrateurs de plateforme, éditeurs, chercheurs…). Le compte-rendu de ces échanges nourrit un document de vision pour le data space de la démocratie, que nous allons publier d’ici l’été.
Notre objectif est d’associer progressivement toutes les personnes intéressées au développement du data space, à la définition des standards et à la mise en place d’une gouvernance ouverte.
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